Léonard Cédric Banga Mbom

Le parcours messianique du premier claviériste médaillé d’or

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Chef d’orchestre du chanteur Nda Chi aux derniers Jeux de la Francophonie, le musicien est un artiste engagé qui accompagne les jeunes talents dans la construction de leur carrière et travaille pour une meilleure visibilité des instrumentistes.

 

 

Il avance d’un pas lent et mesuré mais avec assurance. L’artiste est ponctuel à son rendez-vous avec la journaliste et porte fièrement sa médaille d’or gagnée aux Jeux de la Francophonie à Kinshasa. Sur son visage se lit encore la joie d’avoir participer à une telle expérience. « C’était vraiment bien. Vous savez comment le Cameroun est respecté. Nous nous sentions vraiment comme chez nous en République démocratique du Congo. Il y avait une belle ambiance qui régnait dans la team Cameroun ». Les artistes se sont préparés avec conviction. « Nous avons eu 21 jours de préparation avant notre départ. Une fois sur place, nous étions déterminés à aller loin.  Et le résultat fût au-delà de nos attentes. Cela a été le résultat du travail, de la solidarité, de la fraternité et de la détermination. Je ne regrette pas cette aventure car pendant ces deux semaines il y a eu une belle synchronisation entre nous », raconte le musicien.

Cette symbiose artistique et fraternelle a permis à Léonard Cédric Banga Mbom et à Nda Chi de braver bien d’obstacles qui auraient pu   nuire à leur performance. « Nous étions logés à l’Université de Kinshasa dans les cités prévues pour les professeurs.  C’était un peu compliqué car très éloigné du centre-ville et par conséquent, du village des jeux. Pour assister à une compétition, il fallait partir une heure avant ce qui n’était pas toujours évident vu la fatigue. Nous avons aussi un problème de gastronomie. Les personnes chargées de faire à manger pour nous faisaient des repas avec une quantité élevée de protéines. Ce qui n’est pas bon pour la santé des sportifs. Du coup à la fin des compétitions, nous allions chercher des petits restos à côté pour manger ».

Ils ont eu des moments de frayeur.  « Il y a également eu des cas de maladies, le batteur et la choriste sont tombés malades. Mais malgré tout, nous sommes des musiciens et donc habitués aux obstacles », tempère l’artiste préférant retenir les meilleurs souvenirs de ce séjour. « L’accueil du peuple congolais m’a vraiment marqué. Ces Jeux de la Francophonie étaient comme une sorte de meeting politique, un peu comme une fête pour eux », dit-il admiratif. Cette ambiance chaleureuse lui a facilité le contact avec des jeunes d’horizons divers. « J’ai fait de très belles rencontres. Nous sommes arrivés à Kinshasa pour une compétition du 22 juillet au 6 août avec une délégation de 39 personnes. Nous avions d’excellents candidats : Irène Ekouta, Azazou du Show, Les Snipers, Wilfried Mbida, les groupes de danseurs et autres. Nous formions une famille. Nous avons eu le temps de vivre la compétition avec les autres candidats », se réjouit Léonard Cédric.

Comme toute la team Cameroun à ces jeux, il a pu compter sur l’entraide et le soutien de la communauté camerounaise du Congo venue les acclamer. « Nous avons fait la promesse aux autres de gagner pour le Cameroun. Ce qu’on a pu faire en battant une Congolaise à domicile en demie finale. Les camerounais sur place nous ont beaucoup soutenu. Nous avons pu contacter les étudiants camerounais du Congo et on nous a envoyé 4 avions de supporters. C’était vraiment beau de chanter et de suivre une personne crier : « Cameroun, le pays de Roger Milla et Samuel Eto’o », se souvient-il avec bonheur et fierté.

