Les violences sont de retour dans les stades au Cameroun. Après le stade municipal de Bafang, lors du match Unisport -Victoria comptant pour la 14ème journée de la Mtn Elite Two, le public sportif a eu droit à une autre scène terrifiante le mercredi 26 avril 2023 au stade annexe A d’Olembé. C’était dans le cadre de la 25ème et avant dernière journée du championnat Mtn Elite Two. La rencontre mettait aux prises As Lausanne à Rangers Fc de Bafut. Déçus par la défaite, des supporters de l’équipe d’Anguissa ont passé à tabac l’arbitre Matechuet. Certains l’accusaient d’avoir pris fait et cause pour Rangers alors que pour d’autres, il a enterré leurs espoirs de monter en Elite One avec ses décisions partiales.
‘’Guérilla’’ dans un stade de football
Le même mercredi, le corps arbitral quittait le stade municipal de Bertoua sous forte escorte policière. Des vidéos de ces scènes de « guérilla » ont fait le tour du monde suscitant à chaque fois l’indignation. Les enjeux de la fin de saison ont donné lieu à des affrontements inexplicables. « J’avais cru qu’on ne pouvait plus voir ces scènes. On a vu un président de club arrêter un match à Limbé ; des supporters bastonnent l’arbitre comme un animal après un match de football. Ce sont des actes rétrogrades qu’il faut condamner avec fermeté », martèle Alfred Dongmo supporter d’Aigle royal de la Menoua.
Pour comprendre ces actes violents qui décuplent dans nos stades de football, nous sommes allés à la rencontre des acteurs de premier plan. Le président d’As Fortuna, Roger Noah, connu pour son amour dans la formation des jeunes talents, n’a pas mis les gangs pour fustiger la moralité des arbitres tout en condamnant les violences : « L’arbitre ne commence pas à mal diriger. J’aimerai interpeller ici la responsabilité de la Fédération sur la qualité des hommes qui sont appelés à officier les rencontres et la moralité de certains présidents de clubs. Pour qu’il y est corrompu, il faut un corrupteur. Durant des années, on n’a jamais voulu sanctionner ». Et de marteler : « Il faut pouvoir sanctionner même au niveau des dirigeants de clubs véreux qui passent le temps à acheter la conscience des arbitres et au niveau des arbitres qui sont arrêtés en pleine faute. Il faut que l’organisation laisse le jeu se jouer et qu’on ne choisisse pas des clubs qui vont monter selon les orientations de certains », souligne le président d’As Fortuna, club d’Elite One au Cameroun.
Points de discorde
Depuis le début de la saison, les arbitres sont accusés de fausser les résultats des rencontres sur le terrain. C’est ce qui serait la cause du malaise grandissant dans les stades aujourd’hui. Mais passer à tabac un arbitre est inexplicable, confie Emma Ndongo, l’entraîneur d’Apejes de Mfou : « Il faut dénoncer ces comportements rétrogradent. Quand vous regardez ces images, on a l’impression que nous sommes rentrés 40 ans en arrière. Un match de football repose sur trois parties : deux adversaires et un arbitre chargé de faire respecter les règles. Il peut arriver que des arbitres fassent des erreurs. On ne peut pas cautionner qu’un arbitre se fasse violenter dans un stade », fustige le technicien.
Les frustrations des supporters ne peuvent pas justifier les violences qu’on observe dans les stades, renchérit Hugues Biloa, l’entraîneur adjoint du Canon sportif de Yaoundé : « Les arbitres sont des hommes. Quand on fait avec des hommes, il y a une marge d’erreurs qu’il faut accepter. Maintenant sportivement, ce n’est pas souvent évident quand on prépare un match et qu’on le perde sur une erreur d’arbitrage. On doit se retenir et comprendre que, les arbitres sont des hommes qui peuvent se tromper de bonne foi ». De nombreux arbitres ont été suspension cette saison pour des fautes graves. Sauf qu’à la fin, les erreurs se multiplient et certains clubs paient le lourd tribut. « Il faut peut-être revoir la manière de sanctionner. Quand on sanctionne un arbitre, il faut que la rencontre se rejoue sinon le problème demeure entier. L’arbitre est sanctionné mais l’équipe est pénalisée. Il faut aussi renforcer la sécurité dans les stades pour éviter les débordements », propose Hugues Biloa.
Sortir de la spirale de violences
Pour sortie de cette série de violences, le président Roger Noah appelle à l’équité : « Il faut renforcer les capacités des dirigeants qui passent le temps à soudoyer les arbitres. Il faut former les arbitres et augmenter, pourquoi pas, leurs rémunérations. Au niveau international, on a la Var. C’est pour plus d’équité dans le jeu », conseille-t-il. Emma Ndongo quant à lui, insiste sur la sensibilisation des supporters et l’éducation des joueurs sur les lois de jeu : « Suspendre un club pour un an c’est beaucoup. Il en va de la carrière des joueurs. Quand on se sent frustré, il y a des voies de recours. Il faut être Fair play et éduquer l’entourage sur les lois du jeu ».
Le football est un jeu avant un produit, un spectacle avant un business et un sport avant un marché, disait Michel Platini.