Six journalistes derrière les barreaux au Cameroun

Amadou Valmouké

Le pays est classé au troisième rang des Etats qui emprisonnent le plus de journalistes en Afrique subsaharienne selon un rapport du Comité pour la protection des journalistes (Cpj).

Le nombre de journalistes emprisonnés dans le monde a atteint un chiffre record depuis 1992. Ce constat fait suite à un recensement carcéral effectué en date du 1er décembre 2023 par le Comité pour la protection des journalistes (Cpj). Il s’agit d’une sorte de « baromètre inquiétant de l’autoritarisme enraciné et de la sévérité des gouvernements déterminés à étouffer les voix indépendantes ». D’après le rapport du Cpj qui vient d’être publié, 320 journalistes sont derrière les barreaux dans le monde. Pour le cas de l’Afrique Subsaharienne, le nombre de journalistes emprisonnés ne cesse de croitre ces dernières années. De 30 à 31 en 2021 et 2022, il a atteint la barre des 47 journalistes en prison au 1er décembre 2023. Avec six journalistes incarcérés, le Cameroun se classe au troisième rang des pays qui emprisonnent le plus de journalistes en Afrique subsaharienne. Il est classé derrière l’Erythrée (16) et l’Ethiopie (8).

Dans son recensement carcéral, le Cpj comptabilise uniquement les journalistes détenus par les gouvernements. Les journalistes disparus ou détenus par des acteurs non-étatiques sont classés dans d’autres catégories. Aussi, le Cpj dit comptabiliser uniquement les journalistes dont il a pu établir qu’ils ont été emprisonnés en raison de leur travail. Ledit recensement ne prend pas en compte les nombreux journalistes emprisonnés et libérés au cours de l’année. D’après les travaux du Cpj, plus de 65 % des journalistes recensés font l’objet d’accusations de complot contre l’État, telles que la diffusion de fausses nouvelles et le terrorisme, en représailles à leurs reportages critiques. « Dans 66 cas, les journalistes détenus n’ont pas encore été informés des charges qui pèsent contre eux. Ils sont souvent confrontés à des conditions de détention inutilement cruelles, les procédures régulières sont fréquemment bafouées par les autorités qui prolongent la détention provisoire des journalistes, et les avocats des journalistes eux-mêmes font l’objet de représailles », relève le rapport.

Amadou Vamoulké

Dans la liste des journalistes camerounais emprisonnés, le plus anciens derrière les barreaux à ce jour est Amadou Valmouké, ancien directeur général de la Cameroon Radio and Television (CRTV). Il est pour l’heure, le journaliste emprisonné pour la longue période au Cameroun d’après la base de données du Cpj. Il a été arrêté en 2016 pour détournement de fonds présumés. Après avoir comparu plus de 140 fois, Amadou Vamoulké a été condamné à 12 ans de prison et à 47 millions de francs CFA centrafricains (76 000 dollars) d’amende en 2022. Fin 2023, Vamoulké, âgé de 73 ans, était en mauvais état santé, rapporte le Cpj. Qui rappelle que le journaliste a fait appel devant la Cour suprême. Mais aucune date d’audience n’a été fixée. Un Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a demandé la libération immédiate de Vamoulké et l’assurance qu’il recevrait des soins médicaux car il souffrait énormément et risquait de perdre l’usage de ses jambes. Le gouvernement a déclaré que la détention de Vamoulké était conforme aux «dispositions légales pertinentes ».

Stanislas Désiré Tchoua

En août 2023, un autre journaliste camerounais, Stanislas Désiré Tchoua, était placé derrière les barreaux à la prison centrale de Yaoundé. Propriétaire de trois médias, il a été condamné à un an de prison pour diffamation pour un article qu’il avait publié à l’égard d’un député du parti au pouvoir, le Rdpc, Jean Claude Feutheu. S’il ne paie pas une amende de 5 millions de francs centrafricains (8 086 dollars), il risque une peine supplémentaire de quatre ans d’emprisonnement. Le journaliste qui a fait appel de la décision souffre d’une maladie pulmonaire, apprend-on. Tchoua est directeur de publication et propriétaire des journaux 100Sur Hebdo et L’Albatros, qui ont pour centre d’intérêt la politique et Impact Magazine. Le Comité pour la protection d es journalistes fait savoir que le 26 octobre 2023, Denis Omgba Bomba, chef de l’Observatoire national des médias du ministère de la Communication, a déclaré que le ministère était préoccupé par l’emprisonnement et le mauvais état de santé de Tchoua et avait proposé une médiation avec Feutheu pour obtenir sa libération. Aucune suite.

Thomas Awah Junior

Le journaliste a été placé derrière les barreaux le 2 janvier 2017. Il a été condamné en 2018 à purger une peine de Onze ans de prison pour plusieurs chefs d’accusation : sécession, insurrection et diffusion de fausses informations. Il a été jugé par un tribunal militaire. En 2019, Awah a été condamné à trois ans supplémentaires pour avoir protesté contre les mauvaises conditions de détention dans la prison de Kondengui. Sa condamnation a été partiellement annulée par un tribunal d’appel militaire en 2021. En 2023, Awah qui connait un mauvais état de santé a fait appel devant la Cour suprême. Aucune date d’audience fixée. Correspondant de la radio privée Afrik2 et éditeur du mensuel Aghem Messenger, Awah a été arrêté à Bamenda, dans la région du Nord-Ouest, alors qu’il interviewait des manifestants en protestation dans le cadre de la crise anglophone.

Kingsley Fomunyuy Njoka

Détenu à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé depuis 2020, ce journaliste de la région du Nord-Ouest a été arrêté et gardé au secret dans un premier temps. Il a été inculqué par un juge d’instruction militaire de « sécessionnisme et de complicité avec un groupe armé », indique le Cpj. Pour ces motifs, il risque la réclusion à perpétuité. Après plusieurs renvois de la cause, son affaire a recommencé en janvier 2023. « Il est détenu à la prison centrale de Kondengui, à Yaoundé, la capitale, et souffre du paludisme et de problèmes d’estomac dus à de mauvaises conditions sanitaires», peut-on lire sur la plateforme en ligne du Cpj. Qui rappelle aussi qu’en mai 2022, la demande de Njoka d’assister aux funérailles de son père a été refusée. Son épouse n’a été autorisée à lui rendre visite pour la première fois qu’en septembre 2022.
Kingsley Fomunyuy Njoka a travaillé comme correspondant pour «Toughtalk », une émission d’actualité sur la chaîne de télévision Canal 2 English, qui a couvert la crise anglophone avant d’être retirée des ondes en 2017, apprend-on. Il était également un membre de l’Association camerounaise des journalistes anglophones et travaillait pour le magazine bihebdomadaire catholique L’Effort Camerounais, Tome Broadcasting Corporation, Magic FM et Satellite FM, entre autres.

Mancho Bibixy

Arrêté le 17 janvier 2017 par des hommes armés, cet animateur radio a été condamné à 15 ans de prison en 2018 pour plusieurs chefs d’accusation : sécession, insurrection et diffusion de fausses informations. Il a été jugé par un tribunal militaire. Bibixy a animé trois émissions de radio à Bamenda sur la chaîne privée Abakwa FM, y compris une revue d’information populaire en langue pidgin intitulée « Comedy Show ». Un programme qui critiquait la marginalisation des anglophones. Dans son programme, l’animateur a débattu des manifestations qui ont marqué le début de la  crise dite anglophone. En 2019, Bibixy a été condamné à deux ans supplémentaires après avoir protesté contre les mauvaises conditions de détention dans la prison centrale de Kondengui. En 2023, il a fait appel devant la Cour d’appel. Aucune date d’audience fixée pour l’heure.

Tsi Conrad

Tsi Conrad cinéaste et photographe dans la région du Nord-ouest a été condamné en 2018 à quinze ans d’emprisonnement pour sécession, hostilité contre l’État et diffusion de fausses nouvelles. Il a été jugé par un tribunal militaire. Un an après, en 2019, Conrad a été condamné à 18 mois supplémentaires, à purger après avoir protesté contre les mauvaises conditions de détention dans la prison centrale de Kondengui. Le Cpj indique qu’il a travaillé pour Ruphina’s House, une agence de presse et une société de production cinématographique qu’il a créée en 2013. Ce journaliste freelance a également fourni des vidéos et des photos au site d’information pro-séparatiste Bareta News et des photos à Abakwa FM Radio, CNTV, Horizon TV, Rush FM Radio et Ndefcam Radio, basées à Bamenda, apprend-on.

Mathias Ngamo Mouendé


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