 

Une expérience qui transforme

 

De son séjour à Kin la belle, Leonard Cedric a retenu plusieurs leçons. Les unes aussi édifiantes que les autres. La plus instructive : celle qui souligne l’importance des musiciens talentueux et disciplinés dans la réussite d’un chanteur. « La francophonie est un très bon tremplin pour la carrière d’un artiste. La remise des médailles m’a par exemple surprise. Nous étions derrière en orchestre, nous nous attendions à ce que seul, le chanteur gagnant reçoive une médaille puisque d’habitude seul le chanteur est mis en avant ». La solidité d’un groupe a été relevée aux yeux du monde bouleversant la vision jusque-là promue. « Cette médaille a changé ma façon de voir le groupe musical. Huit personnes ont été honorées pendant la cérémonie solennelle avec le Premier ministre. Nous avons tous été présentés et remerciés par le gouvernement de façon individuelle », raconte le musicien les yeux encore chargés d’étoiles.

Pour Léonard Cédric Banga Mbom, les Jeux de la Francophonie font partie des plateformes à multiplier et à sauvegarder dans le monde. « Ces types de compétition sont rares. Les jeux de la francophonie sont sans doute les seuls qui proposent 11 compétitions culturelles et 9 compétitions sportives. Et personnellement, je pense qu’il faudrait qu’un musicien professionnel essaie au moins une fois de tenter un concours de cette envergure. Il y a aussi l’avantage des primes qui sont conséquentes », explique Léonard Cédric Banga Mbom.

Cette expérience sociale l’a littéralement transformée. «Cette médaille représente tellement pour moi. Sans cette médaille j’ai l’impression de ne plus être moi-même, une fois que je la porte, je me sens bien. C’est pour moi comme une cape à l’image de celle d’un Superman. Quand tu la portes, le regard des gens change, ils sentent que tu as fait un exploit pour ton pays. Tu deviens un héros. Et c’est ce sentiment d’être héro qui me fait vraiment plaisir », révèle le claviériste. Cette compétition lui a donné de nouvelles idées. Une nouvelle énergie. « Les Jeux de la francophonie sont pensés pour mettre en avant la carrière de tous les participants. Ils apportent un accompagnement pour toutes les catégories. C’est un sacré coup de pouce pour ma carrière », se réjouit le musicien.

Au départ pourtant, la musique était juste un job d’étudiant pour Léonard Cédric. A l’époque, en 2008, l’ingénieur en télécommunications est à l’université de Yaoundé 1 Ngoa-Ekelle. Pour payer ses factures, l’ingénieur en télécommunications joue dans les cabarets le soir. « En 2008, quand j’entre à la faculté des sciences à Ngoa-Ekelle je vais pour faire l’école jusqu’à ce que je découvre le club musique de l’université de Yaoundé 1. Je me sens en famille là-bas, du coup après les cours, j’y allais juste pour voir car je suis quelqu’un de très timide à la base ».

L’appel des vibrations et des notes se fera plus fort. Léonard Cédric Banga Mbom ne pourra y résister. « Le club de musique Ngoa-Ekelle est le plus grand et le premier club du pays. Grâce à mon mentor de l’époque qui était le chef de l’orchestre, j’ai eu la chance de l’exercer. Il m’a dit : les claviéristes sont très peu nombreux au Cameroun. Avec le talent que tu as, si tu joues à un certain niveau, tu peux commencer à faire les cabarets et gagner ta vie grâce à la musique. Étant encore très jeune, 18ans, c’est ainsi qu’il m’amène dans les cabarets et  partout où il était appelé à animer. Je commence donc à découvrir un univers nouveau ».

Ce passage fut une véritable opportunité pour le jeune homme d’alors. Mieux, une école avec la possibilité de se frotter à différentes ressources. «Je me rends compte qu’il y a des gens qui travaillent en journée et le soir ils font de la musique jusqu’à très tard dans la nuit. C’est ainsi que je commence à faire de la musique en parallèle avec les études. Et cette même année, j’étais déjà professionnel ».

