Le 29 mai 2023, Jean Bruno Tagne, journaliste à Naja Tv a été auditionné au Service central des recherches judiciaires du secrétariat d’Etat à la défense chargé de la gendarmerie. Il avait reçu sa convocation il y a quelques jours pour les faits de diffamation en complicité en autres. Au moment où le journaliste a reçu sa convocation, il n’avait aucune idée sur l’identité du plaignant. Il a finalement déféré à la convocation accompagné de ses deux avocats pour avoir l’information qu’une plainte avait été déposée par une association dénommée ‘Observatoire du développement sociétal contre le journaliste Boney Philippe dans le cadre d’une émission diffusée le 23 avril 2023 sur Visions 4 télévision. Sauf que le nom du journaliste Jean Bruno Tagne ne figurait pas dans cette plainte
Après son passage devant les enquêteurs de la gendarmerie, le journaliste a fait une réaction dans laquelle il affirme qu’il a été interrogé sur la diffusion par Naja Tv d’audios posthume du père Jean Jacques Ola Bebe au sujet de l’affaire de l’assassinat de Martinez Zogo. La principale préoccupation des enquêteurs étaient de savoir comment les audios diffusés ont été obtenus et pourquoi ces audios ont été diffusés. La convocation des deux journalistes à la gendarmerie a suscité une indignation des Ong des droits de l’homme. Le Redhac et Nouveaux Droits de l’homme ont dénoncé la semaine dernière dans un communiqué ce qu’ils ont qualifié de tentative de museler les journalistes.
Le Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), qualifie cette convocation comme une grave atteinte à la liberté de la presse pour le journaliste qui a le devoir d’informer le public. Jean Patient Tsala, le président du Snjc dit être surpris de voir un journaliste convoqué devant la gendarmerie pour avoir mis des informations vérifiées à la disposition du public. Le Snjc dénonce une attitude qui tend pourtant à fragiliser la presse déjà très précaire sur le plan économique et invite les autorités à mettre fin aux intimidations à l’encontre des journalistes. En 2022, le Réseau des patrons de presse du Cameroun (Repac), relevait qu’en 2022 plus de 51 journalistes ont été convoqués devant les instances judiciaires dans le cadre de l’exercice de leur métier. Le Repac a sollicité l’intervention du ministère de la Communication pour mettre fin à ce problème et rien n’a toujours été fait. Les responsables de la gendarmerie n’ont pas voulu s’exprimer suite à la convocation des deux journalistes.
Des militaires ont torturé un avocat
L’Ordre des avocats au Barreau du Cameroun exigent l’ouverture d’une enquête suite à la séquestration d’un de leur confrère par des agents de la Sécurité militaire de Douala. Le barreau du Cameroun a réagi le 30 mai dernier pour condamner les actes de torture infligés à leur confrère. Le 29 mai aux environs de 22h, Me Fabien Kengne, avocat au barreau du Cameroun, par ailleurs militant du parti de l’opposition le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), a été enlevé sans aucun mandat par les hommes de la Sécurité militaire alors qu’il venait de prendre part à une émission diffusée par la chaine Equinoxe Tv. Me Fabien Kengne a été conduit dans les locaux de la Sémil pour être interrogé sur ses positions par rapport au régime en place, avant d’être libéré plus tard. Me Hypolitte Meli, avocat estime que son confrère a été interpellé pour ses opinions jugées très sensibles par le pouvoir en place et dénonce une violation du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose en son article 19 que : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.2. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. ».
Le Mrc, à travers son président, Maurice Kamto a fait une déclaration quelques heures après l’enlèvement de son camarade de parti. Le Mrc dénonce un « terrorisme d’Etat ». « L’interpellation de l’avocat entre dans le cadre d’une volonté de semer la peur dans le cœur et l’esprit de tous ceux qui dans le débat public ont une opinion dissidente de celle du pouvoir en place », a précisé Maurice Kamto, président du Mrc.
Au Cameroun depuis un certain moment, des actes d’intimidation des défenseurs des droits de l’homme sont monnaie courante et les auteurs de ces actes barbares contraires à la liberté d’expression ne sont rarement poursuivis devant les juridictions compétentes. En 2019 et 2020, les avocats avaient suspendu des audiences pendant plus d’une semaine pour dénoncer les arrestations arbitraires et les persécutions qu’ils subissent. Suite à ces mouvements d’humeur, une plateforme de concertation entre la police, la gendarmerie et le ministère de la Justice avait été mise en place. Il était question de trouver des solutions permettant de mettre fin aux arrestations arbitraires que subissent les avocats. Au ministère de la Justice, il nous a été précisé que ladite plateforme avait fait les recommandations aux autorités compétentes, mais lesdites recommandations sont peut-être restées dans les tiroirs.