Tension

Des dizaines de morts dans des affrontements au Tchad

Le Premier ministre Saleh Kebzabo dénonce une tentative de soulèvement armé pour prendre le pouvoir, l’opposition parle d’une répression qui s'est abattue sur des manifestants pacifiques.
IMG-20221020-WA0040

Une cinquantaine de personnes, dont une dizaine de membres des forces de sécurité, ont été tuées, hier, au Tchad, selon les autorités, lors d’affrontements opposant police et manifestants. Des centaines de personnes se sont réunies à l’appel de l’opposition contre la prolongation de deux ans de la transition confiée au président Mahamat Idriss Déby par le Dialogue national inclusif et souverain. le Premier ministre Saleh Kebzabo, lors d’une conférence de presse a annoncé une  « cinquantaine de morts et plus de 300 blessés ». Des décès principalement survenus dans la capitale N’Djamena et dans les villes de Moundou et Koumra, a-t-il indiqué, annonçant la mise en place d’un couvre-feu de 18 h à 6 h du matin à Ndjamena, Moundou, Doba et Koumra jusqu’au « rétablissement total de l’ordre » dans ces villes.

Plusieurs centaines de manifestants sont descendus dans les rues de N’Djamena pour réclamer une accélération de la transition après l’arrivée au pouvoir l’an dernier de Mahamat Déby, fils du président Idriss Déby décédé en avril 2021.

 

La police a tiré des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour tenter de disperser les différents rassemblements à travers la ville.

 

Le gouvernement affirme que les forces de l’ordre n’ont fait que riposter et se défendre. Saleh Kebzabo a dénoncé une tentative de soulèvement armé pour prendre le pouvoir et a affirmé que les responsables des violences seraient traduits en justice. Il a déclaré que les manifestants étaient considérés comme des rebelles. Le gouvernement « fera régner l’ordre sur l’ensemble du territoire et ne tolèrera plus aucune dérive d’où qu’elle vienne », promet-il. Dans sa communication, le Premier ministre a même pointé un doigt accusateur  : « Cette conférence de presse exceptionnelle nous est imposée par les évènements graves vécus par le pays ce 20 octobre 2022, date choisie par les insurgés pour organiser une véritable insurrection populaire armée. Ces insurgés portent la lourde responsabilité d’une cinquantaine de morts et près de 300 blessés, surtout à Ndjamena, mais aussi à Moundou, Doba et Koumra. Des morts de trop, pour assouvir la soif du pouvoir de M. Succès Masra et de M. Yaya Dillo », a-t-il accusé.

Des éléments des forces de l’ordre tués

Saleh Kebzabo a en outre annoncé la suspension de toute activité de plusieurs mouvements, dont les Transformateurs et Wakit Tama. En tout, sept partis politiques sont interdits d’exercer leurs activités, leurs locaux sont fermés pour une durée de trois mois.

Une commission judiciaire est annoncée pour établir les responsabilités.

Quelques heures avant, Aziz Mahamat Saleh, le porte-parole du gouvernement, a annoncé la mort « d’une dizaine des éléments de forces de l’ordre ». Il a ajouté que « les manifestants ont attaqués des édifices publics, le gouvernorat, le siège du parti du Premier ministre, celui du président de l’Assemblée nationale ».

L’opposition mise à l’index par le Premier ministre a réagi. Selon le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), c’est une féroce répression qui s’est abattue sur des manifestants pacifiques. Max Loalngar, coordinateur des actions citoyennes de Wakit Tama, lui, s’est exprimé sur RFI. « La journée était cauchemardesque. Plusieurs villes sont sorties comme un seul homme pour dire leur aversion pour la violence que nous vivons depuis une trentaine d’années, pour dire aussi que nous sommes un peuple qui n’aspire qu’à la liberté et qui voudrait vivre dans un pays prospère en toute intelligence avec toutes les communautés (…) Jamais de mémoire de Tchadien, nous avions eu un tel carnage, c’est simplement bestial, animal, c’est inimaginable, c’est ignoble ; je n’ai pas de mot pour le dire. On ne se serait jamais attendus à ce que des forces de défense et de sécurité puissent tirer sur leur population. »

Succès Masra

Et dans un message sur Twitter, Succès Masra, l’un des principaux opposants leader du parti Les Transformateurs, qui a lancé mercredi un appel à manifester, s’en est pris à Mahamat Idriss Déby Itno : « Ils nous tirent dessus. Ils tuent notre peuple. Les soldats du seul général qui a refusé d’honorer sa parole et aujourd’hui c’est la fin des 18 mois, voilà comment il entend installer la dynastie en tuant le peuple », a déclaré dans un message sur Twitter Succès Masra, l’un des principaux opposants du parti Les Transformateurs, qui avait lancé mercredi un appel à manifester pacifiquement.

Sur Twitter aussi, Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine (UA), a « condamné fermement » la répression des manifestations, appelant « les parties au respect des vies humaines et des biens » et à « privilégier les voies pacifiques pour surmonter la crise ».

Enfin, dans un tweet, le Haut commissariat des droits de l’homme de l’Onu  a interpellé les autorités de la transition : « Les autorités de transition doivent garantir la sécurité et la protection des droits de l’Homme, y compris la liberté d’expression et de réunion pacifique ».

 

Ces affrontements, dont on déplore parmi les morts, un jeune journaliste, Narcisse Oredjé, se déroulent alors qu’un gouvernement d’unité nationale a été formé vendredi dernier, après la prolongation pour deux ans de la « transition ».

Le 8 octobre dernier, sur décision du Dialogue national inclusif et souverain, Mahamat Idriss Déby a été maintenu à la tête de l’État jusqu’à des élections libres et démocratiques, censées se tenir à l’issue d’une deuxième période de transition de deux ans et auxquelles il pourra se présenter.

Une session extraordinaire de la conférence des chefs d’États de la Ceeac pourrait se tenir demain samedi. Selon une source du Jour, Étienne Tshisekedi, le président de la République démocratique du Congo et président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale a l’intention de réunir ses pairs par visioconférence pour évoquer la transition au Tchad.

Claude Tadjon

Author: Claude Tadjon

Commenter

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs requis sont indiqués *


A Propos

Le jour est un quotidien d’informations générales fondé en 2007.
« Faire voir, faire savoir, faire parler, faire comprendre » est le leitmotiv de ce journal qui insiste sur une information vérifiée, sourcée et documentée. Une large place est donnée à l’information économique et sportive. Un soin particulier est accordé aux portraits et le but final est d’apporter sa « patte » à l’écriture de « l’odyssée camerounaise ».

NOUS CONTACTER

NOUS APPELER



Newsletter

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez des infos exclusives.



    Catégories


    Claude Tadjon
    Author: Claude Tadjon