Investigations

Affaire Glencore : la Conac enquête

Cette instance chargée de lutter contre la corruption confirme avoir officiellement été saisie par l’alerte lancée par Me Akere Muna.
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C’est l’affaire qui secoue le landernau politique depuis quelques semaines. Deux entreprises publiques du Cameroun, à savoir la Sonara et la Snh sont citées dans une affaire de pots-de-vin épinglant la multinationale anglo-suisse de négoce de matières premières et d’exploitation minière devant les tribunaux britannique et américain. Ce qu’il convient d’appeler l’« affaire Glencore » met au goût du jour un gros scandale de corruption au-delà de la sous-région.

Moins d’un mois après, le gouvernement n’a fait aucune sortie pour éclairer l’opinion sur la question. Pourtant, l’affaire fait grand bruit. Mais sur le terrain, les enquêtes sont en cours afin d’y voir clair car la Commission nationale anti-corruption (Conac) a été saisie officiellement. L’information vient d’être confirmée par un membre de la cellule de communication de cet organisme. L’alerte lancée par l’ancien Bâtonnier, Akere Muna, pourrait révéler l’étendue de ce scandale financier au niveau local. Le rapport des enquêteurs est très attendu car Glencore a déjà plaidé coupable.

Au parlement, l’honorable Joshua Osih avait d’ailleurs demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de faire la lumière sur ce ‘’dossier noir’’. « Mon but en déposant une demande de résolution pour une enquête parlementaire n’est pas nécessairement pour que les gens aillent en prison. Je pense que le peuple a été spolié dans cette affaire. Glencore et tous les complices doivent apporter des réparations à hauteur du montant sinon le double avec des pénalités. Je pense que le seul chemin pour y arriver c’est le parlement ».

Le peuple a été spolié

Il ne s’agit pas d’une enquête criminelle mais plutôt d’une enquête parlementaire, souligne le député. « On veut savoir combien est-ce que le peuple camerounais a perdu. On a des moyens au niveau du parlement. Nous sommes une institution régalienne. On peut aller contraindre Glencore d’aller payer des réparations à l’Etat du Cameroun ». En attendant de voir jusqu’où ira l’Assemblée nationale, la Commission nationale anti-corruption, selon nos sources, mène ses investigations sur le terrain afin d’établir les responsabilités des uns et des autres.

Pour mémoire, l’article 2 du décret du 11 mars 2006 qui crée la Conac indique que, la Commission nationale anti-corruption est un organisme public indépendant placé sous l’autorité du président de la République, dont la mission essentielle est de contribuer à la lutte contre la corruption.

Elle a notamment pour missions : de suivre et d’évaluer l’application effective du plan gouvernemental de lutte contre la corruption ; de recueillir, de centraliser et d’exploiter les dénonciations et informations dont elle est saisie pour des pratiques, faits ou actes de corruption et infractions assimilées ; de mener toutes études ou investigations et de proposer toutes mesures de nature à prévenir ou à juguler la corruption ; de procéder, le cas échéant, au contrôle physique de l’exécution des projets, ainsi qu’à l’évaluation des conditions de passation des marché publics …

Solière Champlain Paka

 

 

Ces 7 milliards FCFA versés à la Snh et à la Sonara

Affaire Glencore Plc. Le négociant suisse en matières premières a révélé ces chiffres devant les tribunaux britanniques mardi dernier. Il sera fixé sur son sort le 02 novembre prochain.

Chaque jour qui passe apporte son lot de révélations dans l’affaire qui oppose la justice britannique à la firme internationale Glencore Plc qui est au banc des accusés. Mardi, 21 juin 2022, le négociant anglo-suisse en matières premières a fourni un peu plus de détails et de précisions sur les transactions maffieuses qu’elle a opérées pendant près de cinq années d’affilée avec ses interlocuteurs, ou plutôt ses partenaires d’affaires basés au Cameroun, en Guinée Equatoriale, en Côte d’Ivoire, au Nigéria ou encore au Soudan du Sud.

Sans compter les frasques similaires commises par ce même trader en République démocratiques du Congo (Rdc) et dans certains pays de l’Amérique latine, à l’instar du Venezuela de feu le président Hugo Chavez. Pour le cas du Cameroun, par exemple, l’on apprend que la multinationale aux services diversifiés leur a versé jusqu’à 10 532 712 d’euros, soit 6 846 262 800 de francs CFA à l’effet d’« inciter des fonctionnaires de la Société Nationale des Hydrocarbures et de la Société Nationale de Raffinage à favoriser les opérations de Glencore au Cameroun », d’après les propos de l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun, maître Akere Muna, ancien président national de Transparency International Cameroun, homme politique et candidat démissionnaire à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018.

