Entretien

« Ifrikiya renait de ses cendres », Jean-Claude Awono.

Le 25 février 2022, les locaux des éditions Ifrikiya étaient ravagés par des flammes. 15 ans de dur labeur partaient ainsi en fumée. Dans cette interview, l’éditeur revient sur la reconstruction et les défis de sa maison d’édition.
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En ce début d’année 2023, quelle est l’actualité aux Éditions Ifrikiya ?

Le début d’année 2023 aux éditions Ifrikiya, c’est une belle actualité. Il faut le dire, nous avons des livres qui paraissent dans toutes les collections qu’il s’agit de la poésie ou du roman, de l’essai, on est dans une vitalité éditoriale forte. Nous sommes également au terme de notre installation dans de nouveau locaux comme vous pouvez le constater. Nous avons bénéficié de l’amitié d’une famille qui nous a hébergés pendant presque 10 mois et nous leur disons merci. L’autre aspect aussi important à signaler en ce début d’année, c’est un ensemble d’actions de type partenariat dans lesquels on s’est engagé comme le projet  » We Make book » du Goethe Institut Nigeria qui veut faciliter la coédition du livre d’art en Afrique. Un moment important pour l’édition en l’Afrique qu’elle soit francophone anglophones ou autre et qui a rassemblé des acteurs venus de plusieurs régions d’Afrique. Et qui a permis d’interroger un domaine : celui du livre d’art tel qu’il se fait au Cameroun et dans le monde. Nous avons aussi cette convention de partenariat que les éditions Ifrikiya viennent de signer avec une structure africaine basée en République Démocratique du Congo et s’appelle Front national panafricain. C’est un mouvement intellectuel, politique et culturel dirigé par David Katumba. Il a une vision totalement nouvelle du panafricanisme. Donc on va avoir dans le cadre de ce partenariat-là, une collection qui s »appelle Honorat Aguessy. C’est un universitaire, un chercheur d’origine béninoise qui a travaillé à faire avancer le panafricanisme surtout à partir de ces ressorts culturels et scientifiques. La collection sera préparée sur le plan éditorial à Yaoundé mais elle va être imprimée à Kinshasa en 1000 exemplaires et largement diffusée. Voilà ce qui fait l’actualité des Éditions Ifrikiya qui est radicalement dans une perspective, comment dire, de renaissance. Une belle renaissance quand on sait que le 25 février 2022, un incendie a complètement ravagé vos bureaux et votre patrimoine scriptural.

Quelle est l’ampleur des pertes ?

C’est au moins 60 à 80 % de notre patrimoine qui est partie en fumée. Il y a des choses qu’on ne retrouvera plus jamais. Les contrats datant d’une dizaine d’années. Des choses qui étaient en pièce unique et même ma bibliothèque personnelle parce qu’un bureau soyez-vous, c’est aussi un espace d’archivage de sa propre vie, donc tout ça est parti en fumée avec des livres produits ici et ramenés de partout. Heureusement l’avantage avec le livre c’est qu’il est toujours distribué entre plusieurs acteurs pas seulement l’éditeur mais aussi l’auteur, l’imprimeur, le libraire donc, d’une manière ou d’une autre on retrouve une trace. Actuellement, nous sommes en train de reconstituer ce patrimoine.

C’est un travail de longue durée. Comment s’est fait votre reconstruction ?

En termes d’évaluation du travail fait depuis le 25 février 2022, il y a un nombre de choses qu’il faut savoir : la reconstruction d’Ifrikiya s’est d’abord appuyée sur une grosse action de solidarité, de fraternité humaine. Vous savez, lorsque vous êtes frappé par un malheur, il faut bien le faire savoir. Nous avons poussé un cri d’alarme, un SOS, pour dire voilà, nous sommes en difficulté. Il y a donc un nombre d’institutions qui se sont souvenus qu’ils ont été témoins d’un travail de fond fait depuis 2007 et qui se sont dit : il ne faut pas laisser tomber un travail qui a apporté à l’Afrique une nouvelle couleur, de nouvelle dynamique et donc nous avons beaucoup d’amis, des connaissances, beaucoup d’auteurs, beaucoup de parents et quelques institutions qui nous ont apporté du leur. Pour ce qui est des institutions, je m’en voudrais de ne pas les citer. Notamment l’Institut Goethe qui nous a beaucoup accompagnés dans cette démarche, d’ailleurs nous avons reçu la visite de la directrice Thekla Worch-Ambara à l’immeuble parti en fumée. Il y a également l’Institut Français, et l’ancien ambassadeur de France au Cameroun nous avait reçu et apporté du soutien. La fondation Muna a mis à notre disposition un espace connecté à internet où nous avons reçu un temps, nos auteurs. Madame Fabiola Ecot Ayissi du Centre international pour le patrimoine artistique et culturel (Cipca) a aussi été très présente. Il y en a d’autres. Sur le plan traditionnel, vous savez, je suis un chef traditionnel, j’ai bénéficié quand même d’une solidarité disons spirituelle de la part de certains de mes pères qui sont chefs traditionnels. Certains sont venus des régions dites anglophones pour une descente sur le site demander à nos ancêtres d’accompagner la maison d’édition dans sa nouvelle dynamique. J’aimerais souligner que toute cette aide, toute cette solidarité, fallait être capable de la recevoir, de la capitaliser, de l’injecter pour l’avenir de la maison. Nous avons pu gérer les ressources mis à notre disposition pour que non seulement, nous puissions rééditer les livres et aussi remobiliser notre personnel. Nous avons renforcé la sécurité de nos locaux et nos documents.

A ce sujet, le numérique sera un atout pour la sauvegarde de notre patrimoine littéraire. Vous comptez relever plusieurs défis cette année ?

Le défi que nous nous sommes lancé, c’est d’être le meilleur possible dans son domaine et je peux vous dire par exemple qu’en ce moment, pas seulement au Cameroun mais en Afrique, Ifrikiya a l’une des meilleures infographies du livre. Globalement, des structures comme la nôtre ont besoin d’être soutenues. Car l’édition coûte chère et nous avons peu de moyens. Nous voulons bien conquérir le marché par le rachat par exemple des titres qui marchent dans le monde, au Japon, etc. Mais les moyens sont extrêmement limités.

Elsa Kane

Author: Elsa Kane

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