Sa majesté Langevin Sambankeing Kaffo couronné 11ème roi à 24 ans

Sa Majesté Langevin Sambankeing Kaffo

Il est entré dans la plénitude de son pouvoir pour présider aux destinées du groupement de 1er degré de Babadjou dans les Bamboutos à la suite de son intronisation traditionnelle le samedi 14 septembre dernier devant de nombreux témoins de l’histoire dynastique de ce royaume.

Un nouveau chapitre pour le royaume Babadjou. Sa majesté Langevin Sambankeing Kaffo a pris le bâton de pèlerin pour présider aux destinées de ce peuple, regroupé sur le territoire de l’arrondissement Babadjou. Le 11ème roi de la dynastie régnante a été couronné au cours de son intronisation le samedi 14 septembre dernier, à l’esplanade de cette supérieure. C’est désormais une nouvelle ère qui s’ouvre à la tête de cette chefferie de 1er degré dans le département des Bamboutos dans la région de l’Ouest. La cérémonie de son couronnement traditionnel par la notabilité coutumière de la cour royale Babadjou a rassemblé des milliers de personnes, dont de nombreux chefs traditionnels de la région de l’Ouest, des localités voisines du Nord-Ouest et d’ailleurs, avec notamment le Fon Angwafo de Mankon, le Fon de Nkwen et le Fon d’Aghem, le lamido de Ngaoundéré dans le septentrion, le roi Godi Bakoko dans le Littoral ainsi que plusieurs responsables gouvernementaux, élites et habitants de Babadjou. La présence de ces éminentes figures a ajouté un éclat particulier à l’événement, soulignant l’importance de la succession royale et des responsabilités qui sont désormais celles du nouveau monarque.

 

Roi à 17ans

Ce royaume a ainsi célébré un événement marquant de son histoire : l’intronisation de Sa Majesté Langevin Sambankeing Kaffo en sa qualité de nouveau guide d’un peuple, jaloux de son histoire et de son patrimoine culturel matériel et immatériel. Cette cérémonie, attendue depuis sept ans, a regroupé les fils et filles Babadjou du Cameroun et de la diaspora. Des groupes de danses traditionnels locaux et des Mankon ont donné une couleur particulière à cette cérémonie, à travers des prestations culturelles. Né le 18 avril 2000 à Babadjou, le jeune Langevin Sambankeing Kaffo, fils de Sa Majesté Bertrand Sambankeing Temgoua, a vu son destin changer à la suite de l’appel à Dieu de son défunt père, 24 mars 2017. Ayant passé du temps auprès des siens à Babadjou, marqué par l’obtention du Certificat d’études primaires à l’école catholique saint Charles Lwanga de Toumaka en 2009, il entame son cursus secondaire au lycée Bilingue de Babadjou. Il va le poursuivre au collège Mbougang Pascal à Yaoundé avec l’obtention de son Bepc. Déjà successeur de son défunt père : Sa Majesté Bertrand Sambankeing Temgoua, chef supérieur Babadjou (10ème de la dynastie), le jeune Langevin Sambankeing Kaffo, venu comme les princes et princesses rendre hommage à son géniture, au cours des obsèques officielles organisées le 6 mai 2017. Lors du rituel « d’arrestation du nouveau roi », selon la tradition M’Basso, Langevin Sambankeing Kaffo fut « arrêté » au milieu de la foule pour porter le destin du peuple Babadjou, alors âgé de 17 ans.

 

Consciente des enjeux actuels, motivée par la volonté de mettre le nouveau monarque à l’abri du besoin, unanimement, toute la notabilité coutumière a pris la résolution de le laisser poursuivre ses études avant de revenir plus tard assumer sa fonction de guide du peuple Babadjou. C’est ainsi que le jeune monarque retourne à Yaoundé où il obtient son probatoire D au lycée de Minkan en 2019. En 2020, il décroche le Baccalauréat D au collège de la Retraite. La même année, il réussit le concours d’entrée à la Faculté d’agronomie et des sciences agricoles (Fasa) de l’Université de Dschang. En 2023, Langevin Kaffo Sambankeing obtient son diplôme d’ingénieur de travaux agricoles dans cette institution universitaire. Passionné des découvertes touristiques et du sport, il poursuit actuellement son cursus en Master dans la même faculté.

Un projet agropastoral pour le roi.

