Superstition au sujet de l’éboulement de la Falaise de Dschang

Des proches abattus, qui attendent

 

Des récupérateurs de tout crin refusent de voir dans la catastrophe survenue, les effets de la nature.

Aussitôt la nouvelle de l’éboulement d’un pan de la falaise de Dschang rendue publique, une vidéo a commencé à faire le tour des réseaux sociaux. Devant une bande visiblement tracée à la cendre, un bonhomme habillé d’une gandoura rouge se vante d’avoir envoyé les abeilles chasser les badauds qui devaient perdre la vie en ces lieux. Il dit d’abord avoir exploré la zone, en compagnie d’une bande de corbeaux. Ceux qui ont été piqués doivent le joindre par un numéro que « le transmetteur du message des ancêtres » décline. Il chute sur une information fondamentale : « On dit non à ça. On ne peut pas laisser le Blanc tout commander. Ils doivent ramener tous les totems des ancêtres qu’ils ont pris ici. On ne doit pas vendre nos enfants comme des chèvres, les statues… ». Pas besoin d’être très attentif pour voir que la zone est jonchée de ruches. En tout cas, sa lecture est claire : il s’agit de la colère des ancêtres, pour laquelle des sacrifices sont nécessaires. Et il a forcément les clés. On le laisse faire.

Au lendemain de l’incendie qui a calciné une cinquantaine de compatriotes, à quelques kilomètres seulement de cette autre catastrophe, les gens ont, au prétexte d’« éteindre symboliquement le feu », transformé une emprise de cette même route en un sanctuaire où l’on se rend désormais pour faire des sacrifices et toutes sortes de prières. Les voies de Dieu sont naturellement insondables ! Peu de temps avant la réparation d’une faille qui avait rendu impraticable la route nationale n°5 entre Bandja et Kekem, dans le Haut Nkam, une bande d’individus réclamant la qualité de « nkounga’a » (société secrète réputée puissante mystiquement) avait affirmé devant les caméras de télévision, avoir retiré de cet endroit le « mboma », c’est-à-dire le gros serpent qui empêchait la réalisation des travaux. Qu’avait-on fait pour que ce dernier, ou à défaut un de ses congénères n’entre plus à un autre endroit de la même route pour causer du tort aux pauvres voyageurs ?

Les rationalistes rient de ces explications. « De la sorte, pourquoi ne viennent-ils pas faire des incantations ici pour que les corps qu’on recherche remontent à la surface ? Tout au moins, pourront-ils montrer le meilleur endroit à creuser », commente S. M. Etinguele, un chef traditionnel de Dibombari, rencontré sur les lieux de l’éboulement. « C’est un travail à grande échelle qu’il faut entreprendre non seulement sur le site mais tout le long l’escarpement de Santchou.  Ce n’est pas nécessaire de penser à la souffrance de la population et  se précipiter dans ce travail. Il vaut mieux être vivant même si on va souffrir que de se précipiter et avoir des pertes humaines et matérielles. Un phénomène naturel reste un phénomène naturel. Des gens vont penser à la sorcellerie, faire des rites traditionnels mais il faut être attentif à la nature pour la dominer », recommande le Pr Kagou.

Franklin Kamtche


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