Consommation

L’affaire Congelcam

Au cœur de l’histoire de la cargaison de poisson saisie  à Obala et détruite à Monatélé.
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En face d’une station-service située en plein cœur  d’Obala ce 31 mars 2022, plus de 30 commerçantes sont installées devant leurs comptoirs avec des condiments. Nous sommes exactement à l’agence 1 de Congelcam.  Elisabeth Melingui, est parmi les commerçantes installées depuis quatre années  devant ce grand bâtiment commercial pour proposer ses produits, des condiments pour accompagner les ménages qui achètent du poisson. Mais depuis une semaine la dame  se plaint de la baisse drastique de sa recette journalière. L’agence a été provisoirement fermée, ne pouvant pas fonctionner sans les responsables interpellés et gardés à vue. Ils ont été placés en gardé à vue après la saisie par la Délégation départementale de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales de cinq tonnes de poisson « avariés  ». Une situation embarrassante pour les commerçants et les ménagères à la suite d’un différend entre les responsables de cette société commerciale et les autorités du département de la Lékié : « Je n’arrive plus à vendre les condiments normalement parce que la poissonnerie est fermée. Nous prions Dieu que cette agence rouvre ses portes rapidement parce que l’activité ne tourne plus, je n’arrive plus à nourrir mes enfants normalement. Avant la fermeture de l’agence je vendais en moyenne les condiments de 20.000Cfa par jour et actuellement je n’arrive plus à vendre même une somme de  5000FCfa », affirme la commerçante. La véranda de l’agence  de Congelcam a été transformée en un terrain de jeu pour certains enfants.  A travers les fenêtres de ce grand magasin, l’on a aisément une vue de l’intérieur. Plus de 20 congélateurs sont hermétiquement fermés.

En cette période marquée par la vie chère, trouver du poisson à Obala  n’est pas chose aisée depuis le 25 mars 2022 : « Les trois magasins de Congelcam sont fermés et cette situation est préjudiciable pour nous les ménagères.  Aujourd’hui j’ai acheté un kilogramme de maquereau à 1700Fcfa dans une poissonnerie du marché alors que j’avais l’habitude d’acheter ce maquereau au prix de 1400Fcfa. »

L’agence N°1 est située non loin de la station-service.

 

C’est dans ce magasin qu’une équipe conduite par madame le délégué départemental de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales a débarqué le 23 mars dernier avec une équipe de jeunes gens pour procéder à la saisie d’une grande quantité de poissons.

 

La délégation départementale de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales parle de cinq tonnes de poisson « avarié » saisis conformément à la réglementation en vigueur. Une ménagère rencontrée le vendredi devant l’agence 3 de Congelcam explique que cette saisie avait pour objectif d’éviter d’exposer les populations de la ville à la consommation des produits de mauvaise qualité.

Une affirmation que rejette Fabrice Wembe, le chef d’agence Congelcam 1 qui déclare : « J’étais dans mon bureau lorsque j’ai vu madame le délégué débarquer dans mon agence avec les gros bras et des journalistes. Ces gens sont entrés immédiatement dans la chambre froide et se sont mis à emporter les cartons de poisson. Je n’ai pas été informé de la descente de madame le délégué dans nos différentes agence. J’ai été surpris de la voir arriver ainsi. Le poisson saisi n’était pas avarié. Chaque jour dans nos agences nous recevons le chef du Centre vétérinaire ou ses collaborateurs.

Ces responsables d’arrondissements assistent au déchargement de tous les camions d’approvisionnement qui arrivent sur leur territoire et s’assurent de la qualité du poisson dans les chambres froides et ceux à mettre dans le congélateur.

 

Ces derniers jours, le responsable vétérinaire de l’arrondissement ne nous a pas fait des observations sur la « mauvaise qualité de notre poisson ».

Le chef d’agence Congelcam regrette que les agents du ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales affirme que le poisson détruit a été saisi dans la ville de Batchenga toujours dans le département de la Lékié et  Congelcam ne dispose pas d’une agence dans cette localité : « La quantité de poisson présentée lors de la destruction est infime par rapport au cinq tonnes de poisson saisie. Lorsque la saisie a été menée dans nos trois agences, le camion était plein de carton de poisson mais ce véhicule était presque vide pendant la phase de destruction », ajoute le chef d’agence.

A la délégation départementale de l’Elevage des Pêches et des Industries animales, un cadre de la section des services vétérinaires a expliqué que la cargaison a été détruite à Monatélé par ce que la mairie d’Obala n’a mis à leur disposition un site pour la destruction.

 

Concernant les images qui montrent le délégué départemental percevoir de l’argent dans une agence Congelcam, notre source affirme : « Ces images sont effectivement celles de madame le délégué. Elle devrait recevoir le dossier d’un jeune dans son bureau. Mais lorsque ce jeune est arrivé à Monatélé pour rencontrer le délégué, madame lui a dit qu’elle était plutôt à Obala. Le jeune est revenu à Obala remettre le dossier à madame le délégué. L’argent en question était destiné pour l’achat des timbres qui devraient accompagner le dossier. »

Marthe Mebounou, le délégué départemental de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales  n’a pas voulu poursuivre l’entretien téléphonique le 1er avril 2O22 lorsque cette question d’image vidéo a été abordée.