Ayant acquis la maturité qui lui permet désormais d’assumer ses fonctions de guide du peuple Babadjou, la notabilité coutumière a décidé de son couronnement. La cérémonie d’intronisation marque ainsi l’aboutissement de neuf semaines traditionnelles de novicat du Meukem Kaffo Sambankeing Langevin au La’akam. Période au cours de laquelle la notabilité formée de trois castes à savoir les neuf, les sept et les Tchoh To’ initient le nouveau monarque à la facette mystique de son pouvoir, à la connaissance des traditions de son royaume et à sa gouvernance. Avant son intronisation, un pèlerinage a eu lieu au pied des monts Bamboutos et la visite de quelques lieux sacrés du groupement ainsi que le site où fut tué le roi martyr Fo Ndzijouo, exécuté par les Allemands. Selon les explications de Jean Tchoffo, président du Comité de pilotage de la cérémonie d’intronisation du monarque, par ailleurs secrétaire général du ministère de l’Économie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat), la décision d’organiser cette intronisation du nouveau chef, sept ans après le décès de père, a été décidée par les notables et des sages à la suite de longues réflexions. Des élites consultées, ont adhéré massivement à la décision d’initier le nouveau monarque afin qu’il puisse exercer pleinement le commandement traditionnel. Il était donc temps pour le nouveau chef de prendre la main du destin de sa communauté, afin de la conduire vers sa prospérité, soutient-il. « Nous sommes aujourd’hui prêts à ouvrir ce nouveau chapitre de notre histoire avec un nouveau chef qui incarne l’espoir et le renouveau. Car, ayant bénéficié de l’encadrement de son père, et nanti aujourd’hui d’un bon bagage intellectuel », confie Jean Tchoffo.

 

Le public témoin de ce nouveau chapitre qui s’ouvre à la tête du groupement Babadjou a vécu de bout en bout le couronnement traditionnel de Sa majesté Langevin Sambankeing Kaffo. Sorti du La’akam comme le grand notable : « Meuh Kem » de la cour royale Babadjou, cette phase solennelle a permis au nouveau chef de prendre son bâton de pèlerin. Dans une parade conduite par les Magni (mères des jumeaux), le nouveau roi initié à la gestion du royaume, a été conduit à la place des cérémonies. Vêtu du Ndop, accompagné des notables « intronisateurs », il a été accueilli par des youyous et des acclamations des invités. Fiers d’accueillir le nouveau guide, ils se sont mis débout pour saluer sa prise de pouvoir. Dans une litanie aux ancêtres, les intronisateurs identifiables par leurs parures, ont conduit le rituel d’intronisation traditionnelle marqué par le couronnement du roi, selon les us et coutumes de la localité. Installé sur son trône, suivi du rituel de remis des attributs au monarque, le peuple Babadjou peut se dire fier d’accueillir son roi, désormais doté de tous les pouvoirs ancestraux.

 

Retourné dans ses appartements privés, le chef a rejoint la place des cérémonies. Dans une nouvelle tenue d’apparat, menu de son bâton et la queue-de-cheval blanc, appuyé par le chef supérieur Bangang et de la notabilité coutumière Babadjou, tambours et trompètes, exécutés par les castes, vont le conduire sur son trône. Soutenu par l’une des reines-mères, l’ingénieur des travaux agricoles a reçu l’onction administrative. La phase d’intronisation administrative est conduite David Dador Dibango, préfet du département des Bamboutos. Une phase importante marquée par trois prises de parole. Dans son mot de bienvenue, Gisèle Tsangue, en qualité de présidente du bureau exécutif opérationnel de cette intronisation, par ailleurs maire de la commune de Babadjou à salué le dynamisme d’un peuple réuni autour de son roi. Un peuple engagé et déterminé à l’accompagner durant son règne, qu’elle souhaite longue de plus de 100ans.

 

Souhaitant un règne sans complaisance avec impartialité, sans discrimination des couches sociales, le peuple Babadjou et amis ont engagé des les contributions dans le cadre de cette cérémonie d’intronisation. Une partie, selon Jean Tchoffo, président du comité de pilotage de cette cérémonie a permis de penser un projet agropastoral pour le nouveau monarque. Dans le cadre de l’implémentation de ce projet, un pick-up acquis avec les fonds collectés auprès des fils et filles Babadjou, des amis de ce peuple a été remis à cet ingénieur des travaux agricoles. Le document projet y relatif a été solennellement été remis à Sa majesté Langevin Sambankeing Kaffo.

