C’était un véritable régal intellectuel. Pendant deux jours (19 et 20 septembre 2022), des philosophes des Universités de Yaoundé 1, Maroua, Dschang… ont animé la deuxième édition de la Journée de philosophie des sciences (Jps). Cette édition rendait hommage à Karl Raimund Popper. Qualifié de penseur anti système par des spécialistes, cet anglais a marqué son époque avec des thèses qui ont bousculé et continuent d’ailleurs de secouer notre ère. Le thème de ces assises ‘’ L’épistémologie contemporaine : le rationalisme critique d’essais et d’erreurs’’ est actuel au regard des difficultés auxquelles fait face le continent africain en général et le Cameroun en particulier pour ce qui est du développement. Pour le Professeur Jacques Chatué de l’Université de Dschang, on étudie très peu en Afrique. « Le continent est traversé par une immense paresse intellectuelle. On étudie sur un cycle à peine. Nous manquons cruellement des penseurs des politiques publiques, de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, de la diplomatie… On attend des intellectuels qu’ils interviennent dans la société pour apporter des éclairages et contribuer à résoudre des politiques publiques », s’insurge le professeur de philosophie. La situation est inquiétante car « il y a un affairement » qui s’est installé dans nos sociétés. Même dans nos écoles, on étudie sans laboratoire de qualité. Pourtant, l’avenir est dans la science et la recherche d’où le choix de l’auteur des assises. « Karl Raimund Popper est un philosophe des sciences. Le problème de l’Afrique en général c’est qu’il y a beaucoup de commentaires sur la science et pas d’étude sur la science. C’est l’un des problèmes sur lesquels le colloque met l’accent. Nous voulons davantage étudier la science et non commenter la science. C’est un penseur de notre temps », a indiqué le chef de département de philosophie de Yaoundé 1, le Pr Emile Kenmogne. Et d’ajouter : « Ses idées peuvent nous aider à mieux former nos jeunes dans nos laboratoires et dans nos démarches scientifiques afin qu’ils puissent être des créateurs de science et non des répétiteurs de la science. C’est un penseur anti système, audacieux et innovant ».
Le problème de l’Afrique en général c’est qu’il y a beaucoup de commentaires sur la science et pas d’étude sur la science
Cette deuxième édition des Jps avait le Pr Ebenezer Njoh Mouelle comme invité spécial. L’auteur du célèbre ouvrage : « De la médiocrité à l’excellence » est formel : Il y a une absence de culture scientifique dans la société camerounaise. « Il ne s’agit pas aujourd’hui que tout le monde devienne savant dans la société mais de donner la place à la technique. Le colloque célèbre l’esprit scientifique qui doit être transféré dans la société. L’innovation doit être palpable. C’est ça l’orientation de la science à encourager », a martelé le philosophe. Il est question de faire la science autrement. « Popper nous montre la voie avec son rationalisme critique pour mieux aborder le développement. Notre société se porte mal parce que les gens n’ont pas la chance de philosopher », a renchéri le Pr Alice Salomé Ngah Ateba, la promotrice des Jps. Ce mini-colloque de deux jours, organisé à l’Inuscasty/Ucac, campus du carrefour Vogt, était très couru. La troisième édition est déjà très attendue par les étudiants et les enseignants.