Bafoussam : Des épingles, pour sauvegarder les testicules

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 Malgré le démenti des autorités, les populations du chef-lieu de la région de l’Ouest sont hantées depuis quelques jours par la psychose des voleurs de testicules, qui séjourneraient dans la ville.

André K. compte une histoire à peine croyable. Jeudi soir, alors qu’il voit la télé dans son salon, il reçoit un appel téléphonique de son épouse qui est sortie quelque temps auparavant, pour le marché. Au bout du fil, elle ordonne, déterminée : « quel que soit ce que tu es en train de faire, arrête et va dans la chambre ; prends l’épingle qui est au bord de la machine à coudre et mets-le sur ton caleçon avant tout mouvement ». Le mari, d’habitude questionneur, s’exécute. Et attend stoïquement. Quand elle revient, elle lui rapporte qu’au marché où elle se trouvait, quelqu’un a perdu ses deux testicules en saluant un inconnu et que, « c’est la panique totale ». Pour conjurer le mauvais sort, quelqu’un a lancé qu’agrafer une épingle sur le sous-vêtement permet de stopper ces sortilèges. Il est vite soutenu par d’autres connaisseurs de circonstance. Depuis lors, c’est la ruée vers les épingles. Cet accessoire d’habillement, qui a perdu sa gloire pour ne pas dire qu’il est quasi-inconnu d’une certaine génération, est redevenu une marchandise recherchée, tant et si bien que des détaillants accourent au marché A de la ville pour s’approvisionner, la demande jusque dans les quartiers étant devenue forte. Dans les débits de boisson, les jeunes « apacheurs » ne manquent pas de proposer le porte-bonheur à des clients dont l’essentiel des commentaires tourne autour du sujet. Dès la sortie du bus, à Ndiangdam, lieudit Agences, c’est la meilleure proposition de l’heure. « Utilisez ces épingles pour être sûr que vos testicules seront en place à l’arrivée », proposent les vendeurs à tous ceux qui veulent emprunter une moto.

Depuis jeudi 10 juillet 2025 donc, sans pudeur, des adultes ne se privent pas de soulever les habits, pour montrer comment leurs épingles sont bien en place. Dans le même temps, les populations fanatisées ont attenté à l’intégrité physique d’au moins cinq personnes, présentées comme des présumés coupables de la disparition des « noyaux » de fausses victimes. Le premier cas a eu lieu au carrefour Biao, où la police a dû user de tirs de sommation pour disperser la foule, décidée à en découdre avec un malheureux inconnu. Un autre cas a été enregistré au lieudit « feu rouge », un troisième à Makambou. On parle également de Ndiangdam. Le cas le plus spectaculaire était à Saint Charles, voisine de Tpo, où la moto neuve d’un concitoyen a été brûlée, lui-même battu à mort parce qu’on l’a présenté comme le responsable de la disparition des testicules d’un monsieur dont la femme disait ne plus reconnaître leur bijou de famille. « Quand bien même quelqu’un présenterait un sexe atrophié par la disparition de ses testicules, il faut encore établir que ceux-ci existaient effectivement avant la salutation malheureuse qui a conduit à leur disparition », relève un sociologue. Vendredi soir, l’on conseillait vivement de ne pas prendre la moto d’un inconnu, surtout si elle est neuve, parce que c’est à bord des engins à deux roues qu’ils opèrent.

Hystérie collective

Comme à Douala, et récemment à Yaoundé, les enquêtes ne mènent à rien de bon, face à des foules fanatisées et vite portées à la vengeance. « Cette folle rumeur sur la prétendue disparition des sexes masculins, dénuée de tout fondement au regard des résultats des analyses médicales menées avec professionnalisme sur des supposées victimes, a déjà fait d’énormes dégâts au préjudice des personnes innocentes prises injustement à partie »,  regrette le préfet de la Mifi, Christophe Fofié Mbouedia. Qui invite les populations à « faire preuve de discernement et de retenue face à ces balivernes propres à instaurer un climat de psychose et les appelle au calme et à la sérénité ». Il menace de poursuivre ces « individus malveillants », afin qu’ils répondent des conséquences pénales de leurs agissements.

Comment les populations de Bafoussam peuvent-elles, plusieurs semaines après la supercherie démontée à Douala et Yaoundé, se lancer à leur tour dans la traque de faux voleurs de testicules ? L’espace d’un week-end, la rumeur fleurit sur la structuration de cette association de voleurs de sexe. Avec même des adresses et des traits pour les confondre. Samedi soir, à 18h30, au lieudit 2ème carrefour Socada, un monsieur d’âge mûr a accusé quelqu’un qui marchait devant lui, d’avoir volé à l’instant les testicules de son fils, en le touchant. Attroupement, lapidation en vue. Manque de pot, quelqu’un a demandé à l’enfant de montrer son sexe. Le père a refusé. De force, les badauds ont retiré son pantalon, pour constater que ses testicules étaient bien en place. Les deux ont été embarqués par la police, alertée.

Franklin Kamtche


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