Cameroun – Sport : Fécafoot, Coq Sportif, One All Sport : quels sont les enjeux ?

Godasse

L’actualité au Cameroun est occupée par la question de la rupture du contrat entre la Fécafoot et son équipementier Coq Sportif. Nous allons essayer de démêler cet écheveau à travers un certain nombre de questions : C’est quoi un contrat de sponsoring ? Que gagne un équipementier ou une entreprise dans un contrat de sponsoring? Comment analyser le litige Fécafoot/Coq Sportif et le choix One All Sport? Quelle approche pour la rupture du contrat en cours et quelles solutions avant la Coupe du monde? Et bien entendu jeter un regard sur la planète foot-business qui désormais est un aspect incontournable de l’économie mondiale.

Qu’est-ce qu’un contrat de sponsoring ?

Un contrat de sponsoring est la relation contractuelle qui lie une entreprise à une équipe, un champion ou un évènement avec comme objectif d’associer son nom à ces derniers. Dans le langage marketing, l’équipe, l’évènement ou le champion est désigné sous le terme de propriété et l’entreprise qui apporte la contre financière est le sponsor.

Si nous prenons l’exemple de la Fédération camerounaise de football qui détentrice des droits marketing de l’équipe nationale du Cameroun, les Lions indomptables, elle peut décider  en contrepartie de moyens financiers de céder l’utilisation de ces droits à une entreprise tierce. En général les contrats de sponsoring fonctionnent avec des exclusivités par secteur d’activité – Télécoms, Soft Drinks, Services financiers, Paris sportifs, Automobile… – afin d’éviter que des entreprises concurrentes ne se retrouvent avec les mêmes propriétés au risque de brouiller les messages destinés aux fans.

Que gagne un équipementier ou une entreprise dans un contrat de sponsoring ?

La Fédération camerounaise de football est détentrice des droits marketing sur les Lions indomptables : droits d’image, la dénomination de l’équipe nationale du Cameroun : les Lions indomptables, du logo de la Fédération camerounaise de football, de l’emblème symbolisant les Lions indomptables, la tête de lion stylisée que l’on voit sur les maillots des Lions indomptables… Ainsi, l’entreprise ou l’équipementier à qui la Fécafoot cède, en contrepartie d’une contribution financière, les droits marketing reçoit le droit d’associer à sa marque,  pour une période déterminée, à l’image des Lions indomptables. Elle peut ainsi utiliser ces derniers comme vitrine pour ses produits et sa marque. Le sponsor pourra ainsi se servir de l’équipe ou du champion pour des opérations commerciales – rencontres avec des clients ou des campagnes de communication publicitaires.

Les équipements et autres matériels fournis par le sponsor sont également valorisés et sont partie intégrante du contrat. Le montant des contrats de sponsoring est très souvent lié à la capacité de la propriété (l’équipe ou du champion) à créer du trafic autour de la marque notamment par la vente des répliques des maillots, de chaussures et autres produits dérivés. Des marques majeures dans le domaine du football comme Nike ou Adidas, tablent, dans le cadre de la coupe du monde de football, sur des projections de vente de l’ordre de 300 à 500 mille répliques des maillots par équipe sponsorisée.  Avec un maillot vendu à 80 euros en moyenne, on est dans une fourchette de 24 à 40 millions d’euros de revenus générés. C’est ici que se situe le vrai enjeu de la relation commerciale: La vente des répliques et autres produits dérivés des équipes, la capacité à créer de la valeur.

On peut apporter une nuance à ce volet de création de la valeur dans notre environnement direct. Les activités de contrefaçon que l’on observe autour des maillots des Lions indomptables n’ont jamais véritablement permis au différents équipementiers de tirer leur épingle du jeu sur les ventes des répliques et produits dérivés. Les opérations de sponsoring des équipementiers, en Afrique, se révèlent être, à ce stade, uniquement des opérations d’image.

Comment analyser le litige Fécafoot-Coq Sportif et le choix One All Sport ?

