la rédaction
Le décès de Kunde Emmanuel relance la problématique du suivi des icônes du sport au Cameroun.
Le décès récent d’Emmanuel Jérôme KUNDÉ, icône du football camerounais, relance de manière poignante la problématique du suivi et de l’accompagnement des anciennes gloires du sport au Cameroun. Ce n’est malheureusement pas un cas isolé, et l’histoire sportive de notre pays est jalonnée de situations similaires où des athlètes ayant porté haut les couleurs nationales se retrouvent confrontés à des difficultés une fois leur carrière terminée. Il faut très souvent avoir recours à la magnanimité du Chef de l’État pour pourvoir à certains besoins cruciaux, comme il en a été des Logements SIC offerts gracieusement aux Lions Indomptables de l’épopée ITALIA 90. La problématique du suivi des icônes du sport au Cameroun se manifeste à plusieurs niveaux : Précarité post-carrière : De nombreux sportifs, même ceux qui ont connu la gloire, se retrouvent sans ressources une fois leur carrière terminée.
Le manque de possibilités de reconversion professionnelle, l’absence de plan de retraite ou de sécurité sociale adéquate, et parfois une mauvaise gestion de leur patrimoine pendant leur période faste, les plongent dans la précarité. Emmanuel Jérôme KUNDÉ, comme d’autres avant lui, a connu des moments difficiles après avoir raccroché les crampons. Manque de reconnaissance institutionnelle et financière : Bien que l’État et les fédérations saluent souvent les performances de ces icônes, la reconnaissance se limite parfois aux hommages et aux médailles, sans se traduire par un accompagnement concret et durable. Les soutiens financiers sont souvent sporadiques et ne suffisent pas à assurer une vie digne à ces anciens athlètes, surtout lorsqu’ils font face à des problèmes de santé ou autres. Santé et prise en charge médicale : Les carrières sportives de haut niveau sont exigeantes et peuvent laisser des séquelles physiques. Le manque d’un système de prise en charge médicale spécifique et continue, même parfois pendant la période active du joueur, est un problème majeur.
Lorsqu’ils sont malades, beaucoup peinent à accéder à des soins de qualité, et les coûts peuvent rapidement devenir astronomiques. Absence de programmes de reconversion : Il y a un manque criant de structures et de programmes dédiés à la reconversion des sportifs. Une fois qu’ils ne peuvent plus jouer, il est essentiel de les accompagner vers de nouvelles carrières (entraîneur, formateur, dirigeant sportif, etc.) ou de les aider à développer des compétences dans d’autres domaines. Le sport offre de nombreux métiers pour lesquels ils doivent se préparer. Des structures existantes peuvent les intégrer : CNOSC, MINSEP, ANAFOOT, ONIES, CRTV, pour ne citer que celles-là… Perte de mémoire sportive et valorisation : Au-delà de l’aspect matériel, il y a aussi une problématique de la « mémoire sportive » au Cameroun. Cet état d’oubli est sans doute la manifestation la plus cruellement ressentie ou vécue par les acteurs. Les générations actuelles connaissent parfois mal ces légendes. Leur expérience et leur savoir ne sont pas toujours mis à profit pour l’encadrement des jeunes talents. Solutions et pistes de réflexion : Le décès d’Emmanuel Jérôme KUNDÉ doit servir de catalyseur pour des actions concrètes et durables : Création d’un fonds de soutien aux anciens sportifs : Similaire au Fonds National de Développement du Sport, un fonds spécifique pourrait être créé pour assurer une aide financière, sociale et médicale aux anciennes gloires. Ce fonds pourrait être alimenté par des contributions de l’État, des fédérations, du secteur privé (sponsoring social) et des citoyens. Le Pr Joseph OWONA, alors président du Comité de Normalisation de la FECAFOOT avait signé une décision (Décision No 250/FCF/PCN/2014), pour une solution possible, qui n’a cependant jamais été mise en application.
En 2018, une commission AD-HOC, composée d’anciens Lions indomptables, mise sur pied par Maitre HAPPY DIEUDONNE, Président du Comité de Normalisation suivant, a également relevé la pertinence des conclusions du Pr. Émérite. Ces conclusions n’ont toujours pas été suivies d’effet. Programmes de reconversion et de formation continue : Mettre en place des dispositifs pour aider les sportifs à préparer leur après-carrière, en leur offrant des formations qualifiantes et des opportunités d’emploi dans le domaine sportif ou ailleurs. Assurance maladie et couverture sociale dédiée : Développer des mécanismes d’assurance maladie et de sécurité sociale adaptés aux besoins spécifiques des athlètes, y compris après la fin de leur carrière. Utilisation de leur expérience : Impliquer davantage les anciennes gloires dans le développement du sport national, en les nommant à des postes de formateurs, de conseillers techniques, ou d’ambassadeurs du sport, ce qui leur permettrait de rester actifs et de transmettre leur savoir. Mémoire et valorisation de leur héritage : Créer des musées du sport, des biographies, des documentaires pour préserver et transmettre la mémoire de ces athlètes, et inspirer les jeunes générations. Le cas d’Emmanuel Jérôme KUNDÉ est un rappel douloureux de la nécessité d’une politique plus humaine et proactive envers ceux qui ont tant donné pour le rayonnement du Cameroun à travers le sport. Il est impératif que les autorités sportives et gouvernementales prennent des mesures concrètes pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.
*Ancien Lion Indomptable, expert CIO en gestion des organisations sportives olympiques