Des défis du nouveau monarque

Entré dans la plénitude de ses pouvoirs, Sa Majesté Langevin Sambankeing Kaffo devra faire face à plusieurs défis importants selon les déclarations de David Dador Dibango, préfet des Bamboutos dans son discours d’installation du chef supérieur Babadjou. Le chef supérieur devra trouver un équilibre entre la préservation des traditions ancestrales et l’intégration des innovations modernes pour le développement du royaume. Stimuler l’économie locale, notamment en soutenant l’agriculture, l’éducation et les infrastructures, pour améliorer les conditions de vie des habitants. Maintenir l’unité et la paix au sein de la communauté, en gérant les conflits et en renforçant les liens sociaux. Encourager les jeunes à poursuivre leurs études et à s’impliquer dans le développement communautaire, tout en leur offrant des opportunités d’emploi et de formation. Protéger l’environnement et promouvoir des pratiques durables pour assurer un avenir sain et prospère pour les générations futures. Ces défis nécessiteront une vision claire, une gestion efficace et une collaboration étroite avec les membres de la communauté et les autorités administratives locales, a prescrit David Dador Dibango. Selon ses déclarations, le nouveau monarque doit bien se préparer pour relever ces défis grâce à son éducation et à son engagement envers son peuple.

 

Limitrophe aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, animées par les velléités sécessionnistes, « il faudra faire de Babadjou, une localité invivable aux bandits, venus du Nord-Ouest. En votre qualité de gardien des terres du domaine national, vous veillerez à ce que ces terres ne soient pas bradées par des prédateurs véreux », a prescrit le préfet. Le monarque a été appelé plus vigilant par la remonte du renseignement prévisionnel. « Les choses ont changé. Vous avez intérêt à poursuivre vos études, qui feront de vous, un homme à l’abri du besoin. Cet homme autonome, doté d’une forte personnalité et insusceptible d’être embrigadé, manipulé ou pris en otage par certaines élites malveillantes, en quête de titre de notabilité et autres faveurs. Soyez le chef de tous. Et ouvrez grandement vos portes à toute personne animée d’une bonne intention. Éloignez-vous des sirènes de la division », a insisté l’autorité administrative. Le chef est également attendu sur le chantier de la pérennisation du caractère cosmopolite de ce groupement qui accueille une forte communauté Bororos.

 

Un héritage à préserver

Selon les témoignages, des uns et des autres, le peuple Babadjou est historiquement issu de l’ancien peuple Bafung, qui lui-même appartient à la grande famille Bamiléké d’origine Tikar. Ils furent chassés du plateau de l’Adamaoua par des guerriers musulmans. C’est alors qu’ils se lancèrent dans un vaste mouvement migratoire, qui va les conduire successivement à Foumbot, Bagam, Baligam, Madankxen à Bamenda et Bagamgoo. Enfin, attirés par les animaux qui peuplaient la petite forêt autour des monts Bamboutos, ils vont s’implanter dans cette vallée pour occuper les versants Est de ce mont, sites qu’ils occupent jusqu’aujourd’hui dans le département des Bamboutos, région de l’Ouest. Ils repartissent sur deux villages distincts à savoir le village Babadjou appelé So et ses habitants Mbasso. Tous deux appartiennent au groupe linguistique appelé Ngamballé, qui en fait est la langue Bafung. Selon l’histoire connue, l’ancêtre des Bafung au 16ème siècle, est Tshitsimit, ainsi appelé parce qu’il taillait des morceaux de bois, en guise de lance pour chasser les animaux. Son descendant, Fo Lagmago, fut l’un de jumeaux qui ne purent se départager en vue de déterminer le successeur de son père. Ainsi, chaque jumeau conserva sa royauté, et librement, le peuple décide de son attachement à un tel ou tel autre chef.

 

Les Babadjou se relient à Akmago, et les Bamessingue à l’Ongla, d’où la proximité linguistique, culturelle et territoriale entre ces deux peuples. Ingénieur des travaux agricoles. L’intronisation de Sa majesté Langevin Sambankeing Kaffo marque ainsi la fin d’une période de transition et le début d’une nouvelle ère pour cette communauté. Elle marque le lien indéfectible entre le peuple Babadjou et ses traditions, gage de la continuité de l’héritage ancestral d’un peuple. Désormais à la tête d’un royaume d’environ 57 000 habitants, le jeune roi gouvernera avec l’appui de ses notables et des structures traditionnelles décentralisées. Le peuple de Babadjou espère en ce nouveau règne, qui s’annonce sous le signe de la continuité et du progrès.

 

Aurélien Kanouo


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