Jean-Michel Nintcheu

Grève des enseignants : les solutions

Le député du Social Démocratic Front (Sdf) propose des pistes de sortie de crise. 
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Les enseignants, depuis quelques semaines, ont engagé un mouvement de grève pour revendiquer l’argent qui leur est dû depuis de longues années. Quel est votre sentiment face à cette situation ?
Je suis profondément choqué par ce qui arrive au personnel enseignant dans notre pays. Comment comprendre qu’un enseignant ait pu être victime de toutes les revendications formulées par le mouvement OTS durant plus d’une dizaine d’années ? Comment comprendre qu’un enseignant ne dispose pas de matricule depuis 15 ans qu’il travaille ? Comment comprendre qu’un enseignant n’ait pas encore perçu la totalité de son rappel depuis 15 ans? Comment expliquer qu’un enseignant n’ait pas droit à l’indemnité de non logement équivalent à 20% de son salaire depuis son recrutement à la fonction publique alors que cette rubrique a fait l’objet d’un décret du président de la République au lendemain des émeutes de février 2008? Comment un ministre de la République peut-t-il être surpris d’avoir en souffrance depuis plus de dix ans des dossiers de fonctionnaires dans son ministère ? Existe-t-il d’autres secteurs publics dont les agents ont cumulé de tels montants de dettes de salaire ? Que dire des retraités et des veuves qui n’ont jamais perçu leurs pensions soit parce que les dossiers n’ont jamais abouti  soit parce qu’elles sont détournées ? L’éducation doit être la priorité des priorités dans un pays qui se veut résolument tourné vers les défis du futur et d’avenir. Pour tuer un pays, on n’a pas besoin d’une bombe atomique. Il suffit de tuer son éducation. L’éducation est malheureusement devenu le parent pauvre de la République avec des arriérés dûs aux enseignants qui se chiffrent en centaines de milliards de FCFA et pire avec des salaires de catéchistes. Il faut avoir tourné le dos au progrès, à la justice sociale, au développement humain à la performance et à l’excellence pour ne pas avoir peur des enseignants. Ceux qui nous gouvernent n’ont malheureusement pas peur de la craie. C’est vraiment dommage.
Pouvez-vous imaginer les militaires avec deux mois d’arriérés de solde? Le pays brûlerait suivi d’un chaos indescriptible.
Ce qui arrive aux enseignants résulte de la mal gouvernance érigée en méthode de gouvernement. Il vous diront le contraire à longueur d’incantations officielles.
C’est quoi la bonne gouvernance ? C’est organiser une compétition à plus de 3000 milliards Fcfa et manquer 181 milliards pour satisfaire aux besoin élémentaires des enseignants ?
De façon globale, quand je regarde le système éducatif camerounais en commençant par le traitement salarial, j’ai honte d’être Camerounais. Pourquoi les former et les jeter en pâture
 Vous avez fait des propositions pour un paiement de l’enveloppe de 181 milliards qui pourrait couvrir leurs revendications. Peut-on y revenir dans le détails ?
Les dernières mesures gouvernementales relativement à l’aspect financier relèvent de l’enfumage et de la mauvaise foi.
Sauf à avouer aux Camerounais que les caisses de l’État sont exangues, cette dette peut être soldée en au maximum trois mois.
On peut tout d’abord procéder à la création d’un « Fonds spécial pour l’apurement de la dette des enseignants ». Comme on l’a fait pour le covid-19. Comment financer ce Fonds spécial ?
Trois mécanismes peuvent être activés au choix ou à la fois pour respecter l’échéancier fixé par le mouvement OTS à savoir :
– Le déblocage immédiat d’une partie des fonds souverains logés à la SNH
– La ligne 65 intitulée « Interventions de l’État en fonctionnement » dont l’objectif est de couvrir les charges non prévues de l’État en fonctionnement. Cette ligne budgétaire est passée de 358,453 milliards de FCFA en 2021 à 400,406 milliards de FCFA en 2022 soit une augmentation de 41,953 milliards de FCFA. Échelonnés sur trois mois à hauteur de 60 milliards de FCFA par mois, ces 181 milliards de FCFA seront apurés. Encore que toutes les institutions de l’État disposent déjà d’un budget de fonctionnement. Donc pas de préjudice particulier en perspective dans ces différentes institutions.