Mais les réalités du quotidien surtout quand c’est à peine majeur vont le pousser à faire un choix. Celui de la raison face à la passion. «Au regard de mon jeune âge, c’était très compliqué pour moi d’allier les études et la musique. Les instruments de musique coûtent excessivement chers, j’ai donc dû faire une pause sur la musique pour me concentrer d’abord sur mes études et me trouver un travail », raconte l’artiste.

En 2012, il va sortir de Sup’ptic nanti de son diplôme. Cette pause de plusieurs années lui sera salutaire. Plus mature et plus sûr de lui, il va se fixer des objectifs précis et surtout démontrer qu’il a une vision claire de ce qu’il veut faire. D’abord, il se trouve une personnalité artistique en changeant de nom de scène. « Je suis revenu à la musique 5 ans plus tard en 2016. Cette pause m’a permis d’enrichir ma culture musicale et me fixer sur la direction que je voulais suivre. Chaque musicien passe par là, c’est une forme d’introspection. Quand tu arrives à un certain niveau, ton cerveau s’ouvre et tu as besoin de faire une certaine musique », fait savoir cette passionnée de jazz et de gospel.

Sous le nom de Nach, il repart donc à zéro. « Chez Tonton André » au Carrefour Warda, sera le premier restaurant à lui tendre les mains dans le cadre de ce come-back. « En ce moment-là, j’étais ingénieur. Je travaillais dans un bureau, je décide donc de troquer ma veste contre les jeans et me lancer dans une aventure sans être sûr que ça allait donner. Je me sentais prêt artistiquement, mais je n’étais pas connu ». Patiemment, Léonard Cédric va travailler dans l’ombre en tissant comme une araignée, sa toile. Cela lui prendra trois ans de dur labeur. D’un cabaret à un autre, d’un espace culturel à un autre, il croise de nombreux artistes chanteurs et réussit à signer des contrats avec certains. Les jeunes notamment. Comme Cysoul qu’il accompagne en 2019 lors du Prix Découvert Goethe Institut.

 

Un maître aux claviers

 

Aujourd’hui, grâce à l’expérience glanée Léonard Cédric Banga Mboum peut être considéré comme un érudit. Il parle de musique comme de l’histoire et de la géographie. Il a une maîtrise parfaite de ses instruments de prédilection, le clavier et le piano. « Le métier de claviériste consiste à maîtriser les instruments synthétiques sur une scène. Le claviériste est celui qui porte la structure harmonique de la chanson grâce au piano synthétique qu’il joue avec son synthétiseur. Tout ceci le rend indispensable pour la chanson. Le claviériste est celui qui couvre musicalement tout un orchestre ».

Le piano également n’a plus aucun secret pour lui. Son premier contact avec la musique c’était d’ailleurs à travers cet instrument. « Je fais du piano depuis l’âge de trois ans. J’ai commencé à jouer sur un instrument que ma maman avait emprunté à l’église », se souvient le musicien. Avec précision, il établit la différence entre un piano, un synthétiseur et les claviers. « Le synthétiseur a la même configuration qu’un piano. À la seule différence que le synthétiseur permet de soulever plusieurs sons. Il est beaucoup plus facile de virer d’un piano classique à un synthétiseur. Sur un synthétiseur, il y a beaucoup plus d’avantages car on peut simuler une guitare, une batterie, on peut simuler près de cinq ou dix mille instruments », explique Léonard Cédric Banga Mbom qui n’a aucune difficulté à passer d’un instrument à un autre. « Je joue aussi à d’autres instruments de la guitare basse et solo, un peu de flûte, de saxophone mais mon instrument de prédilection, celui que je joue depuis mon enfance c’est le piano », dit-il.

