Hommage

Ekambi Brillant : toute une vie au service de la culture camerounaise

 L’artiste a contribué au rayonnement de la musique camerounaise et africaine pendant plusieurs décennies. Il a rendu l’âme lundi 12 décembre 2022 à l’hôpital Laquintinie à l’âge de 74 ans. Des hommages viennent de toute part.
Ekambi

 

 

Une fois le portail franchi, une grande affiche retient l’attention au domicile des Ekambi au quartier Akwa à Douala ce mardi 13 décembre 2022. On a reconnu l’artiste. Toujours bien sapé comme il savait si bien le faire. Dans la cour, des musiciens et proches sont assis sur des chaises. Ça discute à voix basse. Des concerts de pleurs ont droit de citer à l’arrivée de certains membres de la grande famille. Puis, un petit calme apparent s’installe à nouveau. Depuis la véranda, on peut apercevoir la maman d’Ekambi Brillant, l’âge avancé, vautrée dans un fauteuil en plein milieu du salon. De sa position, Epenye Ekambi Claire, 98 ans, a un œil sur tous ceux qui pénètrent dans la concession familiale  aujourd’hui. Mais elle ne verra plus rentrer son fils Ekambi Brillant qu’elle appelait affectueusement « mon mari ». L’artiste s’est éteint le 12 décembre 2022 à l’hôpital Laquintinie de Douala à l’âge de 74 ans.

On savait la santé de « Mot’a Muenya » (l’homme célèbre, l’homme important en duala) très fragile depuis de nombreux mois. De folles rumeurs sur les réseaux sociaux avaient vite fait d’annoncer son décès à plusieurs occasions. Mais Ekambi Brillant, qui se plaignait régulièrement d’atroces douleurs au dos à ceux qui venaient aux nouvelles, restait toujours très confiant sur son lit de maladie. Il promettait à chaque fois un retour prochain et triomphal sur la scène. Lors de sa récente évacuation sanitaire, alors qu’il était visiblement mal en point, l’auteur de « Musoloki » avait indiqué au téléphone à un reporter du Jour que tout ira bien. Et d’ajouter qu’il avait en projet imminent de se mettre dans un de ses « 31 », d’arborer sa nouvelle montre de marque Rolex et de se rendre à Limoge dans sa limousine pour aller donner un spectacle.

 Une discipline de vie

Oui l’élégance, la danse et le verbe sont des identifiants de ce vétéran du makossa au Cameroun. Si certains y voyaient un monsieur frimeur, extravaguant ou vantard, pour Joseph Marie Debalois, l’attaché de presse de l’artiste depuis 43 ans, Ekambi Brillant était plutôt quelqu’un de très méticuleux. « Quand tu as rendez-vous avec lui à 15h, s’il ne t’a pas vu à 15h10 il est parti. Il ne buvait pas d’alcool. Dieu seul sait pourtant qu’il était dans tous les grands cocktails de ce monde », relate-t-il. C’est que Ekambi Brillant s’était lui-même imposé une certaine discipline. Debout à 4h du matin, il faisait du sport jusqu’à 6h. Il se mettait ensuite à la lecture de sa bible, puis il jouait de la guitare. En quête de perfection, il répétait souvent devant son miroir. « Quand il sort de la maison, c’est pour aller faire son métier, jouer de la musique. Quand il n’a rien à faire, il est chez lui. Il savait ce qu’il voulait. Il était très perfectionniste », confie J. M. Debalois qui l’a longtemps côtoyé.

Au plus fort de la crise au coronavirus, Ekambi Brillant restait toujours très attaché à sa musique. Il passait ses journées confinées à écrire de nouvelles chansons pour un album avenir. Son projet de mettre sur pied la Fondation Ekambi Brillant n’aura pas eu le temps d’éclore véritablement. La mort a eu raison de l’artiste avant sa concrétisation. Ledit projet, tel que conçu par l’auteur de « Mouna Mouto » est un élan de cœur pour la jeune génération, afin qu’on découvre d’autres vrais talents au Cameroun. Après 51 ans de carrière musicale, à côté du riche héritage immatériel, il entendait laisser un héritage physique à la postérité et contribuer à l’essor de jeunes artistes musiciens.

 L’école non, la musique oui

Né le 18 juin 1948 à Douala, Ekambi Brillant de son vrai nom Ekambi Ekambi Louis Brillant passe son enfance avec ses grands-parents maternels sur l’ile de Djébalé. Ici, il se familiarise avec la musique en écoutant les piroguiers chanter lors de leur retour de mer. Ekambi n’a pas véritablement la tête aux études. Il passe néanmoins son concours d’entrée en 6ème au lycée général Leclerc en 1962. Ici, le professeur de musique d’origine française, Zane Daniel, lui donne davantage les premiers rudiments. Le petit Ekambi apprend particulièrement à jouer de la guitare. L’amour pour la musique est fort. Alors qu’il n’a que 18 ans, l’artiste en herbe fait déjà le tour de certains cabarets de Douala, au point de ne plus retourner faire l’école.

La pression familiale n’y change rien. Le troisième enfant d’une fratrie de onze poursuit sa destinée. En 1971, alors âgé de 23 ans, il arrête ses études, en classe de Seconde et intègre l’Orchestre  »Les Crack’s » comme Guitariste. Ils jouent régulièrement au night-club ‘’Le Domino à Douala’’. Lauréat du concours de la Musique lancé par l’Office de Radiodiffusion Télévision Française (ORTF) dont le jury était composé, entre autres de Manu Dibango et Francis Bebey, ce prix lui donne la possibilité d’enregistrer son tout premier disque 45 tours intitulé  »Jonguele Ndolo ». 20 000 ventes. Le second 45 Tours arrive en 1972. Le bassiste camerounais Jean Dikoto Mandengue lui permet de rencontrer des grands producteurs comme Philips/ Phonogram. L’album Africa Oumba suit en 1975 avec la célèbre chanson « Elongui » qui sera reprise dans plusieurs langues à travers le monde. L’album enregistre quatre millions de ventes environ.

 Marthe Zambo, Angélique Kidjo …

Avec près de 20 albums à son actif, Ekambi Brillant a également contribué à faire briller plusieurs autres artistes de renom. On peut citer entre autres, Marthe Zambo, Angélique Kidjo, Cella Stella, Aladji Touré ou Valéry Lobé. Il reste une des pièces maitresses de l’équipe nationale du Makossa. Un rythme qu’il a valorisé et promu à travers le monde. Grâce à la musique, Ekambi Brillant a visité près de 60 pays dans le monde. L’artiste a reçu le disque de diamant de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) en 2013. Il a été décoré de la Médaille de Commandant de l’Ordre National de la Valeur par le Chef de l’État le 3 avril 2009.  Et en 2016, il est élevé au rang de commandeur de l’ordre national de la valeur de classe exceptionnelle. Depuis 22 ans, le cœur de ce crooner vibrait pour sa femme Esther Dorcas qu’il a rencontrée en 2000.

Mathias Ngamo Mouendé


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