Les malvoyants déportés en rase campagne pour avoir manifesté

Le 27 juin dernier, une manifestation des handicapés a été réprimée par la police dans la ville de Yaoundé. Vingt-quatre heures après, certains manifestants revenus à nouveau faire un sit-in devant les services du premier ministre ont été déportés hors de la ville par les policiers.
ANDI

Dans la journée du 28 juin 2022, il y a eu rebondissement dans le cadre de la manifestation pacifique des malvoyants. Vingt de ces personnes handicapées sont revenues pour protester devant les services du Premier ministre à Yaoundé. Les malvoyants ont été interpellés par les policiers, puis conduits dans le département de la Mefou et Afamba, où elles ont été abandonnées par les policiers. Cette stratégie de la police vise à éviter les séries de manifestations pacifiques que projettent ces personnes vulnérables pour exiger un bon cadre de vie. « Nous avons été abandonnés dans une localité rurale sans mettre à notre disposition des moyens pour rentrer chez nous. Malgré notre handicap nous avons réussi à braver ces difficultés », explique un manifestant.

« Excès de pouvoir » de la police

Le lundi 27 juin, vingt-sept malvoyants ont été interpellés aux environs de 8h devant les services du Premier ministre, avant d’être libérés en début d’après-midi. Ces personnes vulnérables ont été placées en garde à vue au commissariat central N°1 de la ville de Yaoundé. Selon une source policière, ces jeune gens avaient été interpellés  pour « manifestation illégale et trouble à l’ordre public ». Ils affirment avoir été maintenus dans une cellule étroite pendant plusieurs heures  alors que leur intention était de demander au chef du gouvernement une plus grande facilité d’accès à l’emploi. Alors même qu’ils espéraient trouver une oreille attentive chez les autorités, ils ont été embarqués par les forces de l’ordre et placés en cellule sans être auditionnés.

Plusieurs associations qui regroupent des personnes vivant avec un handicap ont dénoncé cette « barbarie » des autorités policières qui ont fait preuve d’un excès de pouvoir vis-à-vis de personnes qui réclament plus de considération de la part du gouvernement. L’association Godwill dénonce une grave atteinte au droit de manifestation pacifique, un droit reconnu à tout citoyen comme le stipule l’article  21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Le droit de réunion pacifique est reconnu. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui ».

Me Emmanuel Simh, avocat au barreau du Cameroun affirme que les personnes interpellées ont fait l’objet d’une détention abusive. Par ce geste, les policiers violent l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui précise : « Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ». L’avocat estime que les autorités qui ont instruit l’interpellation des malvoyants doivent être poursuivies devant les tribunaux pour abus d’autorité.

 Non à la marginalisation

Patrick Bevolo, l’une des victimes de la répression et porte-parole des manifestants explique : « Nous sommes retrouvés au rond-point Hilton aux environs de 6 h du matin. Nous étions munis de pancartes pour notre sit-in. Les policiers sont arrivés dans des pick-up et se sont mis à nous violenter. Ils nous ont embarqués de force et nous ont conduits au commissariat central n 1. Des heures plus tard, nous avons été appelés dans le bureau du directeur.  Nous avons eu plusieurs réunions avec ces responsables du ministère des Affaires sociales au sujet de nos revendications. La seule chose que nous avons obtenue du Minas c’est la dispense d’âge.  Nous avons compris qu’il fallait aller à la Primature exprimer notre mal-être. Nous sommes marginalisés. Nous voulions à travers notre marche pacifique transmettre un message fort non seulement à la communauté nationale mais internationale ».

Les revendications des manifestants sont entre autres : le recrutement immédiat de  nos trois candidats au concours des journalistes pour l’intégration directe à la Fonction publique, l’institution d’un fond spécial visant  à financer les micro-projets des personnes handicapées, l’organisation d’un recrutement spécial d’entrée à la Fonction publique réservée exclusivement aux personnes handicapées en tenant compte des différents types de handicap. Ils revendiquent également l’institution d’un quota d’embauche de 10% comme le prévoit la réglementation en vigueur pour les personnes handicapées lors des concours et recrutements  de la fonction publique et du privé, et la mise sur pied d’une pension d’invalidité.

Le dossier à l’étude ?

La directrice  de la protection sociale des personnes handicapées et des personnes âgées au ministère des Affaires sociales n’a pas pu nous recevoir ce 29 juillet 2022 faute de temps. Certains de ses collaborateurs affirment que les doléances formulées par les malvoyants sont en train d’être étudiées par le gouvernement : « Les malvoyants ne sont pas les seuls handicapés qui préoccupent l’attention du gouvernement. Le ministère des Affaires sociales met en leur faveur une politique d’inclusion sociale comme chez les autres personnes handicapées », explique un cadre du ministère des Affaires sociales.

Michel Fozeu, président de la Dynamique des aveugles et malvoyants intellectuels du Cameroun (Damic), affirme que le sit-in observé ces deux derniers jours est justifié par le fait que les malvoyants ont l’impression d’être abandonnés par le gouvernement : « Depuis que nous avons manifesté, le gouvernement ne veut pas nous tendre la main pour discuter de nos doléances. Nous dénonçons avec la plus ferme énergie la marginalisation des malvoyants dans notre pays », s’insurge Michel Fozeu.

Prince Nguimbous

Author: Prince Nguimbous

Prince Nguimbous est journaliste au Quotidien Le Jour depuis plusieurs années. Un journal où il a eu la chance de côtoyer les grandes plumes comme Xavier Luc Deuchoua, Stéphane Tchakam, Jacques Bessala Manga etc. Il est passionné des sujets liés aux droits de l’homme. Sa vision du journalisme est surtout de dénoncer les injustices sociales afin de promouvoir un changement de comportement dans l’ensemble de la société.

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Prince Nguimbous est journaliste au Quotidien Le Jour depuis plusieurs années. Un journal où il a eu la chance de côtoyer les grandes plumes comme Xavier Luc Deuchoua, Stéphane Tchakam, Jacques Bessala Manga etc. Il est passionné des sujets liés aux droits de l’homme. Sa vision du journalisme est surtout de dénoncer les injustices sociales afin de promouvoir un changement de comportement dans l’ensemble de la société.


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    Prince Nguimbous est journaliste au Quotidien Le Jour depuis plusieurs années. Un journal où il a eu la chance de côtoyer les grandes plumes comme Xavier Luc Deuchoua, Stéphane Tchakam, Jacques Bessala Manga etc. Il est passionné des sujets liés aux droits de l’homme. Sa vision du journalisme est surtout de dénoncer les injustices sociales afin de promouvoir un changement de comportement dans l’ensemble de la société.