 

Au service de la jeunesse

 

Discipliné, travailleur Léonard Cédric Banga Mbom est arrivé à ce niveau grâce à une bonne hygiène de vie et une conception particulière de son métier. Pour lui la musique est un tout. «La musique est une science.  Les notes que nous jouons, les sons que nous émettons et les accords que nous plaçons relèvent de termes mathématiques. Il est donc facile pour quelqu’un d’assez instruit ou d’un ingénieur de comprendre facilement la musique », explique l’artiste. Le pianiste a développé de nombreux projets dont l’objectif ultime est d’accompagner d’autres talents  tout aussi jeunes mais sans repères, ni mentors ou conseillers. Sa vision est essentiellement artistique et altruiste. « Mon parcours s’est construit dans la sueur et les larmes parce qu’il n’y a pas d’encadrement du musicien au Cameroun. Avec mon expérience acquise,  j’ai décidé de partir à la recherche de jeunes musiciens comme moi qui ont envie de faire de la musique et qui veulent exprimer leur talent dans un milieu qui n’est pas très facile ».C’est ainsi qu’il se retrouve en 2016 à mettre son talent de recruteur au service d’un projet d’envergure panafricaine : The Voice Afrique Francophone qui lançait alors sa première saison et voulait de ce fait frapper les mémoires. «Nous étions deux camerounais chargés de  parcourir le Cameroun pour faire des  castings et recruter  80 musiciens et chanteurs camerounais qui devaient aller représenter le Cameroun à The Voice Afrique  Francophone. Cela nous a pris pratiquement 1 mois et demi, de l’organisation jusqu’à l’audition finale », se souvient-il.

Un immense honneur pour Léonard Cédric Banga Mbom qui se retrouvait ainsi au plan international, choisi parmi une centaine d’autres professionnels de la musique. Une expérience doublement enrichissante. « C’était la première fois que j’avais la possibilité de mettre mon atout de recruteur en avant. La preuve,  ceux recrutés sont allés loin. Anne Merveille est allée jusqu’en demi-finale, Veroushka a failli gagner cette édition-là», dit-il fier du travail réalisé.

En 2018, il quitte l’aventure The Voice Afrique francophone mais reste dans sa logique de travailler avec les jeunes. C’est ainsi que la Team Nash voit le jour. Animé d’un esprit de partage, Léonard Cédric met gratuitement sa riche expérience au service des jeunes qui n’ont pas de direction. «La team Nash forme les jeunes talents de 18 ans à plus et cela est non lucratif. Nous travaillons les mercredis et samedis à midi.  Je leur apprends la vocalise et on travaille sur un répertoire qui sied à la voix de chacun car chacun a son essence propre ». Parallèlement à cette mission, il rédige des chroniques musicales en format radio, écrit et vidéos pour toucher tous les publics et construit auprès d’eux une conscience artistique. «Auteur-compositeur, je compose des chansons instrumentales. Des mélodies viennent dans ma tête et je crée de la musique avec. Cela peut être destiné au cinéma,  à la radio,  au jingle. Je fais de la musique qui provoque des émotions chez les gens,  de la musique relaxante », explique l’artiste qui dit avoir un répertoire de dix milles chansons !  « Ce chiffre n’est pas énorme quand on fait ça depuis longtemps. La musique ne dort pas et en 15 ans d’expérience,  elle fait partie de mon quotidien », affirme le musicien.

Les idées fourmillent dans sa tête et la nature même de sa musique lui offre la latitude de travailler selon ses vœux. C’est un artiste qui a le souci de voir les autres évoluer. Son temps est d’ailleurs organisé entre des projets et ceux des jeunes artistes qu’il accompagne parfois de manière bénévole dans le seul objectif de redonner à la musique camerounaise, les talents qu’elle mérite. Leonard souhaite également participer à l’éclosion des claviéristes. « Les claviéristes sont rares et assez timides mais sont la tête pensante sur scène. J’aimerai mettre ma récompense au service de tous les instrumentistes qui dans l’ombre suivent le même parcours que moi, qui n’ont pas la chance de pouvoir parler ».

Elsa Kane

Author: Elsa Kane

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