Assis à coté du dispensaire Messassi à Yaoundé, André Joel Njoh savoure son plat de riz-sauce arachide dans un restaurant de fortune. Dégoulinant de sueur, ce quarantenaire fait l’objet de tous les regards. « J’ai reçu ces billets au marché après avoir vendu mes régimes de plantains et mes cageots de tomates », explique-t-il. Il est verni d’un regard de ‘’privilégié’’ par ses contemplateurs. Il tient entre ses mains, les nouveaux billets de « type 2020 » mis en circulation depuis le 15 décembre 2022 par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Béac). Entre contemplation et inquiétude, les uns et les autres ont le regard dans le vide.
Moustapha ne trouve pas cette nouvelle gamme séduisante contrairement à l’ancienne : « Ces billets sont bizarres. Déjà au touchée, ces billets sont très légers et manquent, à mon avis, de finesse », souligne-t-il avec un air nostalgique. Anne Ngo a d’ailleurs refusé de prendre le nouveau billet de 5000 Fcfa. Cette vendeuse de tomate à l’entrée camp sic Olembé a laissé partir une ‘’grosse’’ cliente. Elle ne nourrit d’ailleurs aucun regret. « C’est une dame. Elle m’a présenté un billet diffèrent de ce que j’utilise souvent. Elle m’a dit que c’est le nouveau billet. Elle voulait faire des achats de 3700 Fcfa. J’ai eu peur car ce billet ressemblait au faux billet », a martelé la quinquagénaire. C’est la crainte relevée par de nombreux usagers rencontrés samedi dernier dans certaines artères de la ville de Yaoundé. « Il est évident que la valeur ne change pas malgré tout. Mais, la Béac n’a pas fait un vrai travail de communication pour expliquer certains aspects techniques de cette nouvelle gamme. Comment reconnaitre le bon billet parce que certains esprits véreux vont bientôt se lancer au laboratoire pour produire les faux billets », s’inquiète Georges Alain Noah, cadre dans un ministère.
D’autres habitants par contre, ce sont déjà lancé dans la collecte des nouveaux billets. Ils les trouvent ‘’soft’’ et beau. « J’entends des critiques au sujet de ces nouveaux billets depuis le 15 décembre. Je les trouve plutôt magnifique. C’est à mon avis l’expression d’une vision globale de l’Afrique à travers ses fils et filles ; et surtout à travers sa faune. L’éducation est mise en avant. Ces billets ont les mêmes valeurs. J’ai beaucoup de nouveaux billets déjà. Je collectionne », glisse Alphonse Eloundou avec un sourire au coin des lèvres.
Les craintes soulevées par les utilisateurs ont été résolues avant le lancement de cette nouvelle gamme. Cette nouvelle gamme est dotée de nombreux signes de sécurité modernes, visibles et/ou tenus secret, qui les protègent de la contrefaçon. La Béac gagnerait, selon certains, à se déployer sur le terrain pour une meilleure sensibilisation : « Je pense que la Béac devrait lancer une campagne d’explication dans les médias pour sensibiliser les populations des différents pays ayant cette monnaie en partage au sujet des mesures à prendre pour distinguer le vrai billet du faux », conseille Brice Kenne. L’avantage avec la nouveauté c’est qu’elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente, disait l’écrivain Frédéric Beigbeder.