Le montant de ces opérations frauduleuses avoisine donc sept milliards de nos francs. De quoi susciter le courroux du juriste camerounais, qui suit de près cette affaire depuis la publication d’un article y afférent dans les colonnes du Financial Times de Londres, le 24 mai 2022. « Trop c’est trop ! », s’emporte l’avocat au barreau du Cameroun dans un tweet qui fait suite aux révélations fracassantes de Glencore. « Ce 21 juin, à Londres, Glencore a plaidé coupable de sept chefs d’accusation de corruption. Elle admet avoir versé à la Snh et à la Sonara 10 532 712 euros (soit 6 846 262 800). La condamnation aura lieu le 02 novembre prochain. Cameroun quoi d’autre faut-il savoir pour agir ? », poursuit l’homme de loi qui, par ailleurs, a officié il y a quelques années comme vice-président international de l’Organisation non gouvernementale Transparency International. L’ancien bâtonnier marque ainsi son indignation après avoir annoncé, pour rassurer l’opinion publique de son pays, qu’il fera d’autres révélations plus détaillées sur cette affaire, y compris les noms des personnalités mises en cause.

La Snh toujours en attente des preuves

En confirmant son plaider-coupable devant la justice britannique pour des faits de corruption dans le cadre d’opérations pétrolières dans les cinq pays ci-dessus énumérés, Glencore Plc prend ainsi le contre-pied des autorités camerounaises qui, via un communiqué rendu public par la Société nationale des hydrocarbures (Snh), avait affirmé ne rien savoir au sujet de l’affaire de corruption dans laquelle les noms de deux entreprises publiques de notre pays sont cités. La Snh indiquait alors qu’elle avait saisi les autorités judiciaires des pays où Glencore fait l’objet de procès afin qu’elles lui fournissent plus de preuves pouvant établir les faits de corruption reprochés à la Snh et à la Société nationale de raffinage (Sonara), dont on attend toujours que soient révélés les noms des responsables impliqués dans ces actes de corruption qui, à coup sûr, ont fait perdre beaucoup d’argent au contribuable camerounais et à l’Etat.

Les faits se sont produits entre 2011 et 2016. L’on apprend par ailleurs que plus de 28 millions de dollars de pot-de-vin auraient été versés par la filiale Glencore Energy au Cameroun, en Guinée Equatoriale, en Côte d’Ivoire, au Nigéria et au Soudan du Sud. Ce qui correspond à 15 400 000 000F CFA. Un énorme manque à gagner pour ces pays.

Depuis ce début d’année, le groupe Glencore Plc a déjà plaidé coupable aux Etats-Unis et au Brésil, où ses pratiques de corruption avaient des ramifications. Il a d’ores et déjà provisionné 1,5 million de dollars, soit l’équivalent de 825 millions de francs CFA pour le paiement de ses pénalités. Pour le cas du Cameroun et des quatre autres pays africains cités, Glencore Plc sera fixé sur son sort le 02 novembre prochain. Le tribunal va se prononcer sur la culpabilité du trader suisse et fixer probablement les peines et le montant des préjudices.

Une 2ème lettre d’Akere Muna

Hier, mercredi 22 juin 2022, maître Akere Muna a de nouveau saisi le président de la Commission nationale anti-corruption (Conac), une structure parmi tant d’autres créées par le gouvernement camerounais pour traquer les pratiques de corruption au Cameroun.

C’est la deuxième fois en l’espace d’un mois que l’homme public écrit à l’organisme public au sujet des accusations portées contre deux sociétés nationales dont l’Etat est actionnaire. La première lettre avait été déposée au lendemain du compte-rendu d’audience publié par le journal londonien Financial Times. Dans cette première lettre de dénonciation ayant en objet « l’aveu des pratiques de corruption par la multinationale Glencore Plc et les conséquences sur la Sonara et la Snh », l’avocat suggérait à la Conac une enquête pour faire la lumière sur cette affaire.

« Si cela s’avère être vrai, tout le monde peut maintenant voir à quel point le fléau de la corruption a détruit notre pays et compromis l’avenir de jeunes Camerounais innocents. En tant que citoyen engagé dans la lutte contre la corruption depuis plus de deux décennies, je ne peux qu’exprimer mon dégoût », dénonce l’activiste politique, par ailleurs militant des droits de l’homme. Dans la foulée, des hommes politiques avaient pris leur plume pour dénoncer ce fléau de la corruption devenu presqu’endémique au Cameroun. Le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), le Professeur Maurice Kamto, par exemple, avait exigé « un audit général et indépendant de tout le circuit de production, vente, importation et stockage des produits pétroliers au Cameroun ».

Une filière qui, en 2018, représentait un peu plus de 3% du Produit intérieur brut (Pib), et dont dépendent 41% des exportations nationales.

Les prétentions de la classe politique camerounaise sont d’autant plus fondées que Glencore Plc a promis de payer des amendes allant jusqu’à 934 162 500 000 FCFA pour le tort qu’il a fait subir à des Etats. Mais l’Etat du gouvernement, comme la plupart des autres pays de l’Afrique subsaharienne cités dans cette affaire, n’a jusqu’ici pas manifesté le moindre intérêt quant à d’éventuelles réparations des préjudices que lui ont causés Glencore Plc et des fonctionnaires véreux de la Snh et de la Sonara, bénéficiaires de la corruption et de pots-de-vin versés par la multinationale anglo-suisse. Le gouvernement va-t-il céder aux vœux exprimés par les députés Joshua Osiha et Cabral Libii ou encore par le Professeur Maurice Kamto ? Va-t-il enfin mettre sur pied une enquête parlementaire pour évaluer l’ampleur de la corruption dans le secteur pétrolier au Cameroun et faire payer la note salée aux auteurs de ces actes répréhensibles ? Seul l’avenir nous le dira.

Théodore Tchopa

 

Une gestion pétrolière réputée opaque

Hydrocarbures. La gestion de ces ressources du sous-sol au Cameroun, comme dans nombre d’autres pays francophones, est entourée de flou et d’absence de transparence. En violation de la réglementation.

Que d’anecdotes autour de la gestion des hydrocarbures dans les territoires jadis sous la domination des « empires » franco-britanniques ! L’anecdote la plus couramment racontée, au Cameroun, est celle que l’on impute à un certain Jean Assoumou Mve, autrefois à la tête de l’une des sociétés de souveraineté au Cameroun. C’était au début des années 80. Lorsqu’il eut l’occasion un jour de s’exprimer sur la gestion de la « manne pétrolière », ce qui est une pratique rare, l’ancien patron de la Société nationale des Hydrocarbures (Snh) déclara que seul le président de la République en possédait les clés. En d’autres termes, lui seul était en mesure de s’exprimer sur la valeur réelle de l’attribution des marchés d’exploration ou de forage de champs pétroliers, ou encore sur le prix de cette matière première dont beaucoup d’observateurs reconnaissent qu’elle a longtemps été à la source de la déstabilisation politique de nombre de pays du continent.

On parlait alors de la « malédiction de l’or noir », du diamant, de l’or, du cobalt, de l’uranium, etc. Que la classe politique nationale et la société civile camerounaise, tirant le prétexte du scandale éclaboussant la Snh et la Sonara, se mobilisent aujourd’hui pour exiger que la lumière soit faite sur les passations de marchés d’exploitation des ressources hydrocarbures au Cameroun, est donc en soi chargé de sens. D’autant plus que le pétrole a toujours été considéré comme une ressource de souveraineté. La gestion de cette hydrocarbure est à ce point entourée d’opacité, que d’aucuns ont fini par comparer ce secteur extractif à la Grande Muette. Accablée par les révélations du journal britannique Financial Times, la Snh s’est défendue des faits allégués, affirmant ne pas s’y reconnaitre. Elle soutient même avoir saisi la justice britannique et la justice américaine pour lui demander de fournir les preuves des accusations qui accablent le Cameroun.

Pourquoi la Snh ne s’est-elle pas associée à la démarche des responsables politiques et de la société civile pour réclamer un audit interne indépendant devant permettre l’identification des auteurs des recels de pots-de-vin et en établir les responsabilités ? Là est toute la question. On s’en doute bien que les deux chambres du Parlement, l’Assemblée nationale et le Sénat, accordent le moindre regard ou le moindre intérêt aux requêtes introduites par des leaders de l’opposition, dont Jean-Michel Nintcheu du Social Democratic Front (Sdf), le parti de Ni John Fru Ndi. Pourtant, et là est le paradoxe, l’ouverture d’enquêtes parlementaires sur des situations touchant la vie des citoyens (en l’espèce la gestion du pétrole) fait partie des prérogatives de cette institution qui légifère.

La révélation du scandale Glencore pourrait saper tous les efforts consentis, jusqu’ici, dans la mise en œuvre des directives Itie par le Cameroun.

Comme le souligne Me Akere Muna : « Grâce au dévouement et à la passion de personnes comme le ministre Abah Abah Polycarpe, M. Tchoffo Jean et M. Gregoire Mebada, nous avons pu faire pression pour que le Cameroun rejoigne le processus de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). Le ministre Abah, malgré ce que l’on dirait de lui aujourd’hui, était un partisan convaincu du processus et a même pris la parole à la conférence de Londres. Il était fortement soutenu par le secrétaire général de la présidence de l’époque, M. Atagana Mebara. L’ironie est que les véritables vandales économiques kleptocrates sont en train de narguer le reste des citoyens de la République alors que ceux qui prenaient des mesures concrètes pour protéger un secteur minéral vital sont en prison. » L’opacité entretenue, pas plus que le refus de la mise en œuvre de l’article 66 de la constitution de 1996 sur la déclaration des biens, ne contribueront pas moins à discréditer notre pays.

T.T.

 

 

Solière Champlain Paka

Author: Solière Champlain Paka

Je suis un journaliste passionné par l'écriture et les métiers de la voix. L'humilité me permet d'apprendre, de comprendre et de partager le fruit de mes recherches sans restrictions. Mon éclectisme m'a conduit depuis plusieurs années maintenant, vers les questions Politiques, Culturelles, sportives ...

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