Il est 13h 10 mn lorsque les vrombissements d’une pelleteuse alertent les populations entassées le long de l’entrée de la chefferie Nkol Etam à Mbankolo dans l’arrondissement de Yaoundé 2ème. Cet itinéraire est devenu un lieu de pèlerinage en cette journée ensoleillée du 9 octobre 2023. Les ronflements de la pelleteuse ont du mal à étouffer les cris des hommes et femmes qui pleurent les leurs en ce lundi noir. Avec l’arrivée de cet engin, l’espoir de retrouver les disparus renait. Marie Antoinette habitante du coin a du mal à faire le récit du drame. Cette jeune fille a perdu ses trois voisins tous membres d’une même famille qui vivaient dans leur maison construite sur cette zone accidentogène : « Je suis arrivée sur les lieux du drame vers 22h et les eaux étaient partout en ce moment on ne pouvait rien voir. Les morts étaient coincés dans les décombres. Il y a les gars volontaires qui ont décidé d’entrer dans les eaux pour fouiller les victimes », explique la jeune fille. Un éboulement survenu dimanche soir entre 19 h et 20h affiche 27 morts selon les sources officielles. Le chiffre communiqué par les sapeurs-pompiers ne fait pas l’unanimité auprès des riverains. Certains habitants du coin parlent d’au moins une quarantaine de morts. Du moment où le drame survient jusqu’hier à 13h, il n’était pas possible de voir si d’autres cadavres étaient coincés sur les décombres faute d’un engin adapté pour la cause. Les jeunes gaillards du coin âgés entre 20 et 30 ans ont entrepris de faire les fouilles avec les pioches et les pèles bêches pendant toute la matinée, sans un résultat efficace. Avec l’arrivée de la pelleteuse, les recherches des disparus vont enfin débuter en présence des sapeurs-pompiers, des policiers, des gendarmes.
30 maisons ensevelies
Le lieu du drame dévoile le visage de l’horreur en pleine capitale politique. Plus de 30 domiciles ensevelis par la fureur des eaux. Il faut s’armer d’un courage pour traverser des décombres noyés. Les effets vestimentaires des victimes, les objets ménagers et plusieurs autres biens sont noyés dans les eaux du lac. Ces images indiquent l’ampleur du drame qui vient de plonger plusieurs familles dans la tristesse et la désolation. Patrice est un rescapé du drame. Il ne sait plus exactement où se trouvait son domicile dans ce secteur dont l’accès reste difficile pour les piétons ainsi et quasiment impossible pour les véhicules : « Tous mes voisins sont morts, je me trouvais au carrefour lorsque le drame est survenu », explique-t-il.
Ulrich Tankeu, un étudiant est sans voix et son téléphone ne cesse de sonner. Il n’a toujours pas les nouvelles de sa grande sœur Sylvie Manefokam. Cette dernière était pourtant chez elle pendant l’hécatombe. Dans le domicile de Sylvie Manefokam, l’on a retrouvé le corps de son fils. Selon les riverains, l’éboulement a été causé suite à la rupture d’un mur construit autour du lac : « Ce lac existe ici depuis plus de 70 ans. Les allemands ont construit un mur qui orientait les eaux. Il se trouve alors que ce mur a lâché dimanche dans la nuit pendant qu’il pleuvait », explique un habitant.
Parmi les victimes, plusieurs femmes enceintes et les jeunes enfants. Le drame est survenu pendant que les enfants célébraient un anniversaire dans l’un des domiciles. « Notre voisin André avait l’anniversaire de son fils. Il y a les enfants venus de plusieurs quartiers qui sont morts pendant la célébration de cet anniversaire. Dans cette maison, environ dix corps ont été retrouvés », affirme un riverain. Une jeune fille habitant le quartier Dragages a trouvé la mort pendant qu’elle se trouvait dans la chambre de son petit ami.
Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale et Célestine Ketcha Courtés, le ministre de l’Habitat et du Développement Urbain sont allés hier sur les lieux du drame pour s’enquérir de la situation. Les riverains déplorent quelques défaillances dans la gestion du drame survenu à Mbankolo. Les premiers secours sont arrivés autour de minuit. La recherche des disparus a commencé plus de 12 heures après le drame et aucun fichier des victimes n’était encore disponible jusqu’hier à 14h. Plus de dix blessés sont pris en charge à l’hôpital central de Yaoundé.
En l’espace d’un an, plus d’une quarantaine de personnes ont péri dans un glissement de terrain dans la capitale politique Yaoundé. Ce drame survient après un autre enregistré le 27 novembre 2022 au quartier Damase à Yaoundé. Un éboulement avait fait 15 morts et plusieurs blessés graves.
L’Ordre national des architectes entend collaborer avec les autorités dans les aménagements urbains réglementaires qui respectent les normes. Ils se proposent aussi d’apporter leur expertise pour déterminer les raisons de cet éboulement afin d’éviter que cela ne se reproduise.