– La réduction du train de vie de l’État qui passe par la réduction des dépenses improductives et la suppression des gaspillages somptuaires contenus dans le budget de l’État et le reversement du gain tiré de ce toilettage dans le Fonds d’apurement de la dette des enseignants ». La session parlementaire de mars vient de débuter. Une loi des finances rectificative  s’impose dans l’urgence notamment sur les dépenses des biens et services qui se chiffrent globalement à 858,589 milliards de FCFA dont 66,4 milliards de FCFA (eau, électricité, gaz), 80,35 milliards de FCFA (matières, matériels et fournitures), 58,3 milliards de FCFA (frais de transport et de mission), 16,54 milliards de FCFA (loyers), 223,43 milliards de FCFA (mobilier et matériel de logement et de bureau). Il faut dégraisser ces lignes afin de tirer un gain équivalent aux revendications financières du mouvement OTS qui se chiffrent à 181 milliards de FCFA
Pensez-vous que les pistes que vous proposez sont vraiment réalisables ?
Bien sûr. C’est une question de volonté politique et de priorité dans la dépense publique. Sauf si on veut nous faire croire que les caisses de l’État sont vides. Et dans ce cas, il faudra que Yaoundé nous explique comment on est arrivé à cette banqueroute.
Avez-vous prévu d’engager des actions au niveau de l’Assemblée nationale pour que l’une de ces solutions possibles soit envisagée ?
Des dispositions réglementaires existent pour qu’il y ait des débats à l’Assemblée nationale. La Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoient des séances de questions orales ou écrites aux membres du gouvernement. Cette procédure est malheureusement toujours piétinée par le président de l’Assemblée nationale qui a toujours bâillonné les députés de l’opposition.
Dans une République qui a un sens et compte tenu de l’importance de la grève du mouvement OTS, cette question des enseignants devrait logiquement et en urgence être largement débattue au cours de cette session de mars qui vient de débuter. Espérons qu’un projet de loi des finances rectificative sera acheminée à l’Assemblée nationale par le gouvernement.
De mon côté, je n’y crois pas du tout du fait de l’autisme et de la condescendance profondément inscrits dans l’ADN du régime de Yaoundé. Espérons qu’ils sauront au moins cette fois-ci faire œuvre d’un sursaut républicain. L’éducation nationale brûle et le risque d’effet domino dans tous les autres secteurs est très élevé.
Propos recueillis par Jules Romuald Nkonlak
Jules Romuald Nkonlak

Author: Jules Romuald Nkonlak

Né le 29 janvier 1978 à Bafoussam, Jules Romuald Nkonlak est journaliste, diplômé de la 31e promotion de l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic) en 2003. Il a commencé sa carrière au quotidien Mutations qu’il a quitté en 2007, l’année de la création du quotidien Le Jour. Rédacteur en chef adjoint au départ, il a été nommé rédacteur en chef en 2011.

Jules Romuald Nkonlak

Né le 29 janvier 1978 à Bafoussam, Jules Romuald Nkonlak est journaliste, diplômé de la 31e promotion de l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic) en 2003. Il a commencé sa carrière au quotidien Mutations qu’il a quitté en 2007, l’année de la création du quotidien Le Jour. Rédacteur en chef adjoint au départ, il a été nommé rédacteur en chef en 2011.


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    Né le 29 janvier 1978 à Bafoussam, Jules Romuald Nkonlak est journaliste, diplômé de la 31e promotion de l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic) en 2003. Il a commencé sa carrière au quotidien Mutations qu’il a quitté en 2007, l’année de la création du quotidien Le Jour. Rédacteur en chef adjoint au départ, il a été nommé rédacteur en chef en 2011.