A l’analyse de quelques faits posés ces dernières semaines par la Fécafoot (choix de One All Sport, sélection d’un distributeur avec entre autres missions dans le cahier des charges «La capacité et le volume de commande initiale et… la stratégie de limitation de la contrefaçon », il est presque clair que le choix de la Fécafoot semble être de se battre sur le terrain des contrefacteurs afin de leur couper l’herbe sous les pieds. Ainsi, il se dessine très clairement que l’enjeu dernière la rupture du contrat entre la Fécafoot et Coq Sportif et le choix de One All Sport cache d’abord et avant tout une affaire économique: le contrôle de la vente des répliques des maillots officiels.

Au Nigeria par exemple, après la signature du partenariat entre la Fédération nigériane de football et l’équipementier Nike, cette dernière a sollicité l’appui du gouvernement nigérian pour mettre un terme aux activités de contrefaçon qui avaient cours à grande échelle. Ceci afin de permettre que la Fédération et son partenaire puisse tirer tous les bénéfices de leur partenariat.

 

Quelles solutions pour la rupture du contrat en cours et quelle solution avant la Coupe du monde ?

N’étant pas avocat d’affaires ou spécialiste du droit des contrats, il serait difficile de donner une approche directive de solution pour la rupture de ce contrat.

Toutefois en analysant les contraintes liées à la mise en place d’un contrat de sponsoring ce type, on peut constater que la marge de manœuvre de la Fécafoot est assez réduite, mais le challenge à relever peut être pas impossible.

Les équipements des équipes qui participent à la Coupe du monde de la FIFA au Qatar doivent passer par un processus d’homologations très strictes et ce dernier est déjà engagé. Les maillots domicile et extérieur de la majorité des équipes sont connus. Ensuite il faut envisager la production des équipements en quantité et en qualité pour l’équipe participante et dans les délais.

Il faut également penser à la production des maillots pour les supporters, les répliques. Ces derniers doivent être fabriqués, transportés, ils doivent franchir les étapes des contrôles douaniers avant d’être distribués auprès des grossistes ou des détaillants chargés de les écouler. Toutes ces étapes semblent assez difficiles à effectuer quand on sait que les différentes usines du monde en matière de textile (Chine, Vietnam, Thaïlande, Pakistan…) ont leurs usines qui doivent tourner à plein régime pour finaliser les commandes des marques leaders Nike, Adidas, Puma et autres en prévision de la coupe du monde la FIFA qui s’ouvre au Qatar le 21 novembre prochain.

Donc qu’à ce stade la meilleure option serait, peut-être, de trouver un terrain d’entente avec le précédent équipementier et se projeter pour la suite, après la Coupe du monde, avec le nouveau partenaire. Cela donnera le temps à la Fécafoot et à son partenaire de déployer plus sereinement leur stratégie.

A ce propos, un acteur de longue date de cette industrie suggère des pistes intéressantes. Il propose, sur la base de son expérience, de signer des contrats de franchise avec deux importateurs grossistes. Ensuite d’affilier des distributeurs officiels par zone de chalandise et de mettre la douane à contribution pour filtrer les entrées en fonction des licences et agréments. Ainsi donc, les grossistes pourraient investir dans l’achat des équipements tels : brodeuses, découpes lasers, presse à sublimation et les machines de couture professionnelles. Importer dans un premier temps du personnel temporaire du Pakistan, de Chine, ou du Vietnam pour former les locaux. Ainsi, à l’économie d’échelle le seuil de rentabilité pourrait être atteint au bout de 2 ans.

 

Encadré

Le foot-business toujours et encore plus d’argent dans le football africain

Le Foot-Business tarde encore à décoller en Afrique. Les investissements des acteurs de l’économie dans ce sport qui passionne tous les 1.2 milliards d’habitant du continent tardent encore à éclore pour atteindre les niveaux observés en Europe. Toutefois l’afflux de sponsors observés lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations qui s’est jouée au Cameroun donne quelques lueurs d’espoir. La CAF a ainsi annoncé que l’évènement avait enregistré un milliard de vues sur TikTok, 900 millions d’impressions sur toutes les chaînes, 2,8 millions d’heures de visionnage sur les chaînes YouTube le jour de la finale… Ainsi cette compétition était sans doute, l’un des événements les plus suivis dans le monde en début d’année 2021, faisant ainsi de cette plateforme le vecteur idéal pour communiquer avec les fans de foot.

