Georges Alain Boyomo a rendu public son diagnostic dans un ouvrage de 300 pages le 24 novembre dernier. Le journaliste expose un nombre important de germes à l’origine du malaise grandissant.
En écrivant sa chronique le 3 juin 2016 intitulée : « Le boulet anglophone » (p153-155) sur ‘’les programmes dans les universités’’ ou la question de l’usage des langues dans les tribunaux de la région du Nord-Ouest, Georges Alain Boyomo ne se doutait de rien. Mais 7 ans plus tard, son récit reste prégnant. Il dépeignait déjà des revendications sous cape avec une forte odeur de colère des ressortissants de cette partie du pays. On en est là aujourd’hui. Cette région est plongée dans une crise profonde. Des familles ne finissent plus de pleurer leurs morts. Des armes ont fait irruptions semant la terreur parfois loin des frontières. Le sang coule à flot. Les dégâts à date sont impressionnants.
Des solutions envisagées par le pouvoir peinent à raffermir les cœurs car la psychose étend progressivement ses tentacules : « Plutôt que de faire la politique de l’autruche, le pouvoir actuel doit regarder la question anglophone de front, pour que le Cameroun ne traîne pas ce boulet ad vitam aeternam », écrivait déjà l’auteur. Cette chronique, parue dans les collines de Mutations, fait partie des 100 consignées par Georges Alain Boyomo dans un ouvrage appelé : Commentaires : diagnostic d’une sociétaire camerounaise en panne. Dans cet ouvrage de 300 pages, le journaliste pose un regard froid et sans négociation aucune sur le pays tel qu’il va en général. D’une plume incisive et pédagogique, l’auteur peint le visage triste d’un pays pourtant riche en ressources ; mais qui peine à se développer. Ici, on manque un peu de tout : « …à cause de la corruption et des lourdeurs administratives morbides, l’exécution du Bip n’arrive pas à transformer les conditions de vie de la majorité des Camerounais, en leur permettant d’accéder aux services sociaux de base, à savoir l’eau, l’école, l’électricité et les routes. Par ailleurs, la politique d’équilibre régional, telle qu’elle est paramétrée et pratiquée aujourd’hui, accentue le repli identitaire et débouche sur des frustrations. Le vivre ensemble seriné dans les discours officiels se fracasse, à chaque fois, sur des considérations sectaires », dénonce l’auteur. Ce qui lui fait dire, des attentes déçues que : « Paul Biya n’est pas un homme à opérer des révolutions » (p70)
Le népotisme, la corruption, le tribalisme, la mal-gouvernance, les détournement… Des maux exposés par l’auteur. Ils peuvent tenir dans un conteneur de 20 pieds. Mais comment se taire face à ces tares qui plombent le développement du pays et contribuent à la misère des camerounais. Comme un combattant tenant un drapeau blanc avec pour seul arme sa plume, Georges Alain Boyomo donne de l’échos à son positionnement à travers ce livre. Il plante d’ailleurs le décor en tirant a « boulet rouge » sur l’élite. L’auteur n’y va pas d’une main morte « Il faudra bien l’admettre : la floraison des memoranda ces derniers temps au Cameroun met en lumière la faillite de l’Etat et de l’élite politique », (p26). En d’autres termes, l’élite ne joue véritablement pas son rôle dans la société. C’est un essai à lire. Le Pr Aboya Manassé parle d’ailleurs de la froideur du passage de la société camerounaise dans un miroir afin que chacun puisse se regarder à travers ce livre et se projeter dans le vécu quotidien des camerounais. « C’est un livre qu’il fallait écrire, qu’il fallait avoir l’audace d’écrire et la lucidité d’écrire. Une société qui ne se regarde pas dans un miroir est appelé à s’enliser. C’est comme une sorte de sentinelle qui regarde et fait part de son regard à la société qui n’arrive pas à se regarder elle-même ».
« Commentaires : diagnostic d’une sociétaire camerounaise en panne », est un livre à lire avec méthode. Car l’auteur a mis sa plume dans les plaies du quotidien des camerounais. Chacune des 100 chroniques correspond à une thématique et un contexte précis pour mieux quitter le lecteur dans ses propres grilles d’analyses de son environnement. Dans cet ouvrage, aucun aspect de notre société n’échappe à l’encre de Georges Alain Boyomo. Il traite de politique, sport, gouvernance… en s’ouvrant vers l’ailleurs (Macky et Paul ; Ouattara, oh là là … ! Ndlr). Le lecteur le dévore d’un trait au regard du style déployés pour transmettre les idées. Un vrai délice pour les amoureux des belles lettres et des amateurs de chroniques également car les techniques usitées forcent l’admiration. Certains pourraient le lire avec le dictionnaire à coté car le choix des mots sur l’axe paradigmatique mérite un brin de recherche. Le lecteur ne s’ennuie pas en le parcourant tant sur le plan de la forme qu’au niveau du fond. Une constance se dégage des 300 pages : le thermomètre du Cameroun est au-delà de 40°. Le pays a besoin de bonnes mesures pour l’aider à sortir de la situation critique actuelle. La technique du pourrissement devrait céder la place l’anticipation et à la proactivité. Comme qui dirait : gouverner c’est prévoir.
Publié aux éditions Eclosion, l’essai est préfacé par Jean-Marie Mollo Olinga. Georges Alain Boyomo porte un regard sur le pays selon sa perspective et son background d’historien du présent. Dans un pays qui a deux langues de crête comme le nôtre, la version anglaise de cet ouvrage serait la bienvenue car les problématiques abordées couvrent les dix régions du pays.
Livre : Commentaires : diagnostic d’une sociétaire camerounaise en panne
Auteur : Georges Alain Boyomo
Genre : Essai
Editeur : Eclosion
Nombre : 300 pages
Author: Solière Champlain Paka
Je suis un journaliste passionné par l'écriture et les métiers de la voix. L'humilité me permet d'apprendre, de comprendre et de partager le fruit de mes recherches sans restrictions. Mon éclectisme m'a conduit depuis plusieurs années maintenant, vers les questions Politiques, Culturelles, sportives ...
