Nécrologie : Le Manidem porte le deuil de Anicet Ekane

Manidem

À Douala, les proches et militants de ce parti de l’opposition camerounaise pleurent la disparition de l’homme politique décédé à l’âge de 74 ans après 38 jours de détention au Sed à Yaoundé.

Anicet Ekane est mort. L’information est vite confirmée par différents canaux. Mais il est visiblement difficile d’accepter la disparition d’un homme politique engagé de sa texture. Il vaut mieux se rendre sur les lieux au quartier Bonadibong à Douala pour attester par soi-même. Les proches et autres curieux ont pris la direction du siège du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem). Sur le site ce lundi 1er décembre 2025, une dizaine de policiers en déploiement campent en face de la permanence du parti. Certains hommes en tenue sont armes aux poings. Un véhicule de la gendarmerie à la manœuvre quitte les lieux. Ce décor qui rappelle un tableau similaire lors de la présidentielle 2025, plante le décor. Dans la cour et à la véranda du Manidem, des proches affichent des mines tristes.

L’émotion se lit sur les visages des cadres du parti, des membres de la famille nucléaire et des journalistes. L’atmosphère est lourde. « Ils sont venus faire quoi ? Nous porter ? Ils ont déjà eu ce qu’ils voulaient non ? Vous avez tué un chef de famille. Vous tuez et vous voulez nous empêcher de pleurer ? », lance dans un accès de colère, une sexagénaire. Elle arrive sur les lieux en pleurs autour de 11h lundi. Elle frappe les deux pieds au sol en avançant. A bout de souffle, elle crie le nom « Anicet ! » entre deux sanglots. Un commissaire de police qui s’était détaché des siens de l’autre côté de la route pour rejoindre la petite foule devant le siège est dans le viseur des proches en colère. Des voix s’élèvent contre lui. Les esprits s’échauffent, avant une petite accalmie lorsque le commissaire quitte les lieux. Mais en face, les policiers tiennent toujours leur position. La famille, elle, porte le poids du deuil dans les cœurs.

 « Qu’ils restent avec le corps »

 

« Je suis abattue. Je ne sais quoi faire ou quoi dire. Qu’ils restent avec le corps d’Anicet puisqu’ils l’ont tué. Ils ont voulu qu’il meurt. Qu’ils restent avec ce corps. Nous, on ne prend pas ça », fustige Gertrude Ekane, la sœur cadette de l’homme politique mort au Secrétariat d’État à la défense (Sed) à Yaoundé après 38 jours de détention. Gertrude garde de son frère l’image d’un combattant. Lui qui avait annoncé à sa mère, ses frères et sœurs, qu’il allait donner sa vie pour la patrie. « Il nous avait dit qu’il allait mourir pour le Cameroun. Même avant la mort de notre maman, il lui avait dit que comme Jésus, il va mourir pour le Cameroun. Il a dit à maman que ‘’sache que je ne suis plus ton fils. Je vais mourir pour le Cameroun », rapporte Gertrude Ekane, déboussolée.

Dans la grande salle de conférence du Manidem, les photos en noir et blanc de figures emblématiques de la lutte panafricaine et de la lutte pour la libération des peuples rappellent l’engagement de Ekane. En bonne place, il y a des illustrations d’Ernest Ouandié, Martin Paul Samba, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Cheikh Anta Diop, Fidel Castro ou encore Che Guevara. Les membres du bureau politique du Manidem restés en alerte depuis l’arrestation de leur leader le 24 octobre 2025 défilent devant ces photos chargées de symboles, la mine serrée. Une réunion est ensuite organisée dans un des bureaux de la permanence. De temps en temps, quelques camarades sortent de cette pièce pour répondre au téléphone qui crépite sans cesse ou pour répondre à quelques questions des journalistes qui affluent. « Les Camerounais savent qu’Anicet Ekane était dans une condition extrêmement difficile et que son état de santé se dégradait progressivement. Il y a eu cette alarme qui a été lancée par les avocats et tous les Camerounais ont pu constater que les pouvoirs publics l’ont plus ou moins laissé mourir à petit feu. Ce qui a été validé ce matin », déplore Charles Nforgang, membre du bureau politique. Les armes à la main Pour le Manidem, le décès de leur président est lié à ses conditions de détention, à son arrestation « digne d’un film hollywoodien » à Douala et au transfert dans des conditions encore plus difficiles de Douala pour le Sed à Yaoundé. Un des membres du bureau politique relève que les premiers jours passés également dans les cellules infectées du Sed ont contribué avec d’autres événements au décès de l’homme politique qui a passé 50 ans de combat politique. Il est présenté comme l’un des visages emblématiques de la lutte pour le retour au multipartisme au début des années 90, dont il en a payé les frais par des arrestations et détentions. Il a été candidat à l’élection présidentielle de 2004 et 2011. Lors de la dernière élection présidentielle d’octobre 2025, Anicet Ekane a investi Maurice Kamto sous la bannière du Manidem avant d’apporter ouvertement son soutien au candidat du Fsnc, Issa Tchiroma Bakary. Il décède aujourd’hui à l’âge de 74 ans, comme il l’a toujours souhaité, les armes à la main.

Mathias Ngamo Mouendé


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