Les étudiants titulaires de master 2 des Universités publiques du Cameroun comptent sur le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, pour mettre fin à leur mise en congé académique forcée.
Dans une lettre de plaidoyer dont le Jour a reçu copie, des étudiants de nos Universités d’Etat expriment leur « vive inquiétude face aux difficultés croissantes qu’ (ils rencontrent) pour accéder aux études doctorales », au Premier ministre de la République. « Nous sommes nombreux à faire face à des obstacles insurmontables pour (nous) inscrire en thèse », expliquent-ils, précisant que « la situation qui perdure depuis trois ans compromet gravement (leurs) ambitions de devenir des chercheurs, enseignants et experts, capables de contribuer activement au développement de notre nation ». Dans un contexte où l’on regrette la fuite continuelle des cerveaux, « les plus chanceux » n’ont que l’exil académique, comme bouée de sauvetage. Les plaideurs refusent d’être des « spectateurs passifs du devenir » de leur pays. « L’ouverture des inscriptions en thèse pour les titulaires de Master 2 serait un pas décisif vers la réalisation de cette vision commune [celle du Chef de l’Etat, Paul Biya], en permettant aux jeunes diplômés de contribuer de manière significative et constructive à la société camerounaise », tentent-ils de faire accepter au Premier ministre. Ils s’engagent même à collaborer aux « modalités pratiques » de cette ouverture, pour ne pas être contraints d’aller chercher ailleurs ce que leur pays peut bien leur offrir.
Abordant la question, le 20 septembre 2024, le Secrétaire national chargé de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation technologique du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc) avait parlé d’un sacrilège, comparant le Cameroun à « une mère qui prépare pour les autres mais qui dort affamée ». Le Pr. Calvin Tadmon relevait que « c’est dans ce cycle que sont formés des chercheurs capables de contribuer à l’innovation et au progrès, mais aussi de renforcer la compétitivité de notre système universitaire au niveau international ». Dès lors, « la suspension des sélections en thèse de doctorat a des conséquences très néfastes telles que la stagnation des projets de recherche et la limitation des opportunités pour de nombreux candidats talentueux, désireux de poursuivre leurs études post-Master ».
« Inquiétude, incertitude et désespoir »
Le 17 juillet 2023, le ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo avait ordonné aux recteurs des Universités de suspendre les sélections pour le cycle de doctorat pour l’année académique 2023/2024, « jusqu’à nouvel ordre ». A l’époque, il disait tenir l’ordre du Premier ministre, auquel ces jeunes recourent maintenant. Chaque recteur était sommé de lui présenter entre autres, la capacité d’encadrement en cycle doctoral de son institution, le coût de la tenue des jurys de soutenance de thèse ; les informations relatives à la prise en charge des dépenses liées à l’encadrement et la tenue des jurys sur les trois dernières années, en précisant les dettes éventuelles ; les pièces justificatives des prises en charge du paiement effectif des prestations d’encadrement et de soutenance des thèses pour la même période pour l’ensemble des établissements et écoles doctorales relevant de leur institution ; et surtout justifier de l’existence des lignes budgétaires dédiées à la prise en charge desdites activités.
Le calendrier de l’année académique 2024/2025 suggérait vers la fin de son énoncé, la possibilité de reprendre les recrutements en doctorat. Rien ne s’est passé depuis lors. Or chez nous, de nombreux étudiants trompent le chômage en faisant la recherche. « La prolongation de cette suspension va inexorablement entraîner et accentuer le décrochage académique forcé ou alors la fuite des cerveaux vers d’autres pays où les opportunités de formation doctorale demeurent accessibles », accusait le responsable du Mrc. « Les autres, n’ayant pas ces opportunités, se retrouvent souvent désœuvrés, exposés aux risques de la délinquance, du désordre social et de la consommation des substances illicites », rappellent les signataires de cette curieuse plaidoirie.