Justin Bowen : “Manu Dibango avait la dimension d’un chef d’Etat”

Manu Dibango

 

 L’un des plus grands saxophonistes du monde est décédé le 24 mars 2020. Il a laissé un héritage musical et culturel immense. Justin Bowen, son ancien chef d’orchestre évoque sa mémoire.

 

Qui était le musicien Manu Dibango ?

Manu Dibango était non seulement un maître, mais aussi une institution. Il manageait une grosse machine humaine pour procurer du bonheur au public. Nous musiciens étions dans une école spirituelle et musicale. A travers des musiques Camerounaises, il nous apprenait à jouer du Manu, du Camerounais.

Ça peut paraître égoïste et peut être limité ?

Non du tout. Manu voulait que chacun de nous ai sa propre identité musicale et trouve son langage sans imiter platement les autres. Et surtout que nous ne perdions pas notre africanité. Manu avait le souci de perpétrer l’identité musicale Camerounaise dans le monde entier. Voilà comment m’est venu l’idée de développer des mélodies africaines dans du jazz. Ma chanson « Mama Marcelle » en est une illustration. Je pense qu’il a d’ailleurs réussi son pari. La preuve sa chanson Soul Makossa se danse dans le monde entier. La chanson a même été plagiée par un autre géant de la musique. Au-delà du musicien… Manu était un bon manager et quelqu’un de très humain. Il avait compris l’humain et savait le gérer. Une qualité que nos dirigeants ont perdue aujourd’hui. Manu sentait les choses venir et anticipait. Même nos manquements sur scène, il savait comment les rattraper sans toutefois nous frustrer. Chacun de ses messages était ciblés et, il ne riait pas pour rien. D’où sa complicité avec ses choristes Sissy et Florence. C’est comme s’il lisait dans nos idées. Combien de fois j’ai eu secrètement envie qu’il me laisse faire un solo pendant un spectacle et comme par enchantement je l’entends dire : Juste vas-y. Il m’appelait Juste au lieu de Justin. Certains collègues ont eu la même expérience.

Qu’est ce qui pouvait énerver Manu Dibango ?

Manu avait horreur de l’injustice. Il était très déçu du comportement de certains musiciens à qui il a tenu la main. Parfois, il me disait, Juste chaque fois que tu fais du bien ça te retombe dessus. Pourtant Manu avait une très grande longueur d’avance sur son temps. Malheureusement il était incompris. En voulant nous aider dans la gestion de nos droits, il s’en ait pris plein la face. Il a abandonné à regret son Piano-Bar au Cameroun où il a fait venir des sommités tel que l’organiste Américaine Rhoda Scott et le célèbre pianiste Américain Menphis Slim. A un moment donné, son épouse Coco lui a dit écoute tu serviras mieux ton pays de l’étranger. Je pense d’ailleurs qu’elle avait raison.

Il y en a qui pensent qu’en fin de compte, Manu Dibango n’a rien apporté au Cameroun ?

Manu avait la dimension d’un chef d’Etat. Même après son décès, nous n’avons toujours pas compris qui il était. Manu était un grand homme qui avait tout simplement compris la mentalité de certains Camerounais. Ils dénigrent sans raison et se battent pour occuper la place des autres, même si au fond ils n’ont pas d’étoffe. Manu n’aimait pas les «Salamalecs». Il préférait de loin des gens qui lui tiennent tête. Je pense d’ailleurs que c’est la raison pour laquelle, il m’a fait confiance en me désignant chef d’orchestre de la Soul Makossa Gang.

D’ailleurs comment avez-vous rejoint la Team Manu ?

J’intègre le groupe en 1984. Manu voulait un pianiste Africain et Sissy Dipoko qui était sa choriste nous a présentés. Après l’audition, ça aussitôt pris et pendant 6 ans j’ai eu du plaisir d’être aux côtés de Manu.

 Et si Manu était devant vous aujourd’hui ?

(Emotion-silence…) Je lui aurais demandé qu’on fasse un duo, lui au vibra et moi au piano. Et pourquoi pas avec Vincent Nguini à la guitare et Félix Sabal Lecco à la batterie. Et dire que nous avions ça en projet. Mais la vie en a décidé autrement. Love you my bigs brothers.

Propos recueillis par Cathy Yogo, sur l’île de Ré

Cathy Yogo

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