16 avril 2012 – 16 avril 2022.

Marafa Hamidou Yaya, 10 ans derrière les barreaux

Evocation de la décennie rocambolesque de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République.
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Courant juillet 2008. Marafa Hamidou Yaya est ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd).

 

Dans un rapport des élites de la Région du Sud adressé au Président de la République, Paul Biya, le Minatd est accusé de nourrir « l’ambition d’un grand destin national » et de mettre « progressivement » sur pied une « stratégie de conquête du pouvoir ».

Les ennuis de Marafa vont se préciser lorsqu’en février 2010, il fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire national. Une mesure qu’il découvre au moment où il conduit une délégation interministérielle à Bertoua. Le 9 décembre 2011, deux mois jours pour jours après sa réélection à la tête de l’Etat, Paul Biya remanie le gouvernement.  Marafa Hamidou Yaya est écarté de la nouvelle équipe gouvernementale formée par le président de la République fraichement réélu.

 

Dès janvier 2012, des rumeurs persistantes annoncent son arrestation. Trois mois plus tard, le 16 avril 2012, vers 9h00, Marafa Hamidou Yaya se rend au Cabinet du juge d’instruction du Tribunal de grande instance (Tgi) du Mfoundi, Pascal Magnaguemabe (aujourd’hui révoqué du corps de la magistrature) pour répondre à la convocation qui lui a été adressée quelques jours plus tôt.

Ce 16 avril là, vers 12h, Pascal Magnaguemabe délivre un mandat de détention provisoire contre Marafa Hamidou Yaya. Dans la foulée, il est écroué à la Prison centrale de Yaoundé à Kondengui.

Marafa, « Président »

Le 30 avril 2012, deux semaines après son arrestation, en pleine instruction de son dossier, du fond de son cachot, Marafa ouvre le cycle de ses Lettres Ouvertes au président de la République et aux Camerounais.

 

Dans cette première du genre, il prévient, s’adressant au Chef de l’Etat : « Vous comprenez donc qu’ayant recouvré ma liberté de parole car n’étant plus tenu par une quelconque obligation de solidarité ou de réserve, je puisse exposer, échanger et partager avec tous nos compatriotes mes idées et mes réflexions que je vous réservais en toute exclusivité ou que je ne développais qu’au cours des réunions à huit clos. Ces idées et ces réflexions portent particulièrement sur la paix et la justice », écrivait-il.

S’en est suivi une intense activité épistolaire fréquente dans la presse nationale et internationale.  Transféré en détention dans le camp militaire du secrétariat d’Etat à la Défense (Sed) le 25 mai 2012, rien n’arrêtera Marafa dans la diffusion de ses pamphlets.

Au terme de l’information judiciaire, il est imputé à Marafa Hamidou Yaya des détournements de deniers publics en coaction dans l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel. Renvoyé en jugement pour répondre de cette accusation, le procès de Marafa s’ouvre le 16 juillet 2012. Le juge Gilbert Schlick qui, deux mois plutôt, avait acquitté Jean-Marie Atangana Mebara pour « faits non établis » préside les audiences. Le « procès Marafa » comme baptisé par la presse connait un grand engouement du public. Chacune des arrivées de l’ancien ministre au Palais de justice de Yaoundé, sous forte escorte mixte (gendarmerie et police), se fait sous des applaudissements retentissants de la foule massée à l’extérieur et à l’intérieur de la salle d’audience. « Marafa Président », scandait-on.

Le 22 septembre 2012, l’ancien secrétaire général de la Présidence de la République est condamné à 25 ans de prison pour « complicité intellectuelle », un délit, jusqu’ici inexistant dans les sanctions pénales. Marafa Hamidou Yaya se pourvoit en cassation.

 

Pour le département américain, Marafa Hamidou Yaya est un prisonnier politique. Le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU, quant à lui, dénonce les nombreuses irrégularités dans la procédure à son encontre et demande sa libération et la réparation du préjudice subi.

Jeannette Marafa

Il a fallu 4 ans pour que la Cour suprême se prononce après le jugement rendu en premier ressort. Le 18 mai 2016 à 5h du matin, la Haute Juridiction réduit de 5 ans la peine prononcée par le Tgi du Mfoundi. Marafa écope de 20 ans de prison. Les voies de recours juridico judiciaires sont épuisées. « Encore une fois, la vérité factuelle, simplement factuelle, est que je suis innocent. Je suis un homme qui a servi son pays et son peuple, un homme qui sans doute a commis des erreurs mais n’a jamais volé ni personne ni l’Etat », déclarait Marafa Hamidou Yaya devant la Cour suprême au terme de son procès.

Marafa a continué de donner des nouvelles de lui à travers ses sorties dans la presse tant locale qu’étrangère. En janvier 2018, un audio de Marafa est diffusé sur Rfi. Ce qui suscite l’ire du gouvernement.  Ses conditions de détention se durcissent. Ses visiteurs ont été réduits sur décision de ses geôliers. Sa santé s’est littéralement dégradée.

 

Les chocs émotionnels qu’il aura vécu en 10 ans passés en cellule ne sont pas moindre.  Entre autres : la perte de son épouse, Jeannette Noora Marafa, le 25 août 2017 à Paris où elle a été enterrée, l’assassinat de sa secrétaire, proche et confidente, Christiane Yvette Soppo Mbango en janvier 2014 (les assassins courent toujours).

 

Et il y a une semaine, le décès de son grand ami, un fidèle parmi les plus fidèles, Emmanuel Ekwalla Dibotti.

Flore Edimo

Claude Tadjon

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