« Cinq longues années d’une procédure tatillonne et brouillonne », Paul Samangassou

TCS

 

Une si longue détention

Un homme dont l’honnêteté ni l’intégrité morale n’ont jamais été prises en défaut a malheureusement été condamné à 12 ans de prison, à la suite d’un procès choquant. Amadou Vamoulké est entré dans l’histoire judiciaire camerounaise, à son corps défendant, comme le détenteur d’un record absolu dont il se serait volontiers passé : cinq longues années d’une procédure tatillonne et brouillonne, où l’accusation n’a jamais réussi à asseoir sa conviction qu’elle tenait un coupable, où le collège des juges, supposés impartiaux, ont essayé de gagner du temps en procédant à des renvois répétitifs (plus de 100), comme si, par le truchement d’un tour de magie, un innocent pouvait devenir coupable.

Vamoulké n’est pas devenu un prisonnier gênant le jour de son arrestation. Ceux qui l’ont privé de sa liberté n’imaginaient pas qu’il serait, pendant les cinq années de déni absolu de droit, un boulet à leur cheville et le geôlier de leur mauvaise conscience. Postulant qu’au Cameroun l’opinion publique a tendance à croire que le simple fait d’être accusé équivaut à une culpabilité évidente, ses ennemis ont cru, à tort, qu’en l’accusant d’avoir volé des milliards, ils finiraient par trouver quelques traces de larcin qui les dispenseraient de prouver leurs grossières accusations.

S’il continu, aujourd’hui encore, non pas à clamer son innocence mais à essayer de comprendre ce qu’on lui reproche vraiment, et qui, dans l’ombre, n’a de cesse de le voir passer de vie à trépas, au moins il est fixé sur le tarif que lui réservaient ceux qui voulaient sa perte. Après cinq ans de renvois intempestifs, la justice (du moins ceux qui tirent les ficelles) n’avait pas d’autre choix que d’essayer de trouver une porte de sortie. Le prisonnier était devenu un dilemme : il était devenu difficile de justifier sa présence en prison mais il était également devenu impossible de le rendre à sa famille et à ses amis en leur présentant des excuses plates. Vamoulké n’était plus libérable pour une raison que ses geôliers (pas les gardiens de la prison de Kondengui) avaient perçue et qui les aurait obligés à justifier une si longue détention préventive, contraire à toutes les conventions internationales et au code de procédure pénale.

Comment justifier une libération de Vamoulké après tant d’années de captivité ? Il aurait fallu qu’ils reconnaissent s’être trompés, qu’ils n’avaient pas le moindre début de preuve des accusations fallacieuses qu’ils avaient lancées, et donc ! qu’ils voulaient régler des comptes dont même leur prisonnier ignorait l’existence. Ils ont beau être diaboliques, il faut croire qu’ils ont encore un peu de pudeur. Comment maintenir en prison un bonhomme dont chaque renvoi de procès renforce la conviction du public en son innocence, au risque de faire passer le Cameroun pour une bananeraie mal entretenue ?

Les juges ne devaient pas en mener large. Il a fallu trouver une porte de sortie « honorable ». Trouver coûte que coûte un motif de condamnation, comme pour Jésus devant Pilate : crucifie-le ! Et le couperet est tombé : « 12 ans de prison pour détournement 1,2 million francs représentant les indemnités des transports, 1,8 million francs représentant le congé annuel, 16 millions représentant des paiements indus aux responsables du Minfi auprès de la CRTV et 22 millions représentant les paiements de la représentation ». Au total, 42 millions, sur une accusation initiale de 3,57 milliards.

Notre justice est coutumière du fait. Certains prisonniers ont vu les milliards qu’ils étaient supposés avoir soustraits des caisses de l’État se dégonfler comme des baudruches. Mais dans le cas d’espèce, le TCS, qui ne connait en principe que des crimes financiers d’un montant au moins égal à 50 millions a dépensé les fonds du contribuable camerounais en pure perte. Il aurait dû se déclarer incompétent. Cinq ans de brassage de vent pour ce qui aurait relevé, au mieux, de fautes de gestion.

Les juges auraient pu rester cohérents en convoquant, en poursuivant, en jugeant et en condamnant les agents du Minfi pour complicité. On condamne pour bien moins que ça puisque la complicité, même intellectuelle, est répréhensible.

Dans un pays où des personnes en responsabilité trainent le président de la République à l’ONU pour qu’il se ridiculise devant la planète entière, il n’y a plus rien à dire. On est foutu.

 

 

 

 

 

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