Même si la CAF garde bien secret les montants de ses contrats de sponsoring, on peut imaginer à la lumière des évolutions et innovations qu’elle a initié ces derniers mois que les choses vont plutôt bien. Tenez le money prize de la Ligue africaine des champions a connu une augmentation de 41% passant de 12.5 à 17.6 millions de dollars. Celui de la Coupe de la CAF une augmentation de 55% passant de 6.375 à 9.9 millions de dollars. Pour la CAN 2021, le money prize est passé de 24.8 à 26.650 millions de dollars soit une croissance de 7%. La CAN féminine quant à elle connait une explosion dans la dotation de son money prize de 146%. Il passe de 975 mille à 2.4 millions de dollars. Autre projet qui donne une idée des ambitions en matière de foot business de la CAF celui de la Super Ligue Africaine qui sera doté de 100 millions de dollars. Le fonds constitué autour de cette compétition prévoit également une dotation de 1 million de dollars pour les Fédérations membres de la CAF et une dotation de 50 millions pour la CAF. Ce qui laisse penser que cette nouvelle compétition va générer plus de 200 millions de dollars en sponsoring et droits de télévision. Il est désormais clair que le sponsoring est devenu, au cours de la dernière décennie, la principale source de revenus des clubs de football.

Du côté des sélections africaines, même si l’on ne communique pas beaucoup sur les chiffres l’indiscrétion récoltée au sein de La Fécafoot situait la contribution financière de Puma aux Lions indomptables à environ 2 millions d’euros par an (1.3 milliards de Fcfa). Les autres Fédérations africaines de l’escarcelle de Puma se situant en dessous. Le refus de Puma de reconduire son contrat de sponsoring avec les Fécafoot aux mêmes conditions que les précédents futs la raison de la rupture. Quant au Coq Sportif les indiscrétions indiquent que sa contribution financière se situait à environ à 500 mille euros (350 millions de Fcfa). Somme jugée insuffisante par l’actuel exécutif de la Fécafoot.

Dans l’univers du foot business, il existe une constante. Les équipementiers majeurs se battent pour les sélections les plus titrées au palmarès de la FIFA ou de L’Euro : Brésil, Allemagne, France, Espagne, Argentine sont les préférés… Sur ce segment, l’équipementier américain Nike fait la loi. Il aura par exemple 13 sélections en compétition lors de la prochaine Coupe du monde de la FIFA. Les équipementiers allemands Adidas et Puma suivent à bonne distance avec 6 sélections chacun.

Ici la compétition pour les meilleures sélections est très féroce. Nike a par exemple a délogé Adidas de la Fédération française de football avec un chèque de près de 50 millions d’euros par an, pour la période 2018-2026, contre 10 millions que proposait l’allemand. Les Bleus se situent au même niveau que La Mannschaft qui reçoit également 50 millions d’euros d’Adidas. Le Brésil quant à lui est sur un contrat de près de 200 millions d’euros sur 10 ans avec Nike. Ainsi va la planète foot business où les critères de succès semble définitivement être tenus à la qualité de l’organisation, aux performances, à l’attractivité des propriétés et à la capacité à générer des revenus. On parle bien de business.

Bouba Kaele 

andal

Author: andal

Commenter

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs requis sont indiqués *


A Propos

Le jour est un quotidien d’informations générales fondé en 2007.
« Faire voir, faire savoir, faire parler, faire comprendre » est le leitmotiv de ce journal qui insiste sur une information vérifiée, sourcée et documentée. Une large place est donnée à l’information économique et sportive. Un soin particulier est accordé aux portraits et le but final est d’apporter sa « patte » à l’écriture de « l’odyssée camerounaise ».

NOUS CONTACTER

NOUS APPELER



Newsletter

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez des infos exclusives.



    Catégories


    andal
    Author: andal