Dora a été froidement assassinée par le sergent Akambi au cours d’une manifestation hostile au pouvoir dictatorial en place. L’étudiante a été mortellement atteinte sur le campus. Le « demi dieu», Paul Koki, autoproclamé général, a décidé de modifier la constitution pour pouvoir se représenter après plus de 20 ans au pouvoir ; un pouvoir qu’il avait pris par un coup d’Etat sanglant. Il voulait en réalité se « conformer » au vent de la démocratie qui soufflait sur le continent. Ce système de gouvernance, pour lui, se résumait à faire taire l’opposition par des disparitions forcées, des assassinats, des répressions violentes avec des hommes en tenues dévoués à vomir le feu à chaque fois pour protéger l’autocratie en disgrâce. Un « vrai » démocrate comme on en trouve en Afrique. Une décision égoïste, jugée irrecevable par une jeunesse estudiantine en quête d’une nouvelle ère.
Voilà la trame du roman « La mort du lendemain ». Jérôme Nouhouaï nous plonge dans les interstices d’un continent où les dictatures et les coups d’Etat se comptent par centaine ; un continent où les constitutions mutent au gré des humeurs des « Guides ». Le narrateur est animé par un esprit de vengeance. Celle qui aurait pu devenir sa femme s’est vidée de son sang sous ses yeux. Les moments de bonheur étaient si rares dans ce pays. « Certains comprenaient comme moi, que seule la force pouvait disposer de la tyrannie et de l’injustice. La liberté est au bout du fusil, pas dans les beaux discours » page 111. « La lutte pour la liberté, la vraie liberté, n’avait jamais été un agréable échange de politesse de salon ; ça s’arrachait avec les tripes et du sang » page 40. « Que ceux qui se croient éternellement investis de pouvoir seront balayés. Si les civilisations sont mortelles, alors les dictatures aussi » p174. C’est la rébellion, parti du septentrion, avec le soutien de certains hauts cadres de l’armée qui a mis fin au pouvoir régnant.
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« La mort du lendemain » est une odyssée au cœur de la gouvernance à l’africaine ; une gouvernance teintée de corruption, de complot, d’assassinat, de haine, de maltraitance, d’injustice et d’une opposition réduite au silence et ses hommes de première ligne détenus pour des raisons fallacieuses. Dans un contexte où règne la terreur, certains sont obligés de s’exiler pour fuir les regards sanguinaires. La dictature n’a pas d’ami. Modeste, l’un des soutiens inconditionnels du pouvoir de Paul Koki l’a appris à ses dépens. L’homme d’affaire prospère a fini par se révolter suite au décès de sa fille. La dictature n’épargne personne. Elle est prête à éliminer même ses soutiens pour survivre. Au fort de la crise, la métropole a aidé le dictateur à s’enfuir. Une fin violente pour un dictateur qui aura rependu la terreur et brimé le peuple qu’il était censé protéger.
Construit en trois parties (Ici, Ailleurs et Maintenant), ce roman s’inscrit dans l’ère du temps. Cette production est d’une actualité brulante car les maux dénoncés avec un ton colérique par Jérôme Nouhouaï et son narrateur demeurent prégnants. Seule la rébellion a réussi à déraciner une vieille dictature. Ce livre de 161 pages est un condensé de peines, un flot de sang, de colère et surtout de la soif du changement au sein d’une jeunesse sans issue pourtant bourrée d’imagination. L’auteur s’est appuyé sur un discours sans phare et direct pour conter le pénible quotidien d’une Afrique en quête d’un nouveau sens. Les mots sont simples. Les phrases sont des ilots d’idées pour une gouvernance plus accessible à tous. L’ancienne puissance colonisatrice reste, hélas, au cœur des politiques africaines. « C’est la France qui dirige en réalité ce pays. C’est eux qui dirigent les plus grandes sociétés, les exploitations minières, forestières. L’argent de ce pays, c’est eux. En échange de tout ça, ils ne se mêlent pas de politique. Le gouvernement a donc les mains libres pour réprimer discrètement ; mais efficacement les opposants puisqu’il peut compter sur le soutien sans faille de cette France pour le défendre à l’extérieur », dénonce l’adjuvant du narrateur.
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Edité chez présence africaine, « La mort du lendemain » est un chef d’œuvre. Ce livre mérite d’être lu dans les Universités et Lycées afin de forger une Afrique qui pense pour elle-même et par elle-même son devenir. Il faut rompre avec cette « Afrique-jouet » où les caciques au pouvoir se partagent le gâteau au détriment des plus faibles.
Livre : La mort du lendemain
Genre : Roman
Page : 161
Editeur : Présence africaine
Auteur : Jérôme Nouhouaï