Insécurité sur les axes routiers

Voyages de nuit : la psychose des agressions changent les habitudes

Après l’agression mortelle d’un automobile sur l’axe Bafoussam-Yaoundé et le phénomène des microbes à Bafia, les usagers de la route réadaptent leur calendrier pour échapper à ces hommes sans foi ni loi sur les principaux axes routiers.
images

 

Stéphanie Tassonkeng a été choisie avec quatre autres membres pour représenter sa réunion aux obsèques du père de l’une des leurs à Baham ce week-end. Prise de panique à la suite du choix porté sur elle, elle a décidé de quitter Yaoundé pour la région de l’Ouest plutôt que prévu afin d’éviter le voyage de nuit.

Arrivée à Bafoussam dans la soirée du jeudi 16 mars dernier, elle y a passé une nuit avant de rallier Baham le vendredi matin. La décision, prise de concert avec son époux, fait suite aux multiples agressions observées lors des voyages de nuit sur nos axes routiers. « Je vais à un deuil à Baham. Je vais y représenter les membres de ma réunion. Les autres membres de la délégation sont derrière. Ils vont voyager ce soir pour qu’on se retrouve à Baham le matin du vendredi. J’ai préféré passer une nuit à Bafoussam. J’ai voulu mettre toutes les chances de mon côté pour éviter de vivre le phénomène qui nous effraie tous. Les agressions à la pierre me donnent des insomnies », a-t-elle confié. Pour elle, il est urgent de réadapter le calendrier des voyages. « Après les obsèques, si je n’ai pas l’occasion de rentrer en journée, je préfère passer une autre nuit à Bafoussam pour prendre la route dimanche en journée.

Lire aussi : Le Cameroun, ce n’est plus le Cameroun

Il est vrai qu’il n’y a pas de risque zéro mais je préfère mettre toutes les garanties de mon côté. En voyageant en journée, on peut être exposé aux accidents de la circulation. Les coupeurs de route sont prêts à tout. Je ne souhaite pas vivre cette expérience », ajoute Stéphanie Tassonkeng. Comme elle, Gilles Bardo Wadoum, un habitué des voyages de nuit, du fait des contraintes de calendrier, a trouvé une nouvelle formule. « Cette situation d’insécurité que nous vivons aujourd’hui sur nos axes routiers inquiète. Chacun se demande s’il faut toujours opter pour ces voyages de nuit. Ça me fait quand même peur de penser un seul instant vivre une telle réalité. Le voyage de nuit est plus tranquillisant. On voyageait la nuit pour mener ses activités en journée et retourner le soir. Avec cette situation d’insécurité, je pense qu’il faut désormais se réadapter. Tant que la situation n’est pas éradiquée, je ne prendrais plus ce risque », a-t-il aussi confié.

Pierre Lonlack, commercial de ligne dans une société de fabrication et de commercialisation des matériaux de construction à Bafoussam est désormais animé par la peur. Seules les contraintes professionnelles l’obligent à s’y aventurier. La situation est plus préoccupante selon lui, au regard des dégâts matériels et humains enregistrés en quelques jours. « Tel que les coupeurs de route sont armés, nul ne peut s’engager en sachant qu’il est en danger. Il faut changer les habitudes de voyages de nuit que de se lancer dans cette aventure au péril de sa vie », commente Aubin Djiogap, autre voyageur. Pourrissement Comme s’ils s’étaient passé le mot, les agresseurs ont, en l’espace d’une semaine, pris possession des routes.

A Bangangté, un conducteur a été froidement abattu sur un dos d’âne et son véhicule tombé dans le ravin, des jets de pierre suivis d’actes de banditisme ont été enregistrés dans la Sanaga Maritime, le Moungo, le Mbam et Inoubou, dans une période groupée, créant la panique chez les usagers nocturnes de la route. Si ce mode opératoire est nouveau, le phénomène des coupeurs de route en lui-même date. Les habitués de Binam voyages se souviennent de cette déviation nocturne d’un véhicule de cette agence, orchestrée par des braqueurs que le chauffeur avait transportés non loin d’Obala, en pensant faire du racolage. Les passagers avaient été dépouillés et maltraités. Lorsque la route était devenue très mauvaise, les malfrats de la route Bafoussam – Yaoundé opéraient sur des nids de poule dans la zone de Bangoua, Bantoum, Tonga, Makenene. Les pouvoirs publics avaient endigué le phénomène en organisant des escortes sur le tronçon difficile. Dans cette nouvelle donne, la falaise de Santchou apparait aussi comme un repère des brigands. Dans un audio émis par un conducteur de Global voyages cette semaine, l’on apprend que profitant des nombreux virages de cette zone et du ralentissement des véhicules gros porteur, les bandits ont essayé devant lui d’ouvrir les portières d’un bus Vip d’une compagnie concurrente. Ce sont ses manœuvres d’intimidation qui les ont éloignés. Ceux qui ont par le passé commis la maladresse de laisser un véhicule en panne dans cette zone où personne ne s’aventure à s’arrêter pour porter secours, n’ont eu le lendemain, que leurs yeux pour pleurer.

Lire aussi : Un jeune reçoit 120 coups de fouet pour injure au Lamido de Ngong

Dans les agences de voyage, des mesures spéciales sont en train d’être prises. Des restrictions à l’ouverture des portières et des vitres, l’augmentation du personnel navigant entre autres. Déjà, il se trouve des gens pour estimer qu’il faut interdire ces voyages à risque. Sauf que ce type de mesure, pris par le gouvernement en 2011, pour lutter contre les accidents mortels, avait fait long feu. L’arrêté du Ministre d’Etat chargé des Transports, Maïgari Bello Bouba, imposait que les véhicules de transport public interurbain de personnes soient désormais interdits de circulation sur les axes routiers interurbains au-delà de 21h. Malgré la prévision des sanctions graduelles à tout contrevenant, la résistance l’avait emporté. La mesure fut levée. Selon les informations de la Direction des Transports terrestres de l’époque, « le trafic de nuit représente en réalité 5% du trafic des personnes. Mais avec ce petit chiffre, ce genre de circulation enregistre 35% des accidents. Et généralement, ces accidents surviennent avec des dégâts matériels très importants, et des pertes en vies humaines ». Des statistiques à relativiser en fonction des zones géographiques.

Entre Yaoundé, Douala, Bafoussam et ses alentours, pas moins de 80% des passagers voyagent la nuit. Au point où des agences importantes comme General Express, Trésor, International Line peuvent passer des journées sans voyage en milieu de semaine.

 

… et Aurélien Kanouo

Franklin Kamtche


Commenter

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs requis sont indiqués *


A Propos

Le jour est un quotidien d’informations générales fondé en 2007.
« Faire voir, faire savoir, faire parler, faire comprendre » est le leitmotiv de ce journal qui insiste sur une information vérifiée, sourcée et documentée. Une large place est donnée à l’information économique et sportive. Un soin particulier est accordé aux portraits et le but final est d’apporter sa « patte » à l’écriture de « l’odyssée camerounaise ».

NOUS CONTACTER

NOUS APPELER



Newsletter

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez des infos exclusives.



    Catégories