Les non camerounais seront toujours effarés par la capacité des camerounais à absorber les chocs. Et à se relever le lendemain pour vaquer à leurs occupations, en oubliant l’obstacle, sinon, en le contournant. Peu de fois, on les a vus de manière décisive exprimer leur indignation devant une situation. Même l’arrivée des réseaux sociaux n’a pas permis à tout le monde pouvoir exprimer cette » sainte colère » des peuples, qui sait tenir à carreau les dirigeants de tout pays. Afin qu’ils n’abusent point.
Extrêmement loquaces lorsqu’il s’agit des problèmes des autres pays – un certain pays de l’Afrique de l’ouest en particulier- ils redeviennent silencieux et compréhensifs, pédagogiques au besoin, lorsqu’il s’agit des insupportables vilenies qu’ils sont tenus de supporter. On a tenté d’expliquer cela par l’histoire déjà lointaine, des maquis des années 1955-70, où la répression la plus brutale a été faite sur la rébellion. Si tant il est que la peur se transmet de génération en génération, la capacité à dire non devrait pouvoir l’être aussi, pourquoi pas. On attribue cette incapacité à s’indigner au long règne à la chicotte de l’Ancien Régime. Mais cela est discutable, des peuples ayant vécu sous la férule de véritables tyrans, n’en ont tiré qu’une révolte plus libératrice encore, en se jurant le « Plus jamais ça « . On a même voulu apporter une explication écologique, en affirmant que ce sont nos forêts et savanes pleines de gibier et de fruits de cueillette, qui seraient à l’origine de cette indolence.
Rien, mais alors rien n’est à mesure d’expliquer cette veulerie généralisée, qui va jusqu’à criminaliser les citoyens » coupables « de la moindre dissidence. On veut vivre, boire la bière et manger le poisson braisé » au calme ». Quelque chose de grave et de profond s’est passé chez ce peuple. Et les bribes d’explication ne ressortent que dans le langage qu’il s’est inventé pour dire sa détresse, panser – superficiellement – ses plaies, mais surtout, se donner l’illusion que l’on est bien, d’abord, que l’on n’est pas si mal ensuite, que l’on n’est pas pire que tel autre, enfin…Lorsqu’on s’entend parler, il y a à la fois, dans nos mots et expressions, un mélange de révolte contenue, mais aussi de résignation absolue. Les Camerounais évacuent leurs frustrations dans des attitudes décelables, dont l’incivisme crasseux sur la voie publique et la violence verbale …
Lorsqu’ on commet un acte incivique, on a l’impression de se venger contre » le ngomna » qui brime et écrase, mais aussi laisse les gens mourir dans leurs déjections. Le numéro 1 dans cette attitude, c’est le bendskineur qui, laissé pour compte, entend régler son compte à tous ceux qui ne sont pas de sa condition en violant tous les codes de la vie en milieu urbain. » Après tout, s’ils prennent leur part là-bas, nous on prend la nôtre ici. » Semblent-ils se dire… Mais qu’est-ce, le bend skin, d’autre que le simple révélateur d’un » bend state », qui a échoué partout où on l’attendait : transports et infrastructures publics, urbanisme et habitat, santé et environnement…Mais pire échoué à donner de l’espoir ?
Phrase d’une chanson du Bikutsi-man Cirage. (« On attend l’enfant, l’enfant ne vient pas »)