
La petite affaire fonctionnait normalement, business as usual, après que les organisateurs eussent mis hors du jeu, celui qui était considéré comme l’adversaire le plus gênant. Et puis l’histoire s’est mise à bégayer… Depuis le 12 octobre dernier, ce qui sort des urnes explose en pleine figure des gens du groupe au pouvoir, qui ne s’attendaient pas sûrement pas à une réaction absolument en dehors du canevas pavlovien qu’ils avaient mis en place.
Au-delà des personnes, loin des patronymes, les camerounais ont exprimé dans les urnes dimanche dernier quelque chose de radical et de difficile à contenir : un vomi. Le vomissement d’un groupe et de son système, qui ont saccagé leurs vies et qui confisquent l’avenir de leurs enfants. Avec le mépris et le dédain en plus. Les Camerounais se sont inscrits massivement et sont allés voter, en faisant fi des vieux schémas ethniques sur lesquels les stratégies du groupe au pouvoir sont fondés. Qui plus est, ils sont restés attentifs au sort de leur geste citoyen, en contrôlant, depuis le décompte des voix dès le bureau de vote, le sort de leur bulletin.
Cette attention citoyenne accrue s’est naturellement heurtée à la ruse des rouages d’un système électoral conçu et réglé pour concéder la victoire à un seul : le totem éternel. Ces dernières heures, à Garoua, Dschang, Douala, Limbe …Ont eu lieu des incidents plus ou moins graves, avec tous un point commun : la dispute sur la sincérité des décomptes de voix de cette élection, dont on attend toujours les résultats, près d’une semaine après le scrutin. Ici aussi, le Cameroun reste une curiosité mondiale. On ne se refait pas : « le Cameroun, c’est le Cameroun ».
Il est sans doute utile de se pencher sur les fondements de ce qui se passe chez nous, car c’est la vérité des urnes qui est le ferment de la paix républicaine. Dans toute démocratie digne de ce nom, les tensions postélectorales ne naissent pas des partis, des militants ou des électeurs eux-mêmes. Elles trouvent leur origine dans les failles du processus électoral, lorsque celui-ci manque de rigueur, de transparence ou d’équité. La responsabilité première incombe aux institutions en charge de l’organisation des élections. Ce sont elles qui garantissent — ou non — la crédibilité du scrutin. Ce sont elles qui détiennent les clés de la confiance collective.
Car lorsque le vote est organisé dans le strict respect des normes de légalité, de justice et de transparence, la vérité électorale s’impose avec la force tranquille de l’évidence. Elle ne laisse place ni à la contestation, ni au soupçon, ni à la révolte. Il n’est point besoin de réprimer les foules en colère lorsque la vérité a été dite et reconnue par tous. La légitimité née d’un scrutin incontestable est le plus puissant rempart contre l’instabilité. La légitimité ne s’inflige pas à l’autre. Elle s’impose d’elle-même, du fait de ce qu’elle est issue d’un processus clair et admis par tous. C’est pourquoi les institutions électorales portent une responsabilité historique : celle de faire naître, à travers chaque élection, une vérité qui rassemble au lieu de diviser, qui apaise au lieu d’enflammer.
Loin d’être une simple procédure technique, l’organisation électorale est un acte régalien, un engagement solennel envers le peuple. Car au bout du compte, ce n’est pas seulement un président, un député ou un maire qui est élu. C’est la paix qui est scellée. Ou rompue.
Voilà donc pourquoi, toutes ces personnes, qui par leur fonction ou leur posture, leur fortune ou leur ambition, interfèrent dans ce processus, commettent des actes de Haute Trahison à l’endroit de notre Nation. Le groupe au pouvoir, arc-bouté sur ses avantages du moment, joue gros. Du fait de son incurie et de sa mauvaise foi, le pouvoir à Yaoundé a déjà généré une guerre qui à ce jour, a consacré la quasi-amputation de deux régions. Nos compatriotes anglophones…Les suites désastreuses de la gestion de cette crise électorale qui s’installe pourraient bien être plus graves : un Septentrion déjà fragilisé par Boko Haram, les abandons de toute sorte ne supporteraient pas les contre coups imposés par cet autre cataclysme que tout le monde voit poindre. Les conséquences sous-régionales peuvent être plus graves qu’on ne le voit depuis Yaoundé. De Ndjamena et Bangui, on observe avec beaucoup d’attention, ce qui se passe, pour dire le moins.
Il existe pourtant une issue, toute simple, à tout cela : le respect, simple, de l’expression populaire des Camerounais dans les urnes, dimanche dernier.