Dans un communiqué du 30 mai 2023, devenu viral sur les réseaux sociaux, Pauline Nalova Lyonga informe les personnels de son département ministériel qu’ils peuvent désormais dénoncer, avec possibilité de protéger leur identité, les enseignants qu’ils connaissent et qui ont abandonné leurs postes de travail. Il suffit, prescrit-elle, de se rendre à l’adresse www.minesecdrh.cm sur le numérique pour rendre ce service, sans doute salutaire pour le fonctionnement de ses services. Dans une note parallèle le même jour, elle invitait aussi les délégués régionaux, les délégués départementaux de son département ministériel ainsi que les chefs d’établissements secondaires publics, à lui faire tenir, « au plus tard le 16 juin 2023 » les listes actualisées et signées de tous les personnels en position d’absence irrégulière. Pendant qu’ils sont à l’ouvrage pour produire les listes attendues, il est clair qu’elle ne compte plus seulement sur la voie hiérarchique mais que toute personne soucieuse de la bonne santé des caisses de l’Etat peut faire une dénonciation qui sera bien accueillie.
Eternel recommencement
La traque des enseignants déserteurs est devenue un véritable serpent de mer ; l’impression qui s’en dégage, selon les observateurs, est que plus on les traque, mieux ces derniers savent esquiver les pièges et réussissent toujours à ranger les commissions d’enquête de leur côté. Le nombre d’enseignants qui se retrouvent en Europe, en Amérique du Nord et même dans certains pays africains après leur prise en charge et parfois des prêts non remboursés dans les caisses de l’Etat, serait impressionnant. Restés au pays, certains se livrent à des activités libérales, tout en restant dans le portefeuille du ministère. Une source informelle, s’inspirant d’une liste des cas litigieux récents, évoque un chiffre au-delà de 5000, malgré les suspensions de solde opérées. « Ils usent de corruption pour échapper au filtre des contrôleurs », témoigne un acteur du processus. Pourtant ces dernières années, « une lutte sans merci » a été lancée contre ceux-là. On mentionne les programmes Coppe, les recensements Minesec de 2019 et 2021, un recensement Minfopra en cours dont les finalités sont toutes, l’assainissement du fichier solde de l’Etat.
Pour leur part, les enseignants se disent fatigués par la récurrence sinon la permanence des recensements ayant le même objet. Du coup, certains se montrent peu enthousiastes pour faire les dénonciations souhaitées. « Je ne vois pas les retombées de l’assainissement du fichier solde sur notre traitement. Normalement, l’argent économisé sur ces déserteurs devrait servir à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qui font tourner la machine. Or vous connaissez notre situation », regrette l’un d’eux. Beaucoup pointent un doigt accusateur sur certains responsables de la chaîne de contrôle, qui recevraient les déserteurs après les recensements pour les remettre dans le circuit. Après des ententes à la camerounaise.
S.M.