la rédaction
Au cœur de ce grand rendez-vous sportif qu’est la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2023), une fête du football qui réunit tous les acteurs du continent, les déboires actuels des Lions Indomptables du Cameroun prennent une ampleur particulière. Cette compétition prestigieuse implique non seulement les joueurs sur le terrain, mais également une multitude d’acteurs en dehors, tels que le comité d’organisation de la CAF, les opérateurs économiques, le pouvoir politique, et bien d’autres, tous contribuant à faire de cet événement un moment mémorable pour l’Afrique. Cette compétition, plus qu’un simple tournoi, est une célébration de l’unité africaine, réunissant les enfants du continent, qu’ils soient nés sur le sol africain ou ailleurs, dans un élan collectif pour faire rêver et briller l’Afrique sur la scène mondiale.
Cependant, pour l’équipe nationale du Cameroun, les défis sportifs soulèvent des questions cruciales quant à sa capacité à maintenir la tradition de victoires et à répondre aux attentes de ses fervents supporters. La pression qui pèse sur les Lions Indomptables s’intensifie, mettant en lumière des enjeux qui exigent une réflexion approfondie et des ajustements stratégiques pour restaurer la grandeur de l’équipe. L’éclat du passé glorieux des Lions Indomptables, porteurs de cinq titres en Coupe d’Afrique des Nations, contraste avec les difficultés actuelles de l’équipe. Face à ce carrefour critique, l’équipe nationale du Cameroun se trouve confrontée à un défi majeur, remettant en question sa capacité à s’inscrire dans la continuité de cette tradition victorieuse. La pression et les attentes, magnifiées par l’ampleur de l’événement, mettent en lumière des failles qui nécessitent une réflexion profonde et des ajustements stratégiques pour restaurer la grandeur des Lions Indomptables.
Héritage Glorieux
Les triomphes passés, incarnés par les sept finales de la Coupe d’Afrique des nations disputées par les Lions Indomptables, avec cinq victoires mémorables en 1984, 1988, 2000, 2002 et 2017, ainsi que les huit participations en Coupe du Monde, un record continental, illustrent la grandeur incontestée de l’équipe nationale du Cameroun. Championne olympique en 2000, cette formation a gravé son nom dans l’histoire du football africain. Des figures emblématiques telles que Samuel Eto’o, quadruple lauréat du Ballon d’or africain, Roger Milla et Thomas Nkono, deux fois récipiendaires, ainsi que Jean Manga Onguéné, Théophile Abega et Patrick Mboma, ont joué un rôle essentiel dans l’édification de cet héritage glorieux. Cependant, le présent pose des défis inédits alors que l’équipe cherche à rééditer ces succès. Alors que le Maroc atteint les demi-finales à la Coupe du Monde 2022, le Cameroun se retrouve à la croisée des chemins.
Les Lions Indomptables hors des Frontières dans la Tourmente de la Stigmatisation
Le Cameroun court le risque de compromettre son avenir en stigmatisant systématiquement les Lions Indomptables nés, ayant grandi ou évoluant dans d’autres championnats que celui du Cameroun. Suite à leur contre performance, les moqueries et critiques incessantes, visant particulièrement ces joueurs cosmopolites, mettent en péril non seulement la cohésion de l’équipe, mais également la confiance individuelle des joueurs, créant ainsi un climat qui affaiblit les chances de succès de l’équipe nationale. Alors que les Camerounais scrutent en premier lieu les performances des Lions Indomptables sur le terrain, la menace de la stigmatisation demeure persistante, jetant une ombre sur les réalisations sportives et compromettant l’unité cruciale au sein de l’équipe.
Au-delà des tactiques, des dribbles habiles et des frappes puissantes, la stigmatisation se profile comme un adversaire invisible qui teste non seulement la performance des Lions Indomptables mais également leur unité et leur résilience. Ces joueurs, qui ont embrassé des horizons différents, apportant une richesse de compétences et d’expériences, se retrouvent curieusement sous le feu des critiques. Malgré une série d’échecs sur plusieurs plans (ailleurs que sur le terrain de jeu) les projecteurs, au lieu de célébrer la diversité et la contribution de ces Lions Indomptables cosmopolites, amplifient parfois les voix de la stigmatisation.
La complexité de cette problématique exige une introspection collective, car la réussite des Lions Indomptables ne peut être évaluée de manière juste sans considérer la valeur de chaque joueur, qu’il ait grandi au Cameroun ou dans la diaspora. La compétition ne se joue pas seulement sur le terrain de jeu, mais aussi dans la manière dont l’équipe gère les forces et les défis intangibles, y compris ceux liés à l’identité et à l’origine de ses joueurs. Dans cette arène où la passion, la fierté nationale et le talent s’entrelacent, surmonter la stigmatisation pourrait bien être le défi le plus crucial que les Lions Indomptables doivent relever pour retrouver leur pleine grandeur.
Face à ces enjeux, la nation doit naviguer avec précaution pour maintenir l’équilibre entre l’évaluation des compétences des joueurs et l’évitement des pièges de la stigmatisation.
