Réunis du 3 au 4 août 2023, dans la ville d’Ebolowa dans le cadre d’un atelier de formation, les directeurs de publications des journaux anglophones regroupés autour de l’Association de Directeurs de Publication des journaux de langue anglaise du Cameroun Cameroon English Newspaper publisher (CENPA) ont lancé leur cri de détresse envers le président de la République Paul Biya. Ils ont sollicité la création d’un fonds spécial par le chef de l’Etat afin de soutenir la presse anglophone menacée de disparition avec la crise qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2016.
S’il est vrai que la presse en général est en difficulté au Cameroun, il n’en demeure pas moins que la presse anglophone est plus lourdement touchée. Les journaux anglophones ont vu leur lectorat diminuer de plus de 60% en six années de crise. Christian Ngah, directeur de publication du journal Guardian Post et président de l’Association des Directeurs de Publication des journaux de langue anglaise explique que la presse anglophone est menacée de disparition si rien n’est fait. « Nous avons perdu 60% de nos lecteurs et plus de 80% de nos annonceurs. La Cameroon Development coorporation (Cdc) et la Palmoil qui étaient parmi nos partenaires privilégiés sont lourdement touchées par la crise au point que ces deux entreprises ne prennent plus d’espaces d’annonce dans nos journaux. Et beaucoup de nos abonnés ont quitté le pays », précise le directeur de publication du journal The Guardian post.
Les lecteurs privés des journaux
D’autres lecteurs n’achètent plus les journaux parce qu’ils ont peur d’être les cibles des séparatistes qui les accusent de soutenir la presse. Le cri de détresse des directeurs de publications d’expression anglophone a été adressé en présence du délégué régional de la Communication du Sud. Ces Dp estiment qu’à l’heure actuelle seule la mise en place d’un fonds spécial en leur faveur peut leur permettre de faire face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice de leur profession. L’enjeu de la presse anglophone aujourd’hui est d’avoir un rayonnement national, mais avec la crise qui sévit dans les régions anglophones cette presse n’arrive même plus à se vendre dans certaines localités du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Christian Ngah, directeur de publication de The Guardian Post affirme que la presse anglophone est un levier qui promeut le bilinguisme au Cameroun. Partant de ce constat, le gouvernement a le devoir de soutenir cette presse qui promeut aussi la démocratie, la bonne gouvernance et la liberté d’expression. Les directeurs de publications sollicitent également de voir les mesures de sécurité être renforcées auprès des journalistes anglophones exerçant dans les régions en crise afin de permettre au public d’être informé. A titre d’exemple, The Guardian Post qui tirait à 3500 exemplaires avant la crise peine à éditer actuellement 1000 exemplaires. Avec cette situation, plus de 60% des lecteurs vivant dans certaines zones en crise sont privés des journaux.
Le fait que la presse anglophone ne puisse plus être accessible dans toutes les localités constitue une violation du droit à l’information tel que le stipule le pacte International relatif aux droits civils et politiques qui dispose en son article 19 que : « Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. »
Kini Nsom, journaliste et membre de la Cameroon english journalist (Camasej), un syndicat des journalistes anglophones souligne que depuis plus de dix ans, la presse privée camerounaise en général vit un contexte économique très déplorable, avec le très faible taux d’annonceurs, l’insuffisance de l’aide publique à la presse privée et l’absence d’un statut pour les journalistes. « Notre souhait de bénéficier d’une dotation spéciale va en droite ligne des recommandations des Etats généraux de la communication tenus en juin 2012, lesquelles recommandations restent dans les tiroirs. La presse anglophone est touchée par la crise et nous avons le devoir d’interpeller le président de la République. La presse anglophone est un facteur du bilinguisme dans notre pays et avec la crise qui sévit dans les régions où elle se vendait le plus, il est important qu’elle bénéficie d’un statut particulier », explique le journaliste.