Prince Nguimbous

 

Libérés après trois jours de détention

Obala. Les trois chefs d’agence de Congelcam ont été placés en garde à vue. Ils ont été accusés d’avoir proféré les menaces au délégué départemental de l’Elevage, des pêches et des industries animales.

Les trois chefs d’agence de Congelcam opérant dans la ville d’Obala ont été libérés depuis le 28 mars 2022.  Ils ont passé trois jours de détention dans les cellules du Commissariat de Monatélé. Célestin Tanekeu, Fabrice Wembe, et Sylvestre Kengne disent être encore traumatisés par ce qu’ils ont vécu dans la journée du 25 mars 2022 dans la ville de Monatélé « Après la saisie qui s’est déroulée dans la journée du 23 mars 2022 dans nos trois magasins, notre hiérarchie nous a fourni les demandes d’explications en nous accusant de légèreté. Le patron de Congelcam a estimé qu’on ne devrait pas laisser les gros bras entrer dans nos chambres froides pour emporter les cartons de poisson. C’est dans cette logique que nous avons décidé de nous rendre le 25 mars à la délégation départementale de l’Elevage des pêches et des industries animales pour mieux comprendre les motivations qui ont conduit à la saisie de poisson. Pendant notre échange avec le délégué, les procès-verbaux de saisie et de destruction sont soumis à notre attention pour signature. Nous avons refusé de signer ces documents en justifiant que nous n’avons pas pris part à la destruction du poisson saisi. Quelques minutes après, le délégué a estimé que nous l’avons menacée et elle a sollicité l’intervention du premier adjoint préfectoral. Les policiers sont venus nous interpeller en nous disant que le préfet a décidé que nous soyons placés en garde à vue administrative », explique Célestin Tenekeu, chef d’agence.

Ces trois pères de familles affirment qu’ils n’ont pas été auditionnés pendant leur détention au commissariat. En plus leurs noms n’ont été enregistrés dans aucun document du commissariat : « La garde à vue administrative qu’ordonne les autorités administratives a une durée de 15 jours. Nous ne comprenons pas pourquoi nous avons été libérés après trois jours de détention. Nous avons été victimes d’une détention arbitraire pour avoir refusé de signer les documents soumis à notre attention », explique un des  chefs d’agence.

Au commissariat de Monatélé où nous nous sommes rendus le 31 mars pour savoir ce qui a motivé l’interpellation de ces trois chefs d’agence, le commissaire de police principal Jacques Prosper Mefire n’a pas voulu s’expliquer sur cette affaire : « Vous étiez chez le préfet il vous a tout dit sur cette affaire. Je n’ai rien à dire », a-t-il affirmé.

 

Les responsables de Congelcam affirment que la fermeture des trois agences est justifiée par le fait que les trois chefs d’agence étaient gardés à vue. En attendant la réouverture des trois agences, plus de 35 jeunes camerounais sont au chômage depuis les évènements survenus le 23 mars 2022.

Prince Nguimbous

 

« Assurer l’inspection sanitaire vétérinaire »

Patrick Simou Kamsu. Le préfet de la Lékié parle de l’opération ayant conduit à la saisie de poissons dans les magasins de Congelcam.

Comment en est –on arrivé à la saisie d’une cargaison de cinq tonnes de poissons à Obala ?

L’une des missions de la Délégation départementale de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales est d’assurer l’inspection sanitaire vétérinaire, ainsi que l’inspection sanitaire des produits animaux en vente sur le marché.

 

Cela peut concerner également les oiseaux et les poissons. C’est dans  ce cadre que la Délégation départementale a engagé un contrôle sur renseignement dans les poissonneries à Obala. Madame le délégué est descendue sur le terrain pour vérifier et une fois sur place, elle a constaté qu’il y avait les stocks de poissons avariés  qu’elle a saisis et par la suite il a été procédé à leur destruction.

Au lieu d’incinérer pourquoi avoir choisi de jeter le poisson dans l’eau ?

La destruction c’est la destruction. Disons que dans le cas d’espèce, peu importe le mécanisme de destruction, l’idéal est que le produit soit détruit. On pouvait incinérer, comme on pouvait enterrer.

Mais madame le délégué a estimé qu’on avait un cours d’eau,  on pouvait bien jeter ces produits dans le cours d’eau pour que les espèces comme les tortues de mer, les poissons et les hippopotames puissent également  se nourrir.

 

J’ai demandé à madame le délégué elle m’a fait comprendre que cette technique pouvait servir à la destruction, car c’est elle qui conduisait l’opération et en tant qu’autorité administrative j’assurais juste l’encadrement.