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L’exemplarité de l’Intégration
Dans le paysage du football africain, plusieurs nations ont brillamment démontré les avantages de l’intégration réussie des joueurs binationaux, même ceux n’ayant jamais évolué dans un championnat africain. Un exemple particulièrement frappant est observable celui du Sénégal, où la gestion judicieuse des talents issus de la diaspora a donné naissance à une équipe d’une diversité impressionnante. Considérons par exemple la trajectoire de Kalidou Koulibaly, défenseur central de renommée mondiale, né en France de parents sénégalais. Malgré n’avoir jamais évolué dans un championnat africain, sa contribution à l’équipe nationale sénégalaise a été cruciale. La réussite de Koulibaly en Serie A italienne avec Naples a apporté une expertise et une solidité défensive indéniables à l’équipe, prouvant ainsi que le talent transcende les frontières géographiques.
De manière similaire, Achraf Hakimi, né en Espagne de parents marocains, représente une illustration captivante du Maroc embrassant le talent de la diaspora. Son éclat dans les meilleurs clubs européens, bien qu’il n’ait jamais évolué dans un championnat africain, a été un atout majeur pour l’équipe nationale marocaine. Ces exemples démontrent que la réussite peut fleurir indépendamment du lieu de naissance ou du championnat d’origine, soulignant l’importance de l’ouverture d’esprit dans la gestion des talents pour les équipes africaines..
Identité Nationale au-delà des Frontières : Un Tissu Culturel Dynamique
Dans l’exploration de l’identité nationale, il est impératif de transcender les limites géographiques. Les joueurs de la diaspora, évoluant avec les Lions Indomptables, tissent un tissu culturel dynamique qui s’étend bien au-delà des frontières du Cameroun. Leur connexion profonde avec le pays d’origine, même forgée à des milliers de kilomètres, mérite une reconnaissance attentive. Exiger de ces joueurs une loyauté inconditionnelle sans tenir compte de leurs parcours et des défis qu’ils ont surmontés constitue une simplification injuste. Prenons le cas de Joël Matip, né en Allemagne de parents camerounais, qui a choisi de représenter le Cameroun sur la scène internationale. Bien que son développement footballistique se soit déroulé outre-Atlantique, sa détermination à arborer le maillot des Lions Indomptables est un témoignage vibrant de son attachement profond à ses racines.
Cette dynamique identitaire qui transcende les frontières renforce la richesse culturelle de l’équipe nationale. Elle souligne également la nécessité d’une approche nuancée pour comprendre et apprécier la complexité de l’engagement des joueurs de la diaspora envers le Cameroun. En embrassant cette diversité, le Cameroun peut forger une unité qui va au-delà des distinctions géographiques, catalysant ainsi le potentiel collectif des Lions Indomptables.
Appel à la Sagesse : Vers un Avenir Inclusif des Lions Indomptables
Il est temps d’adopter une approche éclairée, ancrée dans la sagesse, tout en puisant inspiration des succès des équipes voisines. La FECAFOOT se trouve à la croisée des chemins, appelée à favoriser la transparence, à tracer une politique sportive (du football) visionnaire et à investir dans le développement continu du football local. Cette conjonction d’efforts est essentielle pour créer un environnement propice à l’épanouissement de tous les joueurs, indépendamment de leurs origines géographiques. En conclusion, plutôt que de s’égarer dans la critique infondée, le Cameroun doit opérer une réflexion profonde sur son passé glorieux, s’inspirer des réussites de ses voisins et s’engager résolument vers un avenir où l’inclusion et la collaboration définiront les Lions Indomptables. Les erreurs du présent peuvent être des leçons pour demain. L’enjeu est trop important pour se laisser emporter par la stigmatisation des joueurs de la diaspora. En unissant les forces, en cultivant la diversité et en promouvant une vision collective, le Cameroun peut reconquérir sa place éminente dans l’histoire du football africain.
Au moment de clore cette réflexion sur les Lions Indomptables, une question cruciale émerge, réclamant une réponse délibérée du gouvernement camerounais : la double nationalité. L’acceptation et la reconnaissance de ce principe offriraient non seulement une perspective moderne sur l’identité nationale mais constitueraient également un signal fort envers les joueurs issus de la diaspora. Un geste rassurant pour les pères et mères qui sont si souvent décisifs dans les choix de leurs enfants, lorsque vient le moment d’opter pour la couleur d’un maillot à défendre. En prenant cette décision audacieuse, le gouvernement pourrait non seulement renforcer la cohésion nationale mais aussi contribuer à libérer tout le potentiel des Lions Indomptables, quel que soit le sol sur lequel ils ont grandi.
Mais au-delà des terrains de football, cette question s’étend à tous les enfants du Cameroun, dispersés à travers le monde, qui aspirent à contribuer à l’épanouissement de leur nation. En reconnaissant la diversité et en adoptant des politiques inclusives, le gouvernement peut poser les bases d’une collaboration fructueuse, permettant à tous les enfants du Cameroun, où qu’ils se trouvent, de participer pleinement au rayonnement et à l’essor de leur pays. La question est donc posée : le Cameroun est-il prêt à ouvrir un nouveau chapitre, où l’identité nationale transcende les frontières et embrasse pleinement la contribution de tous ses enfants ?
Eric Keunne
À Propos de l’Auteur :
Eric Keunne, candidat au doctorat (PhD) à
L’Université York de Toronto et Directeur Adjoint au Halton District School Board, co-auteur du livre « Didactique des langues officielles en contexte de bilinguisme officiel au Cameroun : État des lieux et perspectives ».
