Livre : Les pleurs pour un Cameroun nouveau

Le recueil de poèmes intitulé « Cameroun : le malheureux paradis » dresse le portrait des maux qui minent le pays en invitant les différents acteurs, à travers des rimes déroutantes, à un dialogue question de stopper l’hémorragie.
Mal

Le Cameroun  avait fait de la paix, la chose la mieux partagée. C’est d’ailleurs un élément clé de sa devise. La cohésion et l’entraide étaient l’une de ses marques et sa diversité culturelle, le soleil qui l’illuminait à partir du cœur de l’Afrique centrale. On se regardait en « frère » et « sœur » avec au coin de l’œil, un destin commun. Cette fierté est désormais en veilleuse car beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Les « frères et sœurs » d’hier se regardent désormais en chien de faïence. On vit une sorte de bipolarisation de la pensée. On suspecte tout le monde et case chacun en fonction de sa perception des faits sociaux ou politiques. Le pays est tiraillé de part et d’autres à cause des conflits de différentes natures. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’horreur n’est pas retombée.  Cette situation alarmante occupe une place importante dans le recueil de poèmes politique intitulé « Cameroun : le malheureux paradis ».

Paru aux éditions du Schabel, le titre seul, teinté d’un blanc et rouge sur un fond noir et bâti sous la coupe de l’oxymore, renseigne sur l’émoi des vers à venir. Ce recueil constitué de 50 poèmes est lourd d’émotion. Il nous replonge dans les interstices de la crise anglophone en nous livrant ses entrailles les plus sordides. Les frères s’affrontent, se donnent mutuellement la mort tout en répandant le sang sur nos terres. Avec l’entrée des armes dans ce conflit, le désespoir a déchiré le pays obligeant les plus fragiles à s’exiler malgré eux. Loin de leurs villages et de leurs maisons, l’effroi reste leur souvenir le plus pressant. Les corps inertes jouxtent les rues ; les forêts sont témoins de la violence des tirs et l’angoisse des populations au quotidien. Cette œuvre d’une actualité brulante, sculpte l’effroyable quotidien des Camerounais dans ces deux régions du pays et au-delà, à travers des textes poignants par le choix des mots et écœurant par les larmes qu’ils dégagent. Les pleurs sont devenus le lot quotidien comme ces « pleurs d’un jeune de 13 ans » immortalisés par Hervé Fopa Fogang (P.27) dont les vers transpercent les cœurs. « Ô  Seigneur je ne connais rien ; A part que je suis fugitif ; Mes frères sont devenus ennemis ; Je souffre mais personne pour me secourir ; Ma vie est devenue leur cible ; La souffrance est devenue mon pain ; Les populations meurent, les femmes sont mortes. Eh Dieu! »

Etalé sur quatre parties, chacune d’elle traite d’une question précise : crise anglophone, l’actualité politique autour de la dernière élection présidentielle, le patriotisme et la citoyenneté. « Cameroun : le malheureux paradis »  est un véritable récit des problèmes qui ruine la société à savoir : la haine, la mal gouvernance, les violences physiques et verbales, assassinat, corruption, injustice… « Honte aux dirigeants africains » ;  « Nous sommes tous des frères » ; « Mon village » ; « Tchakounté » ; «  République à sang » ; ou encore « Listen », peint le triste sort d’un pays jadis unit dans sa diversité. « Cette diversité qui faisait notre fierté ; Elle, qui nous faisait espérer un bout du tunnel ; Nous a plongés dans une nuit Ether-Nell », clame ‘’La triste chorale’’ (P. 84).

Les 50 poètes viennent du Cameroun, Benin, Tchad, Togo et du Burundi. Ils sont allés, chacun pour ce qui le concerne, de son inspiration en naviguant entre rimes et vers libres. Ce kaléidoscope sentimental déversé sur l’Afrique en miniature rêve d’un Cameroun nouveau.  Les pleurs que dégage ce recueil de poèmes, tant du paratexte que du texte, transpirent l’espoir. Le crépitement des armes et la violence, ne pourront pas être  des solutions pour une paix durable. Dans « Une plume sous un manguier », Destin Feutseu Dassi est clair. A la  dernière strophe il écrit : « Gardez-vous chers gouvernants, de semer les mêmes erreurs en espérant récolter moins de haine : Rien ne vaut le dialogue, même pour les ‘’sans gêne’’ ! »

Chacune des pages de ce recueil de poèmes de 123 pages intitulé : « Cameroun : le malheureux paradis », est un régal pour tout passionné de belles lettres. D’un poème à un autre, la cadence sublime l’envie, agite notre ‘’moi’’ grâce aux mots biens choisis pour décrire les maux de notre société. Au-delà de l’esthétique de cette œuvre, elle est facile à lire et plonge le lecteur dans son environnement ; c’est également le diagnostic imagé d’un pays à la croisée des chemins. Pour retrouver les rails et le glorieux paradis « d’antan », il faudra se parler entre frères et sœurs et se pardonner mutuellement in fine. Ce recueil de poèmes est produit sous la direction de Christal Thomas Fotue Simo et préfacé par Solange Medjo Elimbi. Il est disponible au prix de 5000 Fcfa.

Solière Champlain Paka

Author: Solière Champlain Paka

Je suis un journaliste passionné par l'écriture et les métiers de la voix. L'humilité me permet d'apprendre, de comprendre et de partager le fruit de mes recherches sans restrictions. Mon éclectisme m'a conduit depuis plusieurs années maintenant, vers les questions Politiques, Culturelles, sportives ...

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