Les avocats de la jeune fille tuée par balle par l’autorité administrative appellent au respect de la loi et dénoncent ce fonctionnement qui dévoile le rôle trouble de certains magistrats à protéger les forts au détriment des faibles
Les avocats de la famille de Solange Lydienne Taba sont en colère. Une exacerbation synonyme d’un sentiment de frustration de certaines personnes qui estiment qu’au Cameroun, la justice est toujours du côté des « forts », qu’ils aient raison ou pas. Au cours d’une audience ce 4 octobre 2023 au tribunal militaire d’Ebolowa, un avocat de la partie civile a exprimé son mécontentement suite à un traitement de faveur réservé à l’autorité administrative, poursuivie pour meurtre de la jeune étudiante de 23 ans. Solange Lydienne Taba, est la jeune fille qui a été tuée par balle dans la nuit du 25 au 26 juillet 2020 alors qu’elle se trouvait au domicile de Frank Derlin Ebanga Eyono, sous-préfet de la Lokoundjé dans le département de l’Océan, région du Sud au moment des faits. Le drame est survenu dans la ville de Kribi alors que la jeune fille se trouvait au domicile de celui qu’elle considérait comme étant son petit ami. Trois années après cet incident qui a coûté la vie à la jeune fille enceinte de 11 semaines, la famille de la victime continue d’attendre que justice soit faite. On pouvait comprendre qu’on évoque les lenteurs judiciaires comme blocage à la manifestation de la vérité, mais ce qui est plus grave c’est le flou sur le statut judiciaire du présumé meurtrier.
Selon Me Albert Oyié, Me Albert Oyié, membre du Collectif des avocats Collectif Universel Lawyers and Human Rights Defense constitué pour soutenir la famille de la victime a constaté lors de la dernière audience que le présumé meurtrier n’est pas en prison. Selon l’avocat, l’ancien sous-préfet de la Lokoundjié remplacé à son poste de travail depuis septembre 2020 par décret présidentiel, se balade librement dans la ville d’Ebolowa. L’avocat dit avoir constaté que le nom de l’ancien sous-préfet ne figurait pas dans la liste des prévenus extraits de la prison d’Ebolowa ce jour pour assister à l’audience. « j’ai interpellé la présidente du tribunal qui m’a fait comprendre que ce monsieur bénéficiait d’une surveillance judiciaire, raison pour laquelle il n’est pas en prison », affirme l’avocat qui précise que cette mesure de surveillance judiciaire est contraire aux dispositions de l’article 224 du code de procédure pénal qui ne permettent pas de mettre en surveillance judiciaire les personnes accusées de meurtre et de crimes passibles de peine de mort ou d’emprisonnement à vie. Une attitude des magistrats qui met en cause l’impartialité, la neutralité et l’indépendance du système judiciaire camerounais.
Depuis le meurtre de Solange Lydienne Taba, les avocats de la défense ont toujours dénoncé le fait que le sous-préfet était protégé dans les locaux d’une unité de gendarmerie. Ce n’est pas la première supercherie dénoncée par les avocats. Après le meurtre de la jeune fille, une première instruction judiciaire avait été ouverte et le juge d’instruction avait décidé de qualifier les faits à « homicide involontaire ». Avec cette qualification, la défense voyait une manière pour la justice de montrer que l’acte ayant conduit à la mort n’avait pas été prémédité. Suite aux contestations des avocats, une seconde requalification des faits a eu lieu, laquelle a abouti le suspect comparait pour meurtre et assassinat. C’est depuis le juin 2023 que cette affaire est devant la barre au tribunal militaire d’Ebolowa.