Congelcam conteste la procédure qui a conduit à la saisie des stocks de poisson en évoquant par exemple l’absence des forces de l’ordre. Pouvez-vous nous rassurer que cette procédure a respecté les normes ?

Les forces de l’ordre ont un but. Les forces de l’ordre sont habilitées à faire la saisie. Nous sommes ici en présence d’une autorité de police judiciaire à compétence spéciale : Autant le personnel des eaux et forêts a la compétence de saisir les animaux et dresser les procès-verbaux pour les produits forestiers, autant le personnel de l’élevage a également le pouvoir de saisir les produits animaux et dresser les procès-verbaux.

 

Je dois dire que la force de l’ordre ne s’impose pas on lui fait recours lorsque cela est nécessaire. L’absence des forces de l’ordre au moment de la saisie ne constitue pas en soi un vice de forme.

On parle des cas de garde à vue « illégale » des trois employés de Congelcam. Qu’est-ce qui a justifié leur interpellation ?

A partir du moment où cette infraction a été constatée, ces personnes devraient être gardées à vue, parce qu’elles se sont livrées à une infraction punie par le code pénal et réprimée aussi par la loi sur l’hygiène sanitaire. Quand quelqu’un est fautif il peut  être interpellé à tout moment encore que dans le cas d’espèce ces employés se sont déplacés pour venir menacer cette dame dans son bureau.

Propos recueillis par P.N.

 

 

Vox pop

Que pensez-vous de la fermeture des agences Congelcam ?

 

« Une vraie curiosité »

Sah mandule, Dg de Congelcam

Cette affaire de poisson d’Obala est une vraie curiosité. Au moment de leur fameuse saisie, l’on parle de poissons apparemment « avariés » et à leur destruction on parle plutôt de poisson en décomposition, de poisson pourris.

Ces fonctionnaires du Minepia et du Commandement se sont pressés pour présenter aux publics à travers un reportage précipitamment mal monté, un camion presque vide, présentant des poissons pourris en train d’être poussés hors de celui-ci, à la pelle par quelques individus portant cache-nez et gants de sécurité.

Cette image de la prétendue destruction de nos poissons est largement diffusée alors même que celle de leurs saisis pourtant faites en présence des cameramen  de deux chaines de télévision  est tenue au secret.

Nos caméras de surveillance et des caméras amateurs disponibles, ont filmé en continu et sans discrimination aucune toute la scène de saisie (dans nos salles de vente et à l’extérieur) toute la scène de crime, et laissent voir toutes les manœuvres autour de cette prétendue saisie que l’on veut garder secrète, pour quel dessein ?,  nous ne le savons pas encore. Ces caméras montrent nos poissons en bonne forme dans de cartons d’emballage, et surtout le camion plein les ayant transportés. Ils montrent cette Déléguée entrain d’encaisser de l’argent sans doute le fruit d’une vente de nos produits. Ils montrent en outre des populations furieuses qui s’opposent à ce brasage de nos bons poissons frais, de leurs bon poissons, et qu’elles veulent à tout prix les récupérer pour satisfaire leurs besoins.

Sur le lieu de la destruction de nos prétendus poissons, on note de déclarations contradictoires entre les acteurs de ce film de mauvais goût contre nos intérêts.

Le Préfet  et la Déléguée Minepia parlent de poissons exclusivement saisis chez nous, alors que le reporter parle quant à lui de poissons frais saisis à Batchenga où nous ne sommes pas pourtant présents, et pourris du fait de la rupture de la fourniture du courant par Eneo.

Nous exigeons par conséquent des autorités qui ont lancé cette très nuisible et méchante cabale contre notre entreprise, la diffusion immédiate et sans délai, des vidéos de la saisie de nos poissons   comme elles l’ont fait de celle de la destruction de certains poissons frais et hors cartons.

Pour le moment,  nous restons attendre l’éclosion de la vérité sur cette scandaleuse affaire que nous vivons très mal.

 

« Un impact négatif »

Efouba, commerçant au marché d’Obala

La fermeture des agences de Congelcam a eu un impact négatif dans nos ménages. Les braiseuses  de poissons et nos épouses rencontrent d’énormes difficultés à joindre les deux bouts avec cette situation. Mais avec cette affaire il faudrait aussi qu’on évite parfois à écouter les ont dit à travers les réseaux sociaux. Pendant la saisie qui s’est déroulée le 23 mars 2022, j’ai vu des gens témoigner qu’ils venaient d’acheter du poisson qui venait pourtant d’être saisi et cela n’est pas normal. Nous voulons qu’on puisse rouvrir nos agences afin de nous permettre de nous approvisionner au bon prix.

 

« L’activité ne fonctionne plus »

Angèle Tsimi, vendeur

Mon activité tourne au ralenti depuis la fermeture des trois agences de Congelcam. Je n’arrive plus à vendre les condiments. Nous souhaitons que ce différend trouve vite une situation afin que les responsables de Congelcam puissent rouvrir.

Propos recueillis par P.N.

Claude Tadjon

Author: Claude Tadjon

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