
Grosses cylindrées, villas climatiques avec des affaires qui prospèrent, Fey fait la fierté de ses parents et de la communauté Nkite. Comme un Lion, l’homme d’affaire est à la tête d’un empire. Le « Groupe Fey » est au cœur de la vie économique de la République de Kounta, un pays imaginaire du continent africain. Entre marché publique, fabrication de spiritueux de « luxe »… le fils de la famille Mona fait partie des gens qui comptent. Au-delà de sa casquette d’homme d’affaire, Fey est un député, un « élu » du peuple. Il avait réussi à obtenir un doctorat d’une université virtuelle lors d’un voyage à l’étranger. Pourtant, il avait décroché très tôt l’école. Il a gravi les échelons sociaux avec fierté sans se faire prier. Son frère ainé, Nguémé, était isolé par la famille et soupçonné de vouloir du mal à son frère cadet pour avoir tenté de remettre en question l’origine de la richesse de son frère cadet.
C’est à ce dualisme que nous invite Massoda Ma-Nlep, dans le premier tome de son roman intitulé « Quand le vice devient vertu ». L’auteur nous plonge dans le quotidien d’une famille où les antagonismes ponctuent les journées ; où l’épaisseur de la poche définit le regard ; où le matériel meuble le quotidien ; enfin, où les valeurs préoccupent peu. « Il ne se souciait point de la santé de ses clients, tout ce qui comptait pour lui, c’était l’argent. Plus il en avait, mieux il se sentait. Docta Fey était puissant et bien enraciné dans les cercles du pouvoir » (p45). En réalité, Fey avait bâti son empire sur des pratiques illicites : trafic de poudre blanche, contrebande, la malhonnêteté, la fabrication des spiritueux de contrefaçon qui rapportait long comme le bras.
Avec le concours des membres du gouvernement, ils gagnaient des marchés publics contre retro commissions. Des surfacturations se chiffraient en milliards. Des sommes issues de ces transactions répréhensibles étaient stockées dans les paradis fiscaux au profit du « Groupe Fey » et des ministres. La douane étaient mouillait dans la corruption. La puissance des « gros poissons » courrait les rues et Fey, comme les autres, se sentaient intouchables. Docta Fey faisait partie d’une loge où on retrouvait des députés et des hommes importants de la République. Fey était également homosexuel. Il narguait d’ailleurs ceux qui refusaient de reconnaitre son statut d’homme important parmi lesquels son frère ainé. Sa campagne lors de l’élection législative était très populaire. En dehors des billets de franc de Chamalieres qu’il distribuait aux éventuels électeurs, Docta Fey, en fin stratège, n’oubliait pas de mettre les petits plats dans les grands, en y ajoutant des sandwichs bien garnis et quelques bouteilles de bière et de whisky. Ainsi, la population voyait en lui l’homme idéal pour la représenter.
Cette œuvre de 177 pages est d’une actualité brulante. L’auteur s’attaque aux antivaleurs dans nos sociétés ; des sociétés dans lesquelles des voleurs, trafiquants… sont célébrés en grande pompe ; où des personnes d’une moralité douteuse sont présentées comme des modèles par des medias. « Quand le vice devient vertu » dénonce également l’immixtion malsaine de l’administration et du politique dans le processus de désignation des successeurs dans les chefferies traditionnelles aujourd’hui. La communauté Nkite en a fait les frais car le « faux chef » corrompu et indigne a connu une mort brutale.
Massoda Ma-Nlep dans ce premier tome, appelle au retour aux valeurs ancestrales et se ligue contre l’achat des titres de notabilités avec des billets de Chamalieres dans nos chefferies. Ecrit avec des mots simples et imagés, « Quand le vice devient vertu » est un roman à lire car il dresse le portrait d’une société en décrépitude. L’auteur peint l’insalubrité des prisons de la République de Kounta, des pratiques immondes qui s’y passent et l’injustice de la justice. C’est ce lieu, au quartier Vip, que le puissant d’hier va atterrir contre toute attente suite à une vaste opération de lutte contre la corruption au grand mépris de ses « amis » d’hier.
Les traces du Cameroun sont faciles à dénicher dans ce très beau roman d’une actualité détonante. Par la force de son travail, Nguémé a obtenu une bourse dans une Université… En attendant le tome 2, le tome 1 invite les uns et les autres à ne pas toujours envier les Hommes puissants et riches car certains baignent dans des pratiques immondes et leur fortune ne sont pas traçables.