Des préparatifs conséquents pour faire du festival biennal du peuple Bamoun un acteur majeur de l’intégration nationale au Cameroun.
Quatre mois séparent encore de l’événement, mais c’est comme si le Nguon, l’emblématique festival du peuple Bamoun, à l’Ouest du pays, se tient demain. Depuis que la décision a été prise de le sortir de son antre habituel de Foumban (Foumbot et Njimom) pour l’étendre aux arrondissements de Kouoptamo, Koutaba et Magba, les populations de ces dernières localités accueillent chaque jour des exécutifs de la Fondation Nguon, venus pour des réglages. C’est que dans ce Cameroun, souvent appelé « Afrique en miniature » en raison de ses nombreuses facettes culturelles, le Nguon entend se distinguer comme un élément culturel emblématique, en favorisant l’interculturalité et l’unité nationale. « Enraciné dans la culture Bamoun, le Nguon ambitionne de dépasser les frontières ethniques et régionales pour devenir un symbole de cohésion et de partage », confie un membre du comité d’organisation.
Institution traditionnelle ancestrale de la communauté Bamoun, le Nguon fut créé au 14ème siècle par le roi Nchare Yen, dans le but initial de permettre au roi de recueillir les avis de ses sujets, de rendre justice et de renforcer la cohésion sociale. On rapporte que cette collecte ne distinguait ni ethnie, ni tribu, encore moins l’origine. Elle se faisait déjà dès son origine, auprès de toutes les populations. Aujourd’hui, le Nguon est célébré tous les deux ans à Foumban et toutes les localités environnantes, attirant des milliers de participants et visiteurs de tout le pays et au-delà. Articulé autour d’éléments culturels variés comme les cérémonies rituelles, les danses patrimoniales, les chants, les défilés et des compétitions sportives, le Nguon met en lumière le riche patrimoine Bamoun tout en accueillant les contributions des autres communautés camerounaises.
De l’héritage ancestral à l’interculturalité
Les participants revêtent des costumes traditionnels, chaque communauté apportant ses propres couleurs et motifs, créant ainsi une mosaïque culturelle unique. Lors de l’édition 2014, une troupe de danseurs pygmées a été invitée à se produire, illustrant l’ouverture du Nguon à toutes les cultures du Cameroun. En 2018, la communauté Sawa a conquis le public avec un défilé en pirogue. L’édition précédente avait célébré la participation de la communauté sœur Nso’ du Nord-Ouest. De la sorte, le Nguon rassemble des personnes de différentes origines communautaires, religieuses et sociales, favorisant les échanges et la compréhension mutuelle. La célébration est une plateforme où chaque groupe peut partager ses traditions et ses valeurs, enrichissant ainsi le tissu culturel national. « Le Nguon est un moment de partage et de découverte. On y apprend beaucoup sur les autres cultures du Cameroun, témoigne un participant venu de Douala. Nous sommes en train de nous mobiliser pour une participation riche et dense lors des prochaines célébrations ».
Les interactions et collaborations entre diverses communautés renforcent les liens sociaux et contribuent à la paix et à l’unité du pays. Le Nguon offre une occasion de dialogue et de coopération entre les différentes communautés, renforçant le tissu social et contribuant à la stabilité du pays. Lors de la tournée nationale de sensibilisation sur l’élément culturel Nguon dans les 10 régions du Cameroun, en 2018, les organisateurs rapportent avoir retrouvé des pratiques culturelles similaires.
Des affaires aussi
Surtout, le Nguon a un impact social et économique significatif. Les célébrations attirent des visiteurs et des touristes, stimulant ainsi l’économie locale, nationale et internationale. Les artisans, commerçants et artistes de tout le pays profitent de cette affluence pour vendre leurs produits et services, créant des opportunités économiques pour les habitants du Noun et irradiant toute la région de l’Ouest. Pour loger les milliers de participants aux activités du Nguon, les hôtels sont requis jusqu’à Dschang, Bafoussam et Bangangté. Du 29 novembre au 8 décembre 2024, 10 jours plutôt que 7 autrefois, le 548ème Nguon donnera l’occasion aux visiteurs d’assister, à Foumban et d’autres localités environnantes, aux cérémonies, défilés et spectacles culturels. Des stands de vente d’artisanat et de spécialités culinaires sont annoncés, offrant une immersion totale dans la culture camerounaise. Sans oublier les stands pour entreprises et communautés, généralement présents.
Malgré son succès, le Nguon fait face à d’énormes défis. Si la modernisation et l’urbanisation menacent de diluer les traditions, les tensions politiques internes au Noun entravent parfois l’esprit d’unité de cette célébration multi-centenaire. Néanmoins, les initiatives de promotion et de sauvegarde du Nguon, telles que l’inscription sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco et les efforts des autorités locales et des organisations culturelles, permettent d’assurer sa pérennité. Le futur du Nguon réside dans sa capacité à s’adapter tout en préservant son essence, continuant ainsi à jouer un rôle central dans l’interculturalité au Cameroun.