Cette année, les difficultés semblent s’accentuer, touchant divers types de familles (monoparentale, polygamique, recomposée). Cette enquête révèle les obstacles financiers, organisationnels, émotionnels et de santé auxquels elles font face, dans la ville.
La rentrée scolaire approche à grands pas. Chez Joséphine Enkam, les préparatifs restent en cours. Certains cahiers, cartables, et stylos ont déjà été achetés. Le défi majeur demeure celui des frais de scolarité de Ange, Esther et Arthur, ses trois derniers enfants qu’elle scolarise encore au primaire et au secondaire. « La rentrée est difficile, mais je la prépare très souvent en avance. Je suis veuve et je ne reçois pas d’aide. Je braise du poisson. C’est de cette manière que je me bats pour m’en sortir avec les enfants », indique-t-elle. Après le décès de son époux il y a 8 ans, la quarantenaire subvient toute seule aux besoins de ses fils. De lundi à dimanche, elle commercialise du poisson grillé, non loin de son domicile, en fin de soirée, au quartier Messassi. « Je représente le père et la mère pour mes enfants. J’ai l’obligation de chercher ce qu’ils doivent manger au quotidien ».
La vente de poissons n’est pas son seul moyen de gagner de l’argent. Elle effectue également des épargnes à la banque et intègre des réunions qui lui permettent de mieux gérer ses revenus. « Je rencontre trop de difficultés. Tu épargnes, le jour où tu dois recevoir ton argent, la date est reportée. On te demande t’attendre la semaine suivante. A défaut, c’est une somme insuffisante qu’on te remet à main levée », déplore-t-elle. Ces 9 mois de cours intenses qui débutent dans quelques jours anéantissent aussitôt les efforts de la native de Bafang. « Ça m’épuise moralement et physiquement. Si je n’avais pas de grands enfants qui me donnent des coups de main par moments, je ne sais pas où j’en serai ». Les difficultés que rencontre la famille Enkam sont d’ordres organisationnel et financier. Les lourdes responsabilités qu’a laissées le défunt Enkam, parti trop tôt, ont un impact sur la disponibilité de Joséphine Enkam, pour le suivi des enfants. Elle précise : « Je n’accompagne pas mes enfants dans leurs études. A l’heure à laquelle je travaille, je cherche l’argent, ils étudient tout seuls ». Dans cette famille monoparentale, les enfants ressentent également ce manque de soutien académique : « Je vois que maman est stressée, alors j’essaie de ne pas demander trop de choses », explique Ange, 14 ans.
L’indisponibilité des manuels scolaires
Les familles distantes comme celle de Abessolo, où le chef de famille travaille à l’extérieur du pays, ne sont pas exemptes de défis. « Je peine en longueur de journée pour chercher les livres des enfants qui sont pour la plupart introuvables. Si le libraire ne te parle pas du stock limité, il dit qu’ils n’ont pas encore été ravitaillés. Les enfants doivent débuter les cours avec l’essentiel des livres », souligne Francine Emilienne, la mère. Pour cette dernière, l’absence de communication régulière et le soutien de son époux sont les principaux freins aux préparatifs de la rentrée scolaire des enfants. « Il n’est jamais présent pour soutenir nos enfants », confie-t-elle. Quelques mois après le départ de son conjoint, celui-ci donne de moins en moins des nouvelles et ne se soucie plus de l’avenir de ses six enfants. Même les coups de fil à répétition ne suscitent aucune inquiétude de sa part. « L’année dernière, il ne s’est pas comporté de la sorte. Je ne sais pas s’il a également des difficultés là-bas mais la moindre des choses serait qu’il fasse au moins signe de vie, surtout comme la rentrée est déjà là », relève la femme au foyer. L’infidélité de son partenaire et la rentrée scolaire de ses progénitures semblent vraiment la préoccuper. « Mon esprit n’est pas tranquille », se lamente-t-elle. Les enfants, quant à eux, sont heureux pour les fournitures déjà acquises et sont éprouvés par le manque de disponibilité de leur père. « Papa me manque beaucoup », déclare Yohan, le benjamin.
Pour sa part, Carine Menounga fait désormais partie d’une famille recomposée. Elle a trouvé refuge chez son compagnon Victor Menounga Eyala, il y a 2 ans. Cette année encore, le couple fait face au stress de la rentrée scolaire. « Les préparatifs nécessitent un important financement surtout pour nous qui avons plusieurs enfants. Nous avons besoin de plus de ressources pour aider nos enfants à poursuivre leurs études et s’intégrer dans la vie active. Avec la difficulté à trouver de bons établissements, les coûts des uniformes, les scolarités qui sont de plus en plus élevées, il faudrait avoir les pieds sur terre », mentionne la jeune dame.
Pour soutenir les différentes familles en difficultés, certains établissements font recours à des réductions sur le paiement des frais de scolarité et d’autres services. Au collège bilingue privé laïc les Chanterelles situé à Nkolmesseng, tous les anciens élèves bénéficient cette année d’une réduction de 10.000 Fcfa sur frais de scolarité, les nouveaux d’un uniforme scolaire et d’une tenue de sport gratuitement. « Les nouvelles familles qui inscrivent plusieurs enfants, profitent également de cette réduction. Vu les difficultés des parents, c’est ce que nous avons prévu pour les motiver », révèle Gyrolle Pharell Siaken, l’intendant. A quelques mètres de là, le collège Nestor Toukea offre aussi 5% de réduction à tous ceux qui s’inscrivent dans leur établissement. D’après Stéphanie Sobgwi, psychologue, les parents peuvent parler aux enfants de leurs difficultés et les rassurer par leur attitude positive. « Il ne s’agit pas de leur passer votre stress, mais de leur faire prendre conscience que la vie est un combat face auquel vous ne baissez pas les bras. Cela les prépare mieux à affronter les vicissitudes de la vie ».
Polémique autour des frais d’APEE
D’autres familles essaient de collaborer étroitement avec les écoles pour assurer une rentrée réussie à leurs progénitures, mais la question des frais imposés par l’Association des parents d’Elèves et Enseignants (APEE) dans les écoles primaires et secondaires suscitent des inquiétudes. Les parents et les élèves critiquent l’augmentation de ces frais APEE, qui sont obligatoires. Patrick Mballa s’écrie : « Ma fille m’a fait comprendre que ces frais ont été maintenus. Les responsables menacent d’exclure les élèves qui ne paieront pas. Le ministre des Enseignements Secondaires (Minesec) avait pourtant suspendu ces frais, pourquoi reste-t-il encore en place ? Ils vont finir par nous asphyxier ». Cette famille nucléaire (composée d’une mère, un père et leurs enfants) dénonce non seulement les coûts élevés des pensions scolaires mais aussi la mauvaise gestion des frais APEE.
Les identifiants uniques des élèves tardent
Du côté de Ibrahim, père de 11 enfants issus de deux mariages, la préparation de la rentrée scolaire est une routine. « Tant que je suis en vie, j’assumerai toujours mes responsabilités. Mes épouses sont là comme mes conseillères. Elles ne travaillent pas ». Et d’ajouter : « Il est difficile de s’assurer que chaque enfant a tout ce dont il a besoin en cette période ». Dans cette famille polygamique, les enfants ressentent à la fois des pressions sociales et des jalousies maladives lorsqu’ils n’obtiennent pas ce que leurs demi-frères ont. « Ils veulent avoir les mêmes choses que leurs frères. Mais je ne peux pas céder à toutes leurs caprices. J’ai tellement des choses à gérer. Les identifiants uniques des élèves tardent. C’est ce qui préoccupe pour l’instant. Je dois payer la scolarité de mon fils », dit-il. Ce matricule national initié par le Minesec est un identifiant unique qui permettra d’attester de l’appartenance à un établissement notamment dans
Roseline Ewombe Eboa (Stagiaire)