Enquête

Les clubs camerounais peuvent-ils encore briller sur la scène continentale ?

 Après Union sportive de Douala en 1981, aucune autre formation n’a réussi à hisser le vert-rouge-jaune au sommet. Les différentes participations de nos porte-étendards se soldent par de cuisants échecs.
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Coton sport de Garoua vient d’être éliminé (0-2) au 1er tour des préliminaires de la Ligue des Champions de la Confédération africaine de football (Caf). Le représentant du Cameroun à cette compétition, n’a pas franchi le cap le 27 août 2023 dans son antre, au Roumdé Adjia stadium, après le match nul concédé une semaine plutôt au stade du 26 mars face à As Réal de Bamako (0-0). Les Maliens ont pris leur revanche de 2014. L’année dernière, après avoir franchi l’étape des préliminaires, les vert-blanc avaient quitté la compétition à la phase de groupe après une quatrième défaite de suite. Une désillusion. Cosmos de Bafia, Public Work departement (Pwd) de Bamenda, New stars de Douala, Fovu club de Baham, Ums de Loum ou encore Eding sport de la Lékié n’avaient pas fait mieux. Les derniers exploits de Coton sport en Ligue des champions remontent à 2008. Le club s’était hissé en finale avant de tomber face à l’ogre maghrébin, Al Ahly, (2-4) sur l’ensemble des deux matchs après le 0-2 à l’aller. En 2021, les cotonculteurs ont redonné espoir en Coupe de la Caf. Malheureusement, Lambert Araina et ses coéquipiers sont sortis en demi-finale face à JS Kabylie.

 

Coton, l’arbre qui cache la forêt

 

Bien que n’ayant jamais remporté une compétition continentale, le club de la rive gauche de la Bénoué est resté la vitrine du football camerounais ces 15 dernières années. Avec l’érosion du temps, Coton sport de Garoua perd progressivement son prestige d’antan tout en exposant les faiblesses du football local. Le Cameroun est considéré comme une terre de football grâce aux exploits des Lions Indomptables d’Albert Roger Milla et Cie lors de la Coupe du Monde 1990 en Italie ; des Coupes d’Afrique remportées notamment le doublé 2000 et 2002 avec une génération inoubliable portée par Patrick Mboma, Samuel Eto’o, Marc Vivien Foé (de regretté mémoire), Rigobert Song, Idriss Carlos Kameni… Bien avant ces épopées des Lions Indomptables sur le plan international, des clubs camerounais avaient déjà posés les jalons. Certains ont contribué à la construction de l’image de marque du football camerounais parmi lesquels : Oryx de Douala, Union sportive de Douala, Canon sportif de Yaoundé ou encore Tonnerre kalara club de Yaoundé.

Oryx club de Douala

Le premier, aujourd’hui plongé dans les faubourgs du football (en ligue régionale du Littoral, Ndlr), remporte la toute première Ligue des champions africaines en 1965. Cette année-là, le club est conduit, sur le plan offensif, par sa vedette Samuel Mbappe Leppe. Le club domine Stade malien (2-1) pour s’adjuger le titre. Canon sportif de Yaoundé va remporter cette compétition à 3 reprises (1971, 1978 et 1980). En 1979 le Cameroun réalise un doublé historique. Union sportive de Douala remporte la Ligue des champions face aux ghanéens de Hearts of Oak et Canon, la Coupe d’Afrique des vainqueurs de Coupe. Le dernier club camerounais a remporté une compétition africaine est Union sportive de Douala. C’était la Coupe des vainqueurs de coupe en 1981 face à Stationery stores du Nigeria 1-0. Depuis lors, c’est la disette. Ces clubs peinent à retrouver leur niveau d’antan. Cette belle époque du football camerounais est désormais dans le rétroviseur. Les participations des clubs camerounais en compétitions africaines se soldent par des cuisants échecs. Le comble est que, le championnat camerounais n’est plus dans le top 10 africains et le pays de Roger Milla, à cause des contreperformances, présente désormais deux clubs en compétition africaine au lieu de quatre.

 

L’urgence de la structuration

 

Pourtant, le ballon rebondit régulièrement sur les terrains vagues dans les dix régions du pays ; les jeunes s’y intéressent plus que jamais et les championnats se jouent. Pour comprendre ce « mauvais sort » qui frappe le football camerounais, nous sommes allés à la rencontre des acteurs dans l’objectif de cerner les raisons de cette déchéance africaine des clubs camerounais. David Pagou, entraîneur de Stade renard de Melong et vainqueur de la Coupe du Cameroun avec Public work department (Pwd) en 2022 ; Jules Mpondo, ancien entraîneur d’As Fortuna de Mfou avec une expérience dans la Sous-région Afrique centrale et Oumarou Sokba, vainqueur de la Coupe du Cameroun 2016 avec Apejes de Mfou et ancien entraineur d’Union sportive de Douala ont leur petite idée. Ils s’accordent à dire que le manque de moyens financiers, le manque de structuration des clubs pour plus de clarté dans leur gestion, l’instabilité des effectifs et des staffs techniques… sont des maux qui entravent les performances des clubs camerounais en compétitions africaines. Ils invitent d’ailleurs les responsables de clubs à prendre le train de la modernisation car l’époque des mesures cosmétiques est révolue.

 

 

 

REACTIONS

 

David Pagou, entraîneur de football : « Pas de moyens financiers pour rivaliser avec les autres »

Union sportive de Douala est le dernier club à remporter une compétition africaine Nous sommes en 1981. C’est vrai qu’entre temps, on a eu deux finalistes à savoir : Canon de Yaoundé et Coton sport. En réalité, on n’a pas un problème de joueurs mais d’organisation d’équipe. Quand Coton jouait la finale en 2008, l’équipe était bien organisée. Denis Lavagne avait bien organisé son équipe. Les joueurs étaient bien payés. Les joueurs signaient 2 à 3 ans ; c’est un plus. Avant, les joueurs de nos clubs se connaissaient. Certains faisaient 4 voire 5 ans dans une même équipe. C’était le cas au Canon, Tonnerre, Union, Dynamo … C’était des groupes bien soudés. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. C’est le coach Jean-Baptiste Bisseck qui a terminé la saison dans Coton. Après, il est parti pour être remplacé par un Français. Ce dernier est arrivé à la veille du match retour face à As Réal de Bamako. L’effectif a été chamboulé complètement. On ne peut pas bâtir un groupe compétitif dans un tel contexte. Le football ne repose pas seulement sur les individualités. Il faut aussi tenir compte du collectif. Les joueurs ne font pas 3 saisons dans une même équipe. On ne peut pas conserver nos meilleurs joueurs. Coton sport a placé ses meilleurs éléments à l’extérieur et certains remerciés. Il fallait faire avec des nouveaux joueurs. Il faut maintenir un effectif en place pendant 3 à 4 saisons et le staff technique pour avoir une bonne cohésion. Chez nous, les joueurs signent une saison. C’est difficile pour les clubs camerounais d’atteindre un certain niveau. Coton est la meilleure équipe camerounaise sur le plan financier mais n’arrive pas à maintenir ses meilleurs joueurs. C’est un indicatif des difficultés de nos clubs. Au Maghreb, vous avez des joueurs qui finissent leur carrière dans un club.

Aujourd’hui, nos meilleurs joueurs vont jouer au Rwanda, Congo, Tanzanie, Ethiopie … Ce n’est pas facile de rivaliser avec les meilleurs. Il y a la matière ici. Il faut que les clubs réussissent à maintenir au moins 90% de leur effectif pour 3 à 4 ans. On a également un problème financier. Quand vous prenez le budget des clubs comme Mamelodi Sundowns Fc, Kaizer Chiefs, Esperance de Tunis…, c’est au moins 100 fois le budget d’un club au Cameroun. On ne peut pas rivaliser avec les gros du continent. Il est difficile de challenger avec les équipes du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest. Les joueurs touchent gros là-bas. On a un problème d’organisation. Cà concerne tous les clubs du Cameroun.

 

Jules Mpondo, entraîneur de football : « Les clubs camerounais ne sont pas structurés »

Les clubs camerounais ne sont pas structurés. Il manque également une bonne politique technique. Quand la saison s’achève dans les clubs, on met les joueurs en congrès. Ils tombent alors dans les excès (boivent…) et ne s’entretiennent pas. Le prétexte que vous utilisez est intéressant. Le problème de Coton sport de Garoua est le manque de stabilité au niveau de l’encadrement technique et au niveau des joueurs. Depuis 3 à 4 saisons, Coton sport fait sortir ses meilleurs éléments. Cette année encore, plusieurs joueurs sont partis. Ils n’ont pas été remplacés quoi qu’on dise. Il faudrait que nos équipes mettent en place des académies pour former la relève. C’est la nouvelle donne. En investissant dans la formation, on pourra utiliser nos produits sans dépenser beaucoup de moyens dans le recrutement. Il y a aussi un problème de moyens au sein de nos clubs. Les dirigeants doivent trouver des moyens nécessaires pour espérer rivaliser avec les autres grands du continent qui ont des budgets très élevés. Regardez où les meilleurs joueurs de notre championnat signent désormais. On a du travail.

 

« Les clubs doivent s’arrimer à la modernité »

Oumarou Sokba, entraîneur de football

La question de la performance des clubs camerounais en compétitions africaines est vraiment large. Elle interpelle plusieurs acteurs. Coton sport par exemple a des effectifs qui changent régulièrement. L’équipe de la saison dernière est différente de celle de cette année. Dès qu’un joueur se démarque, il s’en va. Kaiba, Che Malone… sont partis. On n’a pas réussi à les remplacer. C’est l’une des raisons des contreperformances. Le club n’a pas de moyens pour rivaliser avec les autres. Le problème des infrastructures est préoccupant. 90% des clubs s’entrainent sur la terre battue ou sur du sable. Pourtant ailleurs, les clubs travaillent sur de belles installations. Les autres ont pris du temps pour travailler et développer leur football. On l’a fait jadis avec Canon et Union. Aujourd’hui, ça ne passe plus. On doit entrer dans cette ère de modernisation. Coton était l’équipe rêvée du pays. Les choses ont changé. Nos dirigeants de clubs doivent savoir qu’il faut travailler sur la structuration en mettant en place des centres de formation. Notre championnat n’est pas médiatisé. Le salaire, par rapport aux autres pays rivaux, n’est pas terrible. Les joueurs sont prêts à aller au Rwanda ou en Tanzanie parce que le salaire est meilleur qu’ici. La fuite des talents se poursuit. Avec les efforts de la Fédération, je pense qu’on pourra sortir de l’ornière.

 

Solière Champlain Paka

Author: Solière Champlain Paka

Je suis un journaliste passionné par l'écriture et les métiers de la voix. L'humilité me permet d'apprendre, de comprendre et de partager le fruit de mes recherches sans restrictions. Mon éclectisme m'a conduit depuis plusieurs années maintenant, vers les questions Politiques, Culturelles, sportives ...

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