
Ce qui s’est passé à Souledé-Roua. Deux chercheurs et leur guide ont été brûlés dans l’arrondissement de Souledé-Roua, dans le Mayo-Tsanaga, le 2 mars 2025, alors qu’ils étaient en mission de recherche dans cette zone frontalière avec le Nigeria et cible des attaques de Boko-Haram.
L’identité des trois personnes brûlées vives par les populations de Souledé-Roua, dans le Mayo-Tsanaga est connue. Il s’agit de Bello Bienvenu et Fréderic Mounsi. Tous deux chercheurs. Le troisième, leur guide était conducteur de mototaxi. Selon les premiers éléments de l’enquête en cours et que mène la gendarmerie, les deux premiers cités se sont retrouvés dans cette localité dans le cadre de travaux de recherche. Docteur Bienvenu Bello, moniteur à la Faculté des sciences (FS) de l’université de Garoua, au département de la terre et de l’environnement s’y est rendu pour ses travaux de recherche et pour une organisation non gouvernementale (ONG).
Fréderic Mounsi, chercheur hydrologue à l’antenne régionale de l’Institut de recherches géologiques et minières du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation (MINRESI), et animateur à la radio catholique Sainte Marie Madeleine de Garoua, également pour les mêmes causes. Les deux hommes vont se rendre à Souledé Roua à bord d’une moto empruntée à Maroua dans le cadre des recherches de terrain. Le conducteur sera lui aussi brûlé avec les deux chercheurs accusés par les membres du comité de vigilance de Souledé-Roua, d’être au service de BokoHaram. Selon la version des faits racontée par la population de Souledé-Roua, les trois hommes ont été arrêtés à bord d’une moto avec cinq autres personnes, qui seraient volatisées, rien ne confirme cette version. Alertés, les membres du comité de vigilance et quelques personnes vont se ruer sur les trois personnes qu’ils suspectaient d’être des membres de la secte nigériane Boko-Haram. « Ils étaient suspects pour nous. Ils ont été encerclés et attachés autour d’un arbre pour leur demander ce qu’ils font ici.
Les autres personnes ont pris fuite », raconte Jacob D, un habitant de Souledé-Roua, joint au téléphone par le Jour. Selon ce témoin de la scène, la réaction de la population est partie des atrocités qu’elle subit de la part de Boko-Haram. La suite du sort réservé aux trois jeunes hommes est cruelle et atroce. Ils vont être ligotés, brûlés vifs et des images vidéos filmées et envoyées sur les réseaux sociaux. Dans les commentaires qui accompagnent la vidéo, les populations parlent de complices de Boko-Haram, sans y apporter la moindre preuve. Malgré les supplications des deux chercheurs, ils seront brûlés par la population. Selon d’autres sources de votre journal à Souledé-Roua, Fréderic Mounsi, qui s’exprime bien en Mafa a tenté vainement d’expliquer leur présence et a présenté ses pièces d’identité aux villageois. C’était peine perdue. Selon nos sources, les trois corps calcinés ont été enterrés dans une fosse commune après l’arrivée du commandant de la compagnie de gendarmerie de Mokolo. Selon d’autres témoins de la scène atroce de mise à mort des trois victimes, les chercheurs auraient été reçus par le Lawan du village. C’est ce dernier qui a mobilisé les villageois à leurs trousses une fois sur le terrain, comme quoi, « ils n’ont pas l’air bien ».
Selon une source proche de l’enquête en cours, certains villageois connaissaient déjà les deux visages qui ont séjourné par deux fois à Souledé-Roua. Ce qui renforcerait le mystère. Le mercredi 5 mars 2025, les autorités administratives et les enquêteurs de la gendarmerie du Mayo-Tsanaga ont informé les familles des deux chercheurs vivants tous à Garoua, dans la région du Nord du drame de Souledé Roua. C’est la consternation. À la radio catholique Sainte Marie Madeleine de Garoua, les amis et connaissances de Fréderic Mounsi portent le deuil. Idem au sein de la communauté scientifique et universitaire de Garoua. À Mokolo, chef-lieu du département du Mayo-Tsanaga, c’est le branle-bas au sein des services de sécurité et administratifs. Le préfet du Mayo-Tsanaga, tout comme les chefs militaires auraient découvert la scène de mise à mort des deux chercheurs et leur guide sur les réseaux sociaux. Une enquête est ouverte par l’autorité administrative et le parquet de Mokolo. L’enquête est confiée à la gendarmerie. Sur place, c’est la désolation et la consternation pour les enquêteurs qui découvrent l’horreur et la barbarie. Après fouille des sacs, l’identité des deux chercheurs a été découverte. Une source proche de l’enquête a confié sous anonymat que les premiers éléments de l’enquête font état de ce que les deux chercheurs ont été victimes d’abord d’une tentative d’agression.
C’est après que l’un des agresseurs va crier « Boko-Haram. Par la suite, la population va sortir en masse. La suite nous la connaissons déjà » ajoute notre source. Aujourd’hui, chacun se rejette la responsabilité de ce drame. Les autorités administratives disent n’avoir pas été saisies par les deux chercheurs signalant leur présence et la population aussi qui d’habitude informe toujours les forces de défense et sécurité (Fds) déployées dans la zone de toute présence. Joint au téléphone par le Jour, Jean Bosco Avom Dang, le préfet du Mayo-Tsanaga s’est refusé à tout commentaire sur ce qu’il considère comme une malheureuse affaire. « La peur des attaques de Boko-haram pousse désormais les populations locales à une extrême méfiance envers toute personne étrangère à leur village » avait déclaré le préfet du Mayo-Tsanaga dans un message au gouverneur de la région de l’Extrême-Nord. Selon l’autorité administrative, une double enquête administrative et judiciaire a été ouverte pour déterminer les circonstances de ce drame et identifier les responsables de ce crime odieux perpétré sur deux chercheurs camerounais et un conducteur de mototaxi.