
« Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut », lançait, goguenard, Paul Biya, à un journaliste français qui avait osé la question de sa longévité, en 2017 à Yaoundé, devant un François Hollande ébaubi, alors en visite au Cameroun. L’éternel «présidant » du Cameroun levait un coin de voile sur son désir de rempiler pour un septième mandat. Il soulignait d’ailleurs comme pour s’en vanter, qu’il était là selon le choix de ses compatriotes, non par la force et la contrainte… Les forces de police, la gendarmerie et peut être plus encore, mobilisées depuis quelques semaines pour assurer « le calme » sauront sans aucun doute dire quelle est la consigne qui les maintient désormais, jour et nuit sur les places « sensibles» de la capitale. Le désormais recordman des élections -gagnées – dans le monde en a, du kilomètre au compteur !
Mars 1984 : le pouvoir vient de lui être cédé par Ahmadou Ahidjo, qui sous parti unique, empilait des scores conformes à la réputation du « Grand Camarade ». On se convainquit donc que le « nouveau » aurait besoin de sa légitimité propre : d’où cette élection anticipée au cours de laquelle, le successeur de Ahidjo s’empara de ce qui était la légitimité du peuple. Cela n’empêchera pas la tentative de coup d’Etat du 6 avril 1984. Cinq années après, c’est un Paul Biya sans peur ni reproche qui aborde en candidat unique une nouvelle élection présidentielle. La crise économique, certes, pointe son nez, mais on est à l’époque où, bien que les indicateurs soient au rouge déjà, il persiste un zeste de forfanterie : « Le Cameroun n’ira pas au FMI », entendait-on encore au cours d’un discours de fin d’année. De toutes les manières, le candidat est unique, le parti aussi, et tout se passe sans la moindre anicroche.
L’élection -anticipée – de 1992 sera bien loin de la balade de santé quatre ans auparavant. Le multipartisme était passé par là, les « Villes mortes », le « Parlement de l’Université de Yaoundé, la « Tripartite » et au passage, des compromis imposés par la société camerounaise dans ses nouvelles exigences de démocratie, de Libertés, et surtout de parole retrouvée. C’est par un tour de passe-passe digne d’une table pourrie de poker que le régime se maintiendra. En 1997, le régime a repris des forces et Paul Biya en personne parle désormais de « démocratie apaisée » . Après avoir tu les velléités de son propre camp (Titus Edzoa, Ayissi Mvodo), le système prend de l’assurance et pour ce premier septennat, les résultats ont des allures de plebicite forcé, genre parti unique : en fait, la technologie de manipulation des élections s’affine : depuis les inscriptions jusqu’à la proclamation finale des résultats, la mainmise du système est prégnante : on retourne au parti unique…
2011 sera une parodie de la parodie si on peut ainsi dire : une flopée de candidats pour la plupart stipendiés (le régime, au vu du désintérêt des uns et des autres, suscite et finance des candidatures). Le résultat sera à la hauteur des efforts mis en place pour dévier de la démocratie et prendre les chemins inverses.
2018 s’annonçait dans la même veine que les élections précédentes : sauf qu’arrive Maurice Kamto, qui se comporte en véritable grain de sable dans la machine que l’on croyait pourtant huilée. La pugnacité du leader du MRC, parti né quelques années auparavant va amener les éternels gagnants à se poser des questions, mais surtout à emprisonner un demi-millier de militants de Maurice Kamto, lui-même avec… La dictature s’assume désormais comme telle, et c’est dans cet esprit qu’elle a décidé de choisir par elle-même les heureux adversaires qui pourront affronter leur candidat.
Le candidat Biya, au cours des élections précédentes, faisait des sorties pour mobiliser son électorat. Mais le « toujours chaud gars » a désormais l’âge de ses artères : tout porte à croire que ses sympathisants devront se contenter de ses affiches pour exprimer leur militantisme. Ce sera, dans l’histoire électorale des nations, la première fois où on votera pour une image. Rien de nouveau sous le soleil : les hommes et femmes de ce monde, n’ont-ils pas cru en Dieu sans l’avoir jamais vu ?