De l’inadéquation des systèmes de drainage à la négligence environnementale, l’environnement urbain lui-même devient propice à la reproduction de l’agent vecteur de la maladie.
Dans le secteur populaire de « rails Manguiers », situé dans l’arrondissement de Yaoundé 1, une modeste maison en planches se dresse au fond de la rue. Devant cette maison, une flaque d’eau sombre et stagnante s’étend à quelques pas de la porte centrale. Ce réservoir d’eau immobile, résultat des activités quotidiennes de la famille telles que la vaisselle et la lessive, présente une couleur noire qui en fait un environnement propice à la prolifération des larves de moustiques. Ainsi, cet endroit est devenu un foyer idéal pour leur reproduction, entraînant la propagation de maladies telles que le paludisme. On y observe une multitude de larves à l’intérieur. La petite fille de la famille est d’ailleurs en convalescence, étant soignée pour le paludisme.
Eaux stagnantes, urbanisme anarchique …
La mère est bien consciente des raisons de la prolifération des moustiques : les eaux stagnantes ; mais elle ne sait pas comment empêcher l’eau de stagner. « Nous n’avons vraiment pas un endroit où nous pouvons verser nos eaux », justifie-t-elle. Elle n’est pas la seule dans cette situation. Dans ce quartier, les ruelles sont parsemées de flaques d’eau stagnante, témoignant d’un système de drainage défaillant et d’une négligence environnementale. « Les eaux stagnantes sont toutes eaux qui ne s’écoulent pas du fait qu’elles sont piégées dans des dépressions (creux, point bas avec des pentes nulles)», explique l’ingénieur hydraulicien, sous-directeur de l’Environnement et du Développement Durable à la Communauté urbaine de Yaoundé, Stanislas Joël Mvondo Ayissi. Le lieu-dit « rails Manguier » est un exemple parmi tant d’autres de la prolifération des moustiques à Yaoundé et dans tout le Cameroun. Face à cette réalité, certains résidents se demandent à quoi servirait le nettoyage de leur environnement, exprimant leur sentiment que leur protection dépend finalement de la volonté divine en disant : « On va même nettoyer ici que ça va donner quoi ? C’est Dieu qui nous garde ». Une autre dame affirme : « Nous sommes des locataires. On a trouvé qu’on a construit des maisons sans prévoir où on doit verser de l’eau. Du coup, on verse nos eaux devant nos portes ou derrière, mais la distance n’est pas importante et ça ne circule pas ». Selon l’ingénieur hydraulicien, sous-directeur de l’Environnement et du Développement Durable à la Communauté urbaine de Yaoundé, Stanislas Joël Mvondo Ayissi, cela est dû au désordre urbain. « Les causes des eaux stagnantes sont multiples et fonction de plusieurs éléments et conditions. C’est ainsi que nous allons présenter quelques causes, car la liste ci-dessous ne saurait être considérée comme exhaustive. Il y a l’urbanisation anarchique et non planifiée qui crée des zones de stagnation d’eau, qui constituent des gîtes potentiels pour la prolifération des moustiques vecteurs du paludisme. Le manque de civisme de la population, qui se traduit par une mauvaise gestion des déchets solides et liquides, contribue également à l’apparition de ces eaux stagnantes propices à la reproduction des moustiques », explique-t-il. Et de poursuivre : « Par ailleurs, les insuffisances observées dans les documents de planification et d’aménagement, ainsi que leurs difficultés de mise en œuvre, limitent la capacité des autorités à anticiper et à s’adapter aux évolutions de l’environnement. Cette non maîtrise des interactions entre les différents éléments de l’environnement rend plus complexe la lutte contre la propagation du paludisme ».
Les « Supers guerriers » de rails Manguiers
Awa, sa famille et leurs voisins de rails Manguiers vivent dans une crainte constante des moustiques, qu’ils ont ironiquement surnommés les « supers guerriers », à l’image du personnage de Sangoku dans la célèbre série de mangas Dragon Ball Z. Ils racontent comment ils sont fréquemment réveillés par les bourdonnements des moustiques et comment ils vivent dans la crainte constante de contracter la maladie. Maman Virginie fait face à deux cas de paludisme chez elle : ses deux petites filles âgées de 6 et 8 ans. Elle confie : « Elles suivent déjà le traitement ». Dans les parages, un centre de santé enregistre beaucoup de cas de paludisme, selon les infirmiers rencontrés. Ces petits insectes volants semblent défier les notions de temps et d’espace, piquant à tout moment de la journée. Charles explique ce phénomène en déclarant : « L’évolution de leur comportement est surprenante. On ne comprend plus le comportement des moustiques à Yaoundé. Certaines espèces ne piquent que la nuit à l’intérieur des maisons, d’autres piquent pendant la journée ou au crépuscule à l’extérieur », comme c’est le cas dans le quartier où il vit, Mballa 2.