Après la salve du gouverneur du Littoral contre la chaîne de télévision Équinoxe, le président du Conseil national de la communication, dans la foulée, a fait à son tour une sortie, sans citer nommément le moindre médias. Dans une posture de rappel à l’ordre, le président du Conseil national de la communication, s’inquiétant du contexte socio-politique caractérisé par des revendications corporatistes, informe les médias et l’opinion nationale, « que certains médias s’illustrent à travers des émissions à caractère interactif ou des déclarations outrageuses, par la diffusion de propos tendancieux, des jugements inappropriés, de commentaires séditieux et de réactions discourtoises. » Joseph Chebongkeng Kalabubsu se préoccupe d’une pratique défiant, juge-t-il, « toute exigence professionnelle d’objectivité, de pondération et de responsabilité dans le traitement des informations destinées au grand public. »
Redoutant l’aggravation des « situations sociales complexes au sujet desquelles les autorités sont interpellées », le président du Cnc appelle l’attention des professionnels des médias sur la gravité, dit-il, des conséquences qui peuvent naître de la diffusion d’informations ou de déclarations compromettantes à l’encontre de personnes ou des institutions républicaines. Annonçant, in fine, qu’il sanctionnera « sans faiblesse » tout comportement anti professionnel, Joseph Chebongkeng Kalabubsu précise : les sanctions vont de la suspension temporaire à l’interdiction définitive d’activité.
Le communiqué du président du Cnc dénonce des dérives sans les imputer à quelque média
Message essentiel
Il est aisé de deviner que le message essentiel de la communication du président du Cnc est l’annonce de sanctions, dont l’ultime peut aller jusqu’à l’interdiction définitive d’activités. Pour le reste, rien n’est moins sûr. Qui sanctionner ? Que sanctionner ? Difficile d’y répondre, le communiqué du président du Cnc dénonce des dérives sans les imputer à quelque média. Ceci traduit-il, peut-être, la gêne du régulateur d’imputer un comportement anti professionnel spécifique qui n’est pas constitué ? On observe néanmoins le timing du communiqué du régulateur des médias s’articulant à la sortie du gouverneur du Littoral proférant des menaces à l’encontre de la chaîne Équinoxe télévision accusée « d’incitations répétées à la révolte populaire ».
Dans le détail, l’émission Droit de réponse est incriminée, en particulier, d’avoir appelé les enfants et les parents à rejoindre le mouvement d’humeur des enseignants pour déstabiliser les institutions républicaines. Une étrange thèse du complot à laquelle la chaîne Équinoxe télévision n’a pas tardé à répondre : « Dans le cadre de cette émission Droit de réponse et toutes les autres diffusées sur Équinoxe, nous veillons au respect scrupuleux de l’éthique et de la déontologie professionnelle. Et à ce propos, nous n’avons reçu aucune observation éthique et déontologique de la part de l’agence de régulation des médias et du ministère de la communication. Sur le plateau de Droit de réponse, ni le présentateur par ailleurs rédacteur en chef, ni l’éditorialiste dont nous répondons, n’ont appelé à une quelconque mobilisation populaire autour des crises sociales au Cameroun. »
Les dirigeants de la chaine de télévision privée camerounaise basée à Douala, Equinoxe TV, subissent de sérieuses menaces
Exutoire pour le petit peuple
On apprend plutôt de l’Ong internationale Mandela Center, à statut consultatif spécial auprès des Nations unies, que depuis plus d’une semaine, les dirigeants de la chaine de télévision privée camerounaise basée à Douala, Equinoxe TV, subissent de sérieuses menaces de la part du ministre camerounais de l’Administration territoriale, M. Paul Atanga Nji, patron hiérarchique du gouverneur du Littoral.
Or la compétence du ministre de l’Administration territoriale en cette matière fait débat. En matière de police administrative, explique un expert, quand est un secteur est régi par une police administrative spéciale, l’autorité en charge de la police administrative générale s’efface. Le Conseil national de la communication assure la police des médias sur le plan de la déontologie, et , le juge sur le plan pénal. Par ailleurs, Équinoxe est interpelée pour des propos tenus par un panéliste lors d’un » direct » , en quoi cela pourrait engager la responsabilité de la chaîne ? Tout au plus, elle devait être invitée à s’en désolidariser, dit l’expert.
En guise de conseil, ajoute-t-il, « l’autorité administrative n’a peut-être pas connaissance du véritable rôle que cette chaîne joue, comme M. Jourdain, et surtout comme le tabloïd « Krokodil », à l’époque de la grande Urss, un vernis pour la liberté d’expression, et, un exutoire pour le petit peuple. »
Claude Tadjon