Une fois n’est pas coutume, le ministre de la Décentralisation et du Développement local a décidé de parler de ce qui ne marche pas bien. Il s’agit du financement que l’Etat doit allouer aux communes et, désormais aux régions depuis leur mise en place en 2021. En ouvrant les travaux du Comité national des finances locales, réuni hier 26 avril 2023 en sa première session ordinaire de l’année, Georges Elanga Obam a posé de manière rhétorique la question suivante : « pourquoi, a fil du temps, le bilan des réponses apportées aux préoccupations fondamentales de l’heure, soulevées par nos finances locales, paraît-il en demi-teinte, en dépit des efforts des pouvoirs publics ? »
Le ministre de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel) a alors énuméré quelques-unes des préoccupations sur lesquelles il s’interroge. Les ressources que l’Etat alloue aux communes et aux régions doivent être relevées de manière substantielle. Pour soutenir son inquiétude, le ministre réclame un état des lieux chiffré de ce que les compétences transférées au niveau local coûtent aux collectivités territoriales décentralisées. A demi-mots, Georges Elanga Obam s’étonne que l’Etat ait confié le développement aux communes et aux régions, mais il ne leur ait guère donné les moyens à la hauteur de leurs nouvelles missions. A titre d’illustration, le Code général de la décentralisation, voté par le Parlement et promulgué par le président de la République depuis le 24 décembre 2019, n’est pas respecté sur les 15% du budget de l’Etat qui doivent être affectés au niveau local. La pratique mondiale indique que c’est bien là le minimum à faire. En 2022, le Cameroun était à 232,1 milliards Fcfa, soit environ 7,2% du budget central de l’Etat voté par le Parlement à un peu plus de 5 700milliards Fcfa. Plus grave, même cette cagnotte promise n’arrive pas à temps.
C’est en cette année2023 que l’enveloppe 2022 de la dotation générale de la décentralisation est payée au titre des arriérés de l’année écoulée. Dans les services du Premier ministre où l’enveloppe est négociée, des sources confient que les discussions sont actuellement âpres avec le Minddevel qui sollicite une augmentation substantielle de la dotation et, surtout, sa mise à disposition dans les temps. Ce n’est un hasard si, au cours du Comité national des finances locales dont il assure la présidence, le ministre Georges Elanga Obam a posé la demande suivante : « la mise à disposition régulière, et à bonne date, des ressources aux collectivités locales, afin de garantir un niveau de trésorerie satisfaisante à ces entités infranationales. »
Reddition des comptes
Il y a chez le ministre Elanga Obam une volonté d’être fixé sur les fonds qui sont effectivement affectés dans les territoires, notamment sur la direction réelle des impôt communaux censés être distribués de manière égale aux 374 communes d’arrondissement et aux communes de ville du Cameroun. Le membre du gouvernement demande d’ailleurs une évaluation de l’initiative 5 milliards Fcfa/mois faite dans le cadre du processus de reversement de ces recettes aux collectivités territoriales décentralisées. Par le passé, le ministre Elanga Obam a déjà dit sa préoccupation sur la solidarité nationale, c’est-à-dire la juste répartition des ressources de l’Etat à toutes les communes et aux 10 régions quoique ces entités ne produisent pas le même niveau de richesses.
Ce qui est en jeu c’est le développement équilibré et harmonieux du pays. Parlant toujours du financement des territoires, une question devenue lancinante est celle dure versement timide du droit d’accises spécial qui devrait permettre aux communes d’enlever et traiter les ordures ménagères. Les immondices dans les grandes villes du pays en disent long sur la difficulté pour les collectivités d’assumer cette compétence à elles transférée en l’absence de ressources financières conséquentes. A côté des dotations de l’Etat, l’impôt local représente la deuxième force de financement de la décentralisation.
Pourtant, le Cameroun ne dispose toujours pas d’une loi sur la fiscalité locale. Un comité créé par le Premier ministre a travaillé sur la question. Plusieurs membres de cette instance, appartenant au ministère des Finances et à celui de l’Economie, de Planification et de l’Aménagement du territoire, confient combien les discussions sont été houleuses avec les représentants du Minddevel. A ces derniers, il était sans cesse rappelé que les ressources de l’Etat sont limitées ; or celui-ci doit gérer plusieurs priorités. En réponse, le même argument revenait : la décentralisation est actuellement la réforme majeure de l’Etat du Cameroun ; et elle est le socle du développement du pays. Malgré les divergences, le groupe de travail sur la fiscalité locale bouclé ses travaux. De source bien informée, son rapport, ainsi qu’un avant-projet de loi, a été transmis au Premier ministre et à la Présidence de la République. Il revient au président d’envoyer au Parlement un projet de loi portant fiscalité locale au Cameroun. Ce texte devrait prendre en charge les insuffisances dans le financement de la décentralisation aujourd’hui.
Assongmo Necdem