<< A partir du mercredi 16 mars 2022, le prix de la baguette de pain de 200 grammes est passée à 150 francs cfa. C’est l’essentiel de la concertation que nous avons eue avec le ministre du commerce, Luc Magloire Atangana>>. Ainsi s’adressait Herve Tuayong, le secrétaire régional du Littoral, du syndicat Patronal des boulangers et pâtissiers.
Après avoir subi une hausse du prix des matières premières dont le blé et autres, les boulangers n’avaient plus que deux options : arrêter l’activité, ou augmenter le prix de leurs produits. De nombreuses discussions avaient été engagées avec les acteurs de ce secteur, par le ministre du commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana.
De ces conciliabules multiplies, il en ressort que la seule solution, c’était d’augmenter le prix du pain, premier produit de ces hommes qui ont choisi de nourrir le peuple.
Les responsables du syndicat patronal ont rencontré le ministre du Commerce et les associations de consommateurs, dans une concertation qui a finalement convaincu tout le monde sur une augmentation qu’ils considèrent très légère, par rapport aux augmentations des prix de matières premières : « Compte tenu du coût de la farine actuel et du prix des autres matières premières, on devait mettre le prix du pain à 200 fcfa ». A partir de ce jeudi 17 mars 2022, le prix du pain passe de 150 fcaf sur toute l’étendue du territoire.
En rappel, le sac de farine de 50 Kg passe de 16800 à 23000FCfa et les meuniers regrettaient jusqu’ici une absence de mesures d’accompagnement du gouvernement pour maintenir les prix.
Les meuniers déclaraient que le coût supplémentaire de production par sac de farine de 50 Kg qui était de 4500 Fcfa entre février et mars 2021, se situe à date à 6500 Fcfa avec une perte globale mensuelle de 5 milliards de Fcfa pour l’ensemble du secteur. Les opérateurs du secteur de la boulangerie de leur côté se plaignaient de subir une hausse progressive des prix de leurs matières premières depuis plus de 3 ans.
En janvier dernier, la Coalition camerounaise des consommateurs (Ccc), avait interpellé le gouvernement de prendre un certain nombre de mesures pour éviter l’augmentation du prix de la farine et du pain sur le marché national. Cette association relevait qu’au Cameroun, du fait de la conjoncture internationale, la variation d’importation du blé de 2018 à 2021 est progressive certes, mais est très fortement en diminution. De 736.000 tonnes en 2018, l’on est passé à 833.000 tonnes en 2019, 890.000 tonnes en 2020 et 913.000 tonnes en 2021.
Mais en comparant les écarts entre les années, il convient de noter une réduction des quantités importées du fait des conditions très difficiles. Entre 2018 et 2019, on avait une hausse de 97.000 tonnes, 2019-2020 (57.000 tonnes), 2020-2021(23.000 tonnes). Avec la hausse du prix du pain, l’on assiste désormais à une flambée générale des prix des denrées alimentaires de première nécessité dans les marchés camerounais. En novembre 2021, le Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam) redoutait une telle situation dans les marchés camerounais. Le Gicam avait interpellé le gouvernement à prendre les mesures adéquates pour éviter une telle flambée des prix sur me marché local.
David Eyenguè et Prince Nguimbous
« Les boulangers n’arrivent pas à s’entendre »
Odette Pokam, directrice de la Boulangerie Blé d’or
Le prix du pain passe à 150 fcfa. Cela fait du bien aux boulangers ou pas ?
Cela fait du bien aux boulangers, mais nous avons un problème avec le prix de gros. Parce que quand on parle du prix de 150 fcfa, on tient seulement compte du prix de détail dans les boutiques. On ne pense pas à la chaine, parce que le boulanger donne aux livreurs, et le livreur donne aux boutiquiers, puis le boutiquier vend à 150 cfa. C’est ce détail-là qui fait problème, parce que les boulangers n’arrivent pas à s’entendre. Pendant que nous disons que nous allons vendre à 120 fcfa au prix de gros, certains vont aller vendre à 100 fcfa. Et on n’a pas les moyens de répression. Voilà où se trouve le problème. Ils ne peuvent même pas respecter, parce qu’il n’y a pas que la farine qui a augmenté.
Le carburant a augmenté, l’huile, la levure, toute la matière première a augmenté. En dehors de ça, il y a aussi les impôts et les employés qu’il faut payer. Si les gens voulaient être sérieux, on devrait regarder le coût de production réel, avant de fixer le prix de gros. Nous allons aller dans nos boulangeries pour bagarrer avec nos livreurs, et ces derniers vont aussi aller bagarrer avec les boutiquiers au quartier. Ces derniers ne vont pas accepter de gagner 15 fcfa par pain. C’est très compliqué.
Avant, nous donnions à 85 fcfa, le livreur donnait à 100 fcfa, et le boutiquier vendait à 125 fcfa. Le problème, ce n’est pas de décider, le problème, c’est d’appliquer. Est-ce que le boutiquier va accepter de gagner seulement 15 francs ? Tout ça, c’est un combat. Nous aurons un combat au retour maintenant dans les boulangeries. Il faut qu’on s’en sorte. Car si ce n’est pas le cas, c’est la catastrophe.
« Ce n’est pas une augmentation, c’est un rattrapage »
Joseph Feuno, président régional du Littoral, du syndicat des patrons de boulangeries
Comment est-on arrivé à cette hausse des prix du pain sur le marché ?
Au sortir de la réunion que nous avons eue hier avec l’administration centrale à Yaoundé, les associations de consommateurs et les associations de meuniers, il a été décidé que le sac de farine passerait de 19000 fcfa à 24000 fcfa.
Il est passé ou il passera ?
Il est déjà passé à 24000 fcfa. Puisque depuis ce matin, les meuniers appliquent.
En contrepartie, nous avons demandé au ministre qu’il fallait revoir le prix du pain. Et effectivement, il a donné l’autorisation pour que le prix du pain passe de 125 à 150 fcfa. Donc, à partir de ce jeudi 17 mars 2022, le pain va passer à 150 fcfa pour la baguette de 200 grammes, sur tous les guichets et sur toute l’étendue du territoire camerounais.
Cela donne du sourire aux boulangers ou pas ?
Je ne sais pas si cela donnera du sourire, mais c’est un peu de baume au cœur. Car depuis 2021, nous avons une augmentation de 7500 fcfa sur le sac de farine. Et le prix qui passe de 125 à 150 fcfa n’est qu’un petit rattrapage. Vous savez qu’il y a 10 ans, en 2009, le prix était à 150 fcfa.
Lors des émeutes de la faim, nous avons décidé de soutenir le gouvernement en ramenant le prix à 125 fcfa. Aujourd’hui, ce n’est qu’un petit rattrapage, et pas une augmentation. Vous pouvez constater que depuis 2009 à aujourd’hui (2022, ndlr), le prix du sac de farine est passé de 14000 à 24000 fcfa. Il ya eu 10000 fcfa de plus, mais c’est la première fois que le prix du pain augmente.
Comment comprendre la grogne des boulangers malgré cette augmentation ?
Il y a une grogne parce que les meuniers ont connu une augmentation de 26 pour cent, alors que la baguette est en train de connaitre une augmentation de 20 pour cent. Donc jusque-là, les boulangers sont toujours perdants. C’est pour ça que certains pensent qu’il fallait augmenter un peu plus, à 175, voire 200 fcfa le prix de la baguette.
D.E
