Voilà environ deux semaines, voire plus, que la ville de Bertoua singulièrement et la région de l’Est en général font face à une pénurie de gasoil perturbant tous les secteurs de la vie en général. Les stations-services sont au quotidien prises d’assaut par des automobilistes en quête du précieux liquide : « Il n’y a pas de carburant et cela nous perturbe, je suis contraint au chômage parce que ma moto ne peut pas rouler sans carburant », s’indigne Rodrigue Afane. Cette pénurie de carburant déstabilise la quasi-totalité des habitants et personne n’est épargné. Les travailleurs du secteur public sont obligés de revoir leur emploi du temps pour assurer le service minimum : « Je m’habitue à la marche à pied pour me rendre à mon lieu de service et cela me prend beaucoup de temps, par conséquent j’arrive au bureau très tard car j’ai fait garer mon véhicule de fonction par manque de carburant », nous fait comprendre Gervais Bih , un cadre de l’administration . « Quand j’arrive au bureau, il est presque midi, c’est pour faire combien de temps, on épluche juste un ou deux dossiers et puis on est parti, c’est vraiment le travail au rabais en ce moment », laisse entendre Marylise Ayangué, en service au trésor public à Bertoua. La majorité des agents du service public est contraint à la marche à pied. L’excuse parfaite pour limiter les courses et ne pas honorer les rendez- vous : « Il est difficile d’effectuer toutes ses courses en une journée parcequ’on fait la marche à pied, parfois quand tu arrives au lieu indiqué, soit vous trouvez que la personne est absente, soit on vous demande de repasser », martèle Boniface Amang. Les élèves quant à eux sont épargnés de cette corvée car ils sont en congés de fin du premier trimestre. Malgré cette pénurie de carburant dans la ville de Bertoua et toute la région de l’Est, les motos taximen sont en période de vache grasse, car ils ne se conforment plus à aucune grille de prix. Une course en moto est fixée à la tête du client : « C’est vrai que les motos sont hors de prix suite à la pénurie de carburant et les motos taximen sont en plus très exigeants, ils vous fixent le prix de la moto comme ils veulent, ce matin, j’ai emprunté une moto des Tavaux publics pour me rendre au niveau de la boulangerie Mie dorée, le gars m’a demandé 500 FCFA ».
La pénurie de gasoil a favorisé la recrudescence de la vente illicite du carburant dans la région de l’Est
La pénurie de gasoil a favorisé la recrudescence de la vente illicite du carburant dans la région de l’Est ainsi que la création des nouveaux points de circulation du précieux liquide : « Par le passé, le carburant nous venait du Nigeria, mais on s’est rendu compte que c’est très loin et il faut contourner plusieurs obstacles avant d’atteindre les points de vente », laisse entendre Bachir Adamou, un trafiquant de carburant. Notre interlocuteur précise : « La piste centrafricaine pour l’instant est plus florissante, on peut facilement faire deux à trois tours par semaine tout dépend des aptitudes des uns et des autres ». Le département de la Kadey constitue une porte d’entrée du carburant frelaté dans la région de l’Est, car cette unité administrative partage une longue frontière très poreuse avec la République centrafricaine. « Je ne peux pas vous dire au détail près notre parcours de peur que la chaîne ne soit d’une manière ou d’une autre interrompue. Les choses roulent très bien pour le moment », nous signale Edgar Chiazock.
La pénurie de carburant dans la ville de Bertoua perdure. La quasi – totalité des stations-services du chef-lieu de la région de l’Est sont prises d’assaut par les conducteurs d’engins. Les tarifs des transports ont flambé. Les raisons de ces pénuries à répétition sont jusqu’ici méconnues du grand public : « Nous avons passé nos commandes depuis plus de trois semaines et on ne comprend toujours pas pourquoi Yaoundé ne réagit pas et nous ne supportons plus la pression de la clientèle », laisse entendre le gestionnaire par intérim de la station MRS au rond-point Dabadji au centre-ville de Bertoua.
Les signes précurseurs d’une éventuelle pénurie de carburant étaient déjà perceptibles depuis quelques semaines car à Batouri les exploitants des engins à deux roues avaient tenté d’observer un mouvement d’humeur dans la ville, car ils réclamaient du carburant, le projet avait avorté grâce à la diligence du préfet du département de la Kadey qui avait ordonné la distribution de la réserve administrative et sécuritaire.
Aucune ville de la région de l’Est n’est épargnée par la pénurie de Carburant dans les localités forestières, la vente illicite de carburant est devenue l’activité de prédilection des chauffeurs de camions : « Nous savons que nos chauffeurs se livrent à des pratiques pas très orthodoxes notamment avec la vente du carburant ; nous avons mis des stratégies de contrôle le long de l’itinéraire et celui qui est surpris dans cet exercice est immédiatement mis à la porte », déclare le chef du personnel de la société Makandop. Les citoyens à leur niveau payent aussi le prix de la pénurie de carburant car les populations sont contraintes à la marche à pied. Il n’y a pas d’affluence dans les services administratifs et privés, les uns et les autres utilisent les moyens de bords pour rejoindre leur lieu de travail, mais pour combien de temps encore ?
Trafic du carburant de manière informel et la flambée du coût du transport
La pénurie de gasoil a engendré une autre situation sociale qui est de nature à porter préjudice à la sérénité qu’on observe en ce moment au sein de la population. Notamment le coût du transport qui a connu une flambée exponentielle si bien que les transporteurs ne savent plus à quel saint se vouer, partir d’une localité à une autre relève d’un véritable parcours du combattant et certains transporteurs songent déjà à anticiper leur retraite dans ce secteur d’activité : «Franchement les choses deviennent de plus en plus difficiles , partir de Mbila pour Bertoua il faut débourser pratiquement 5000 FCFA contrairement à 3500 FCFA tout récemment en plus il faut noter que la route n’est pas bonne , il y a en plus la gendarmerie de Minta qui vient toujours se poster juste après le carrefour Mbeth et si vous réussissez l’exploit d’arriver à destination, la visite chez le garagiste s’impose, à la fin vous ne gagnez rien, autant jeter l’éponge», se désole Magelang Mekok , un transporteur. La famine aussi s’annonce, et les producteurs notamment les cultivateurs ont du mal à rejoindre les principaux points de vente notamment les différents marchés : « Se rendre en ville est difficile, d’abord il n’ya pas de voitures, le transport aussi a augmenté, lorsqu’on s’y rend même on n’a pas de bénéfices à la fin », s’exclame Géraldine Minkoas du village Ndjende.