Il est facilement reconnaissable dans les rues de la ville de Yaoundé. Pendant de longues années, Maurice Simo a servi comme interprète en langue de signe à la télévision nationale. Convié lors des évènements afin de servir de facilitateur pour les déficients auditifs, il répond toujours présent. Son sourire au coin des lèvres est un indicateur de sa passion pour ce métier qu’il exerce depuis plus de trois décennies. Nous l’avons rencontré il y a quelques jours dans la capitale politique du Cameroun. Avec ses deux mains, il « dessinait » dans les airs des courbes et des signes. Seuls les initiés parvenaient à décoder le message qu’il transmettait. Les curieux se laissaient émerveiller par la justesse et la précision de ses gestes. Il a suivi la voie du destin.
C’est un métier que j’ai choisi. J’y suis et je m’y plais
Tout commence dans les années 80. Au sortir des examens partiels à l’Université de Yaoundé, il visite, avec ses amis, une école pour sourds. Il y sortira complètement transformé. L’étudiant en droit va suivre sa voie en laissant tout derrière. « Mes camarades de promotion n’en revenaient pas. J’ai tout abandonné pour suivre une formation qualifiante à l’enseignement spécialisé des enfants déficients auditifs. Je fais partie de la 1ère promotion (1985). Nous avons bénéficié d’une formation mise en place par une fondation en partenariat avec la Fisaf (fédération des instituts des sourds et aveugles de France). Je suis de la toute première cuvée des professeurs formés, moulés dans cette école. Plus de 30 ans après, Maurice Simo garde la même passion. C’est d’ailleurs son activité principale. Son choix n’a pas été accepté par son entourage. Il a été raillé par les siens. « La famille et les connaissances ont eu à me stigmatiser. Une question revenait tout le temps : c’est tout ce que vous avez trouvé à faire à Yaoundé ? Dans les années 80 où il y avait des grandes écoles, tu pouvais bien continuer ton cursus. C’était un peu une espèce de moquerie pour moi. Mais, j’ai dit : c’est un métier que j’ai choisi. J’y suis et je m’y plais. N’en déplaise à certains membres de ma famille et certaines connaissances », précise-il tout décomplexé.
Si pécuniairement Maurice Simo peine, il est satisfait de donner le sourire à sa manière aux déficients auditifs à chaque fois. « Globalement, je suis à l’aise. Le sourire que je procure aux enfants et aux parents des enfants en situation de handicap est largement suffisant. Les parents accompagnent leurs enfants désormais avec le sourire ». Et de renchérir : « C’est tout simplement cette vocation à voir l’enfant en situation de handicap sourire, sortir de ce carcan qui a tendance à faire qu’il soit introverti. Pour moi, il a toujours été question de valoriser l’enfant en situation de handicap qui regorge en lui des talents », se réjouit-il. A date, il a contribué à la formation de plusieurs jeunes interprètes. Il en est d’ailleurs fier. En tant que professeur et coordonnateur des salles spéciales déficients aux examens officiels relevant de l’office du baccalauréat, Maurice Simo nourrit de grands rêvent pour le futur.
Il faut des interprètes, ne serait-ce que lors des journaux officiels
Pour lui, l’Etat devrait accorder un quota lors des examens et concours aux enfants en situation de handicap. Ils ont besoin d’être en confiance pour laisser éclore le génie qui sommeille en eux. « Si désormais dans des concours organisés par la fonction publique, on peut réserver un quota pour ces enfants en situation de handicap, j’aurais gagné ma bataille ; celle de voir ces enfants, ces jeunes s’épanouir sur le plan professionnel ». Et d’ajouter : « On aurait souhaité que la communication au niveau de nos chaînes de télévision soit de plus en plus inclusive. Les chaînes européennes sont toujours en avance. Il y a toujours un interprète au niveau des écrans. Il faut des interprètes, ne serait-ce que lors des journaux officiels, afin qu’ils restituent l’entièreté de l’information au profit des personnes déficientes auditives », souhaite Maurice Simo.
Fort de son expérience et de son vécu, l’enseignant de la langue des signes est armé pour défendre, contre vent et marée, la cause